dimanche 25 novembre 2007

Seize cailloux

SI j’avais suivi le rythme des petits cailloux, aujourd’hui j’aurais fini de remonter le cours de ma rivière…

Seize dimanches de rituel ricoché. Pourquoi n’y a-t-il pas eu (encore ?) un dix-septième ? J’invoque le manque de temps, c’est plus facile.

Le fait est que certaines de ces années, à qui j’ai demandé de revenir à ma mémoire, m’ont été difficiles à évoquer, j’avais mis tant de temps à m’apaiser de leur passage, était-ce bien malin de raviver leur souvenir… J’ai connu de l’appréhension d’écrire 2002, 1993, mes années de plomb, bien lourdes au bout de mon crayon.

J’ai arrêté au bord de 1990, parce qu’au-delà de cette année-là, les souvenirs sont plus fumeux, plus obscurs, plus durs à déterrer. J’ai peut-être peur de toucher une conduite enterrée qui m’exploserait au visage ? Peur d’enlever des mouchoirs très délicatement disposés, petits linceuls de choses oubliées en-dessous ? Peur d’affronter la réalité de certains souvenirs soigneusement arrangés pour présenter moins d’aspérités coupantes ?

Ou alors juste une grande paresse ?

Les petits cailloux ne sont pas anodins, c’est certain. J’ai lu certains billets d’autres ricocheurs le cœur serré, ou admiratif, ou ému et je ne peux croire qu’on s’écrive, soi, sans implication parfois douloureuse ou difficile. Ce blog est précieux, poignant, drôle parfois. J’aime ces chemins tracés de mots intimes, parallèles ou sinueux. Poursuivrai-je le mien ? Je n’en sais rien.

samedi 9 juin 2007

1991 - L'épopée du jus d'orange

Depuis 2 ans, je « travaillote » de-ci de-là, n’arrive pas à avoir une activité régulière comme intermittente du spectacle. Je mettrai un moment avant de me rendre compte à quel point j’ai besoin de stabilité professionnelle et financière pour n’être pas angoissée tout le temps.

Un soir au restaurant, les larmes me viennent aux yeux parce que je capte à la table d’à-côté le récit enthousiaste de son travail d’une fille de mon âge à son amoureux. Julio s’affole de mes yeux mouillés, les embrasse, me câline, ne comprend pas. Qu’ai-je besoin de m’inquiéter ? Il est là.

Précisément, amoureuse d’un homme comme lui, j’ai plus que besoin de stabilité et de sécurité… Il est fantasque, passionné, inventif, touche-à-tout. J’admire ses créations, ses idées foisonnantes, il m’émerveille, me fait rêver, je l’aime, mais il est l’homme le moins rassurant de la terre ! Il fait fortune un jour, est ruiné le lendemain pour avoir tout réinvesti sur un coup de tête dans un projet aussi mirifique qu’aléatoire. Il m’offre des cadeaux ruineux et je découvre qu’il est poursuivi par moult créanciers en colère. Et lui, ça le fait rire. « Ne t’inquiète pas, Poussin, ce n’est que de l’argent, ce n’est pas grave. ». Il ne possède ni carte bancaire, ni chéquier, que des espèces, toujours. Quant nous partons à l’étranger et qu’il se retrouve à court, il me rembourse au retour les sommes que j'ai dépensées pour nous en… francs CFA, virés d’une société inconnue au fin fond de la Côte d’Ivoire... à la grande surprise (et méfiance) de mon banquier.

Parce que j’aime un jus d’oranges pressées le matin, il m’a offert un de ces presse-agrumes en métal, lourd et encombrant avec un bras qui tourne et ne laisse aucune chance à la pauvre orange coincée dans l’acier. Un matin, il affiche cet air rêveur et concentré qu’il a quand une idée germe, c'est-à-dire souvent. J’aime bien assister à ce processus : bientôt il va mettre l’idée en mots et en dessins, ébaucher des calculs et des hypothèses, s’engager dans des culs-de-sac, repartir en arrière, trouver des solutions, d’autres impossibilités, les contourner… C’est fascinant.

L’idée du jour est la suivante : pour que son Poussin (moi, donc) puisse boire du jus de fruits frais le matin sans avoir à s’embêter à le faire, pourquoi ne pas commercialiser des oranges, directement remplies de leur jus, qu’il n’y aurait plus qu’à verser dans un verre ou boire à même le fruit, par un orifice/goulot prévu à cet effet ?... Je suis éberluée.

Le soir même, sur une nappe en papier de bistrot, il griffonne un schéma, un « extracteur de pulpe d’orange » qui introduirait ensuite dans le fruit une espèce de structure à baleines pour le maintenir dans sa forme. Ensuite, on réintroduirait le jus. On ferme par un clapet, un bouchon à vis, je ne sais, et hop ! Je suis sceptique et compréhensive. Je le trouve génial, souvent, mais là, j’ai un doute. Le lendemain, il met trois affaires dans une valise, décide illico de partir pour Taïwan où il a déjà prévenu Untel qu’il accourait pour faire fabriquer le prototype… Disparaît 10 jours. M’appelle à n’importe quelle heure pour me crier son amour et son enthousiasme. « Ca va être révolutionnaire, Poussin ! Je t’aime ! Je reviens vite ! Tu me manques. ». Une semaine après, il appelle du Japon où il est parti rencontrer d’éventuels financiers. Revient par l’Allemagne, plus grand consommateur européen de jus de fruits où il a peut-être une possibilité de…
Je me souviens du prototype de plastique bleu dont il m’explique le fonctionnement, sa main refermée comme une orange. J’embrasse sa main. Il me regarde, surpris dans son rêve enthousiaste, sourit de son beau sourire des lèvres et des yeux.

Ici commencent des mois d’expérimentations diverses. Il a trouvé un fabricant de jus d’orange intéressé en Allemagne, des financiers je ne sais où. On fait des tests. Une matière transparente, qui ressemble à du plastique, biodégradable et écologique cependant (à base de riz ? je ne me souviens plus) a été mise au point pour recouvrir l’intérieur du fruit et que le jus se conserve quelques jours. On fait des essais avec l’engin à baleines : les oranges explosent toutes. On en fait venir du Maroc, plus costaudes que les espagnoles. On teste les floridiennes, aussi. Elles arrivent de partout par cargo ou avion. Sont impitoyablement rejetées en fonction de leur fragilité, leur manque de sucre, leur vitesse de dégradation. Le brevet est déposé pour le monde entier et pour tous les fruits existants ou à venir. Le goulot - qui ne doit pas dépasser de l’écorce pour conserver au fruit sa forme ronde - est à l’étude. Julio m’annonce triomphant qu’il a conçu un truc qui permettra à tous les types de bouches de boire à même le fruit, même les becs-de-lièvre, ah, ah !

Je suis, attendrie, la saga du jus d’orange, au fil des mois. Il y a des périodes enthousiastes suivies de périodes de doutes et de découragement. Les fonds manquent, il faut en chercher ailleurs. Les tests échouent ou ne donnent pas les résultats escomptés. Il y a parfois des triomphes et des espoirs fous : on a trouvé la bonne orange ! Il faut déchanter quelques temps après pour d’autres raisons techniques. Il ne perd pas la foi. Jamais.

Le projet « Orange Poussin » mourra en même temps que lui deux ans plus tard. Comme d’autres que j’aimais (une cité inspirée de l’œuvre de Dali, qui me tenait particulièrement à cœur). Qu’est-il advenu des prototypes, des cargos d’orange, du film transparent bio et breveté ? Je n’en sais rien et peu importe. J’ai toujours mon presse-agrumes si lourd mais je l’ai descendu à la cave. Je ne bois plus de jus d’orange le matin.

jeudi 17 mai 2007

1992, Insouciance et convalescence

Qu’elle a été douce cette année-là, insouciante et gaie avant le grand saut de 1993.

En février, je vole, je vole dans les airs, moi ! Parapente en face de l’aiguille du Midi. Sentiment d’euphorie, de liberté, d’émerveillement total. Et pourtant pas très fière quand le moniteur avec qui je volais en tandem pour la première fois m’a installé tout l’attirail sous les yeux d’une foule de curieux, et m’a crié de courir vers le vide. Et je m’envole, je m’envole et je ris de bonheur.

Je rentre à Paris me promettant d’effectuer un stage d’été pour apprendre à voler seule. Les évènements en décideront autrement.

31 mars. Un carrefour. Un choc. Tête-à-queue multiples. Bruit de tôle et cri de peur. Hôpital Saint Antoine, un genou à réparer, clouter, immobiliser.

Julio ne peut s’occuper de moi, la moitié du temps à l’étranger. Je ne peux rester seule, ni continuer à travailler, plâtrée jusqu’en haut de la cuisse, interdite de marche pour trois mois. Direction Bretagne, la maison de mon enfance, chez papa-maman.

Passé les premiers jours un peu déprimés, ces trois mois seront des vacances paisibles, douces, gaies. Il fait beau dans le jardin, sous mon grand chapeau de paille (je fuis le soleil, à cause des anti-coagulants), je lis, j’écris un peu, et surtout je brode. Quand on ne peut bouger, jouer avec les couleurs et s’occuper les mains est idéal. Je dessine une nappe parsemée de papillons, les orne de fils multicolores. De cette année-là, les papillons resteront mon emblème, ils le sont encore.

J’apprends à maîtriser l’art de la douche assise sur une chaise de jardin en plastique, le plâtre enveloppé dans un sac poubelle grand format. J’arbore les salopettes de grossesse de ma sœur, assez vastes pour contenir ma jambe encombrante et dotées de poches sur le devant où j’enfouis tout le barda que je ne peux porter, les bras tout occupés de mes béquilles.

On me chouchoute, on me rend visite, on me promène, on m’emmène dans des restaurants où j’occupe deux chaises. Le printemps est beau, l’été s’annonce de même. Je n’ai pas du tout envie de reprendre le boulot début juillet… Et pourtant, un jour de juin, je suis sortie de Saint Antoine sur mes deux pieds, claudiquante, les larmes aux yeux. C’est si beau de marcher.

A la fin de juin, résignée, je décroche mon téléphone pour discuter des modalités de ma reprise de boulot la semaine d’après. On me répond mystérieusement gêné. La direction se décide à me rappeler : j’apprends sur la terrasse, cheveux mouillés bouclant dans le soleil du matin, que je suis licenciée, ainsi que les personnes qui constituent le service marketing dont je fais partie, et dont la boîte se sépare. Plus précisément, je serai licenciée dès que je remettrai mes pieds valides dans la maison. Autant ne pas me presser. Cela tombe bien, je ne me sens pas encore tout à fait d’aplomb sur mes quilles : un mois ou deux de vacances supplémentaires à les faire nager dans l’eau de ma Bretagne leur seront fort agréable et bénéfique. Je suis soulagée. Je n’aimais pas ce job. J’aviserai à la rentrée…

A la rentrée, je retourne dans la chaine de télévision qui m’avait fait travailler par intermittence depuis quelques années. J’y travaille sur un projet d’émission imbécile mais rigolo. Tellement imbécile qu’elle ne sera pas diffusée (et vu le nombre d’imbécilités que diffuse la chaîne en question, c’est une performance). Le chômage me menace. On me propose une autre émission, pas du tout rigolote celle-là : on y parle de meurtres, de cadavres, de boyaux à l’air racoleurs. J’ai failli vomir en voyant le pilote. Mais c’est ça ou l’ANPE. Je choisis l’émission-cauchemar. Merde. Pas jolie façon de clore une jolie année.

vendredi 11 mai 2007

1993 – Année noire, vue d’en haut…

Comme c’est étrange de remonter le temps, éclairée de son présent. Ou obscurcie par lui, selon les cas.

Cette année 93 qui vit basculer ma vie, je l’écris en des jours paisibles. C’est bien. Je ne verserai plus de larmes sur cette horrible année-là. Je sais ce qu’elle m’a coûté. Je sais aussi ce que je lui dois. Au moins un peu. Je crois qu’au fond je commence à peine à l’entrevoir.

Janvier. Je travaille pour une chaine de télévision où l’on nous aboie dessus quotidiennement. Pour une émission peuplée d’horreurs et de cadavres. Je serre les dents. J’ai besoin de ce boulot.

Un jour de juin ensoleillé, il y a des hortensias bleus dans le jardin de cet hôtel où nous avons rendez-vous. Il a choisi l’endroit parce que j’aime tellement ces fleurs-là. Il a ici, un peu plus tard, un dîner d’affaires avec des japonais, des saoudiens, je ne sais plus trop bien. Il doit leur montrer ses maquettes magnifiques, qu’il a entreposées dans une vaste chambre. Nous prenons un apéritif gourmand, amoureux, rieur. Qu’est-ce qu’on riait tous les deux. Au milieu des rires, soudain il s’arrête. Net. Des larmes brusques dans ses yeux. Et sa voix altérée d’émotion pour me dire les plus beaux mots d’amour qu’il m’ait jamais dit. Et pourtant, je n’en avais pas manqué, avec lui, d’amour et de mots, depuis 5 ans…

Est-ce que les gens qui vont mourir le savent parfois, avant ? Est-ce qu’ils ressentent, dans les jours qui précèdent, l’urgence de dire des choses importantes ? Ce soir-là, avait-il connu cet éclair-là ? Je me suis souvent posé la question, après. Je me suis même demandée parfois dans les heures noires s’il avait eu envie de mourir et s’en excusait avant de partir.

J’ai pris sa main, l’ai embrassée. Nous n’avons rien dit de plus ce soir-là, avons vécu intensément le temps qui nous restait avant que ses saoudiens-japonais n’arrivent. Je les ai croisés en repartant, il m’a salué cérémonieusement devant eux, comme si j’étais une cliente concurrente, son oeil rieur retrouvé. M’a appelée fort tard, j’aimais quand il me réveillait de sa voix tendre.

Le lendemain, il m’a enlevée au bureau pour un déjeuner bref avant d’attraper son avion. Notre dernier baiser c’était à l’angle du Boulevard Montparnasse et de la rue de l’Arrivée quand il m’y a redéposée. Je repasse toujours par là avec un drôle de frisson, malgré les années. Quelques jours après il y avait ce coup de fil de malheur.

J’ai gardé les yeux secs. Trois mois je crois. Avant de comprendre qu’il était bel et bien parti, que non, il n’allait pas repasser la porte par laquelle je le guettais encore, jour après jour. Que non, le téléphone n’allait pas sonner de nouveau dans mon sommeil avec sa voix au bout. J’attendais tellement cela que j’en aurais à peine été surprise, je crois.

Je lui parlais comme s’il était là. L’engueulais de son absence, lui disais des mots d’amour, entendais les siens dans le silence.

Septembre, je reprends ce job ignoble. Un jour, quelqu’un de passage me demande si j’ai des enfants. Je dis non. Me répond un peu rieur oh la la, et bien il faut te dépêcher, bientôt 30 ans, dis donc ?! La secrétaire me regarde, désolée, impuissante. Je prends mes affaires en silence, je rentre chez moi. C’est la première nuit que j’ai passée prostrée au pied de mon lit, étouffée de sanglots interminables, noyée dans des larmes qui avaient mis le temps avant de faire leur chemin, devenues torrents, océan, lame de fond. La première nuit sans sommeil et sans espoir d’une longue, longue, interminable série de nuits sans fond. Pas dormir, plus dormir, non, trop peur de la nuit, des cauchemars, des visions de cadavres pourrissants aux restes de visage de l’homme que j’aimais. Pas manger, plus manger non plus, me maintenir en vie est inutile, je vomis le moindre yaourt.

Novembre. Un soir tard, seule dans une salle de montage, je prépare des petits films pour l’émission du lundi. Tout à coup, je réalise : ils sont tous morts les gens sur l’écran, tous des cadavres pourrissants aussi, aujourd’hui… Mes mains tremblent, je ne peux plus appuyer sur les boutons. J’éteins tous les écrans, la folie est là, pas loin. Je pourrais m’effondrer par terre ou tout casser.

J’appelle Jack. J’ai une toute petite voix. Je dis tu peux venir me chercher. Il dit j’arrive. Ce soir là, il prend soin de moi, me fait manger un peu, boire un peu de vin, pas trop, me réchauffe de ses bras. Ne me laisse pas seule, si seule…

Après l’émission du lundi, je m’en vais. Arrêter ou devenir folle. Ou devenir morte moi aussi. Mourir. Pourrir.

Je me lance dans le chômage, et pour longtemps, je ne le sais pas encore. Peut-être ce chômage-là sera-t-il finalement un dérivatif. Penser à survivre plutôt que de se laisser aller à la souffrance.

Il y a quelques amis qui sont là auprès de moi. Seulement auprès, pas à l’intérieur, bien sûr. Cet intérieur de cauchemar, personne ne peut m’en délivrer. P. me tient à bout de bras, tant qu’il peut. D’autres ont pris la fuite. Ca fait peur, le malheur. Et ma famille maladroite, qui m’a appris à me tenir debout ou à faire semblant, vaille que vaille : on y déplore l’arrêt de mon travail, pas très prudent, ça. On me félicite même à Noël de ma ligne amincie. Savent-ils ? Réalisent-ils un peu mon gouffre ? Non, je ne suis pas au régime. Non.

dimanche 29 avril 2007

1994 - Dizaine triste

J’ai 30 ans. Je me sens si fragile. L’année précédente a labouré ma vie. Détruisant tout. Laissant une friche. Une terre aride ou repoussera peut-être quelque chose un jour, mais pour l’instant…

Mes amis me font une fête surprise et maladroite. Je me souviens très précisément comment j’étais habillée ce jour-là. Toute en noir, avec une jupe très courte. J’affiche très haut mes jambes fines. Trop. J’ai perdu 10 kilos dans les six derniers mois. Le chagrin est mon régime express. Les nuits peuplées de cauchemars aussi. Il m’arrive de bloquer devant un simple yaourt. Manger pour me maintenir en vie m’apparaît assez superflu.

Ils m’offrent pour cet anniversaire triste mon portrait chez Harcourt. Fantasme de cinéphile. A l’heure où j’écris ces mots, ce portrait me regarde du haut d’une étagère de ma chambre. J’y ai l’air fier. Je me souviens de la séance de pose, de la lumière violente dans mes yeux que je gardais difficilement ouverts. De l’étrangeté de ce cadeau luxueux alors que je commençais à batailler pour essayer de retrouver du boulot, de retrouver une vie, confrontée à l’inadmissible pour la première fois.

On passe parfois de l’état adolescent à celui d’adulte en un tournemain, peu importe l’âge que l’on a quand cela se produit.

Je recommence à fumer.

dimanche 22 avril 2007

1995, l’année qui n’en finit pas

Qu’elles sont longues, les heures d’attente, les heures d’angoisse, les journées vides, interminables.

J’essaie de me lever le matin à la même heure que quand je travaillais. Je me mets à mon bureau. Téléphone à portée de main, et aussi mon grand cahier de « contacts » où je note scrupuleusement à qui j’ai adressé mon CV, les relances téléphoniques, les espoirs de rendez-vous, l’accueil qu’on m’a fait, ceux qu’il convient de rappeler et quand, les fins de non recevoir… Ce cahier-là, je l’ai retrouvé quelques années après. Je l’ai déchiqueté consciencieusement. Souvenir d’heures sombres.

Il m’arrive de pleurer de découragement quand on m’a envoyé balader trop sévèrement, quand je n’ai plus la moindre idée de qui appeler, quand la liste des CV envoyés m’apparaît cent fois supérieure en nombre aux rendez-vous décrochés.

Je ne fais pas grand-chose d’autre. De toute façon, l’argent s’amenuise. Et toute autre activité me fait culpabiliser : que fais-tu là, dans cette salle de cinéma, dans ce parc, dans cette rue, alors que tu devrais chercher du travail ?! Vers 18 heures, les jours de semaine, la tension se relâche. J’ai le droit de revenir dans la vie, au même rythme que les autres, ceux qui sortent des bureaux.

Je vends ma voiture. Plus les moyens de l’entretenir. Et un petit pécule pour quelques temps, pour éviter de demander à mes parents de m’aider trop souvent.

J’essaie les agences d’intérim. On m’envoie promener. Je n’ai aucun diplôme « qualifiant ». J’ignore combien de mots je tape à la minute. Mon expérience de gestion d’équipes, d’organisation de lourdes émissions de télévision, ne sert à rien, n’existe pas. J’envisage de changer de ville, de vie, rien ne marche.

Dans le brouillard de cette année-là, une seule lueur : j’ai découvert Arnaud Desjardins. Il m’ouvrira des portes de conscience que je ne soupçonnais pas. Grâce à lui et d’autres qu’il me fera connaitre, je ne sombrerai pas tout à fait.

Les mois passent et je ne sais plus à quel saint ou à quel démon me vouer. Un jour, mon opticien qui est devenu un copain (je fais des allergies oculaires à répétition et j’ai changé plusieurs fois de lentilles au cours des dernières années) m’indique un de ses clients réguliers, un producteur. Il m’incite à l’appeler de sa part. Même si la recommandation est pour le moins étrange, je n’ai rien à perdre. J’envoie mon CV, appelle ; il est passablement désagréable au téléphone. Me rappelle 15 jours après : il vire son assistante. Me propose le poste. J’ai l’impression de sortir la tête de l’eau après avoir failli me noyer. Je ne sais pas encore que ce ne sera pas la solution de tous mes problèmes. Quinze jours avant de commencer ce nouveau boulot, en novembre, j’arrête de fumer mes deux paquets quotidiens.

Le 31 décembre de cette année-là, j’achète un pot de peinture rose, repeins ma salle de bains un peu n’importe comment, sans même y avoir pensé avant. Changer de décor. De vie ? Au réveillon, j’arriverai avec du rose dans les cheveux sinon dans le cœur.

dimanche 15 avril 2007

1996 – D’un gouffre à l’autre

Depuis deux mois, j’ai retrouvé du travail. Je commence l’année en m’extirpant du gouffre du chômage qui m’a aspirée pendant deux ans, entrecoupé de quelques petits jobs intermittents, mais si peu.
J’ai à nouveau un salaire, qui représente à peine les deux tiers de celui auquel je postulais autrefois, mais je peux au moins payer mon loyer sans demander l’aide de mes parents. Mois après mois, j’essaie de combler le découvert creusé pendant tout ce temps.

Je me disais qu’en retrouvant du travail, ma vie reprendrait un cours plus doux, plus stable et rassurant. Je me trompais. Je suis épuisée de ces deux années, exsangue. Le gouffre du chômage m’avait juste éloignée de l’autre, plus profond, plus noir, parsemé d’arêtes tranchantes, du deuil non fait.

Me retrouver sans travail juste après la mort de Julio était peut-être la conséquence logique de cette spirale souvent constatée : tout se déglingue parfois en même temps dans la vie. C’était aussi une excellente façon de mettre le chagrin et la souffrance de côté pour ne s’occuper que de bouffer, de survivre.

La crevasse du chômage refermée, l’autre souffrance cachée derrière se rappelle à mon bon souvenir. Violemment.

Les journées m’apparaissent comme autant d’immenses et arides déserts à traverser. Chaque matin, je me demande si je parviendrais jusqu’au soir. Chaque réveil est une torture, chaque endormissement l’espoir qu’il sera le dernier. Chaque attente sur un quai de métro me fait dévorer des yeux les lignes parallèles des voies, oscillante au dessus d’elles, terrifiantes et attirantes promesses de repos, enfin.

Peut-être ce qui me sauve, cette année-là, c’est de faire à nouveau partie d’une équipe. Et quelle équipe ! Je vais nouer dans cette nouvelle boîte des amitiés qui ne se sont jamais démenties depuis. Leurs présences chaleureuses et gaies autour de moi m’aident à porter ma vie, sans doute parce qu’ils ignorent mes tourments. Ils ignorent que chaque soir, quand je les quitte, je retombe dans un vide sans fond, peuplé de cauchemars et de désir de mort. Quand je relis mes écrits de cette année-là, ils sont d’un noir d’encre.

En juillet, je suis invitée à dîner par E. un ami qui me surveille sans en avoir l’air et qui m’a encouragé à entamer une thérapie (mais les thérapies ne consolent pas les chagrins trop immenses, je le crains). A côté de moi à table, il y a un garçon avec un beau sourire triste. En nous présentant, E. a dit « Vous avez en commun d’avoir drôlement morflé ces deux ou trois dernières années »… Le garçon triste a connu une rupture qui l’a laissé sur le carreau, il a failli en mourir. Il est très maigre. Il a un tel chagrin dans les yeux. Quand il parle de celle qui l’a quitté, c’est comme un vertige… Nous nous regardons avec une sympathie timide.

Le garçon triste va m’accompagner pendant un an. Nous nous réchaufferons mutuellement, comblerons par la présence de l’autre une solitude que nous n’avons pas voulue. Nous ne sommes pas un couple, plutôt un duo cahotant. Nous tenir la main nous aide à avancer un peu moins péniblement, c’est tout. Il y a beaucoup de tendresse dans cette relation incertaine. J’y aurais puisé quelques forces, au moins, avant qu’il ne me plante un poignard dans le dos. Le garçon triste préférera finalement tenter de sauver sa peau aux dépens de la mienne.

Par un de ces drôles d’embrouillaminis de la vie, finalement, le garçon triste m’aura quand même légué une amitié précieuse: celle de la fille qui l’avait quitté.

dimanche 8 avril 2007

1997 – Année violente

Une année qui « déménage », au propre et au figuré.

Le transport de mes cartons, de mes meubles, de mon cadre de vie du sud au nord de Paris est aussi symbolique que réel. Je laisse derrière moi un pan de vie, j’apprends le changement, j’apprends à dire adieu.

Je me décide enfin, après plusieurs mois d’analyse en face à face, à m’allonger sur le divan, ce que je refusais catégoriquement jusque là. J’y trouverais un peu d’abandon, peut-être une ou deux vérités timides, mais surtout la révélation que ce type de « thérapie » n’est pas pour moi. J’abandonne à la fin de l’année. Je ne l’ai jamais regretté.

En mars, je fais la rencontre décisive d’une femme au regard doux, qui me fera prendre conscience que je m’accroche encore de toutes mes forces à Julio, quatre ans après, que je ne lui ai pas permis de partir. Grâce à elle, je vais enfin lui dire un adieu qui m’apparaîtra aussi violent que le premier, comme s’il était mort une deuxième fois. Infiniment douloureux. Salutaire.

En juillet, je prends en pleine figure, en plein cœur, la trahison de quelqu’un que je croyais un ami, auprès de qui je me réchauffais doucement depuis un an ; il en était de même pour lui. Pas amoureux, non, juste ensemble pour être moins seuls, prendre le temps de panser nos plaies, pouvoir en parler et prendre soin de l’autre en attendant que la vie, que l’amour nous rattrapent. Dieu qu’elle était douce, qu’elle était intense, cette amitié-là qui s’est interrompue en quelques secondes, transformée en haine aussi soudainement qu’un nuage voile le soleil. Pourquoi ?

Encore aujourd’hui, dix ans après (dix ans !), je suis incapable d’évoquer cet épisode sereinement, et je me demande si cette trahison-là n’est pas la source de ma fréquente défiance à l’égard de qui me jure amitié ou plus.

Il paraît que nous méritons toutes nos rencontres. J’avais dû « mériter » celle-là aussi. Il faut avouer qu’elle m’a ouvert la porte vers d’autres amitiés, d’autres univers, m’a aidée à porter ma vie quelques mois. Alors ce n’était peut-être pas tout à fait inutile. Je suis de plus en plus intimement persuadée que rien ne l’est.

dimanche 1 avril 2007

1998 - une année gaie

L’année est légère. Pour la première fois depuis 5 ans. En janvier, je rencontre de façon incongrue un homme au large sourire, dont je mettrais quelques temps à me rendre compte à quel point il est important pour moi. Il me réapprendra bientôt le bonheur d’être deux, et comme un quotidien partagé peut être gai et tendre.

En attendant, il m’accompagne avec bienveillance dans ma frénésie de sorties et de rencontres nouvelles. Je recommence à trouver la vie gaie, je papillonne, virevolte, m’amuse au milieu de gens nouveaux, drôles, créatifs : peintres, sculpteurs, musiciens, fréquente à leurs côtés des lieux étranges où se tiennent expositions et « happenings » parfois saugrenus, parfois superbes, mettant en scène le corps, dévoilé ou suggéré. Grâce à eux, je mettrais un joli point final à la relation chaotique que j’entretiens avec mon corps depuis l’adolescence en posant nue, pour la première fois. Je vivrais avec un réel bonheur cette relation de peintre à modèle, de regard esthétique et sans jugement sur mes rondeurs autrefois détestées.

Cette année-là, j’expérimente, je cherche des chemins, je n’ai peur de rien, je me laisse aller aux sentiments, qu’ils soient amicaux ou amoureux, avec intensité, en les disant, en les vivant, sans peur de me faire mal. Je me laisse aller au désir pour le désir, au plaisir des sens sans y mettre d'affect. Je réapprivoise mon corps et la séduction qui va avec. C’est peut-être la première fois que je prends conscience de l’énergie, de la force que j’ai en moi, qui me permettent, me permettront toujours, malgré les glissements de terrain, de me relever, de survivre aux épreuves, d’en tirer une perception aiguë de la réalité. Parfois avec joie.

lundi 19 mars 2007

1999 - Une année simple ?

Je commence l’année à New York. J’y arpente les espaces émouvants d’Ellis Island. Malgré le froid glacial, la nuit du réveillon, nous avons brulé solennellement dans un jardin de Brooklyn un cercueil de carton et les petits papiers pliés que nous y avions enfermés, sur lesquels nous avions tous inscrit ce que nous souhaitions abandonner derrière nous et voir « mourir » à l’aube de cette nouvelle année. Je n’ai aucun souvenir de ce que j’avais écrit sur le mien.

Je me souviens d’avoir vu, dodelinante et émerveillée, Manhattan se découper dans la nuit, et que j’étais dans un état de fatigue proche de l’ivresse car mon avion s’était posé à Kennedy l’après-midi même et qu’à minuit pour moi il était six heures du matin. Je me souviens de ma surprise et de mon désappointement de petite française bonne vivante, car à aucun des deux réveillons new-yorkais auxquels on m’avait emmenée il n’y avait quoi que ce soit à manger hormis quelques cacahuètes et des chips. Et des frigidaires géants pleins de bière…

A mon retour, je retrouve N. ses bras tendres et ses attentions précieuses et drôles. L’année commence joliment.

Une déception que je n’avais encore jamais connue : le premier long métrage sur lequel j’ai vraiment travaillé de A à Z, sans relâche, de l’émergence de l’idée aux toutes dernières finitions, qui se plante. Mais alors vraiment vraiment, pas la moitié d’un échec : en deuxième semaine à Paris on n’a déjà plus qu’une salle. Et pas toutes les séances, encore… Tant de travail, tant de passion de la part de beaucoup de gens, tant de mois d’effort pour rien. Ou si peu. Et des échecs comme celui-là, c’est tellement monnaie courante dans ce métier. C’est parfois décourageant.

On me propose un autre job ailleurs. Très différent : très technique, pas du tout artistique, pas du tout créatif, mais plus sûr, mieux payé. Le cinéma, ses incertitudes permanentes, ses projets avortés, mon boss producteur caractériel (pléonasme ?), tout cela me fatigue. Je dis oui. Ce sera un enterrement professionnel de troisième classe dont je mettrai 3 ans à sortir, mais qui aura au moins le mérite de me faire bouffer et de m’apporter une sécurité inconnue depuis que je bosse.

Pendant ce temps, la relation avec N. est harmonieuse et gaie, malgré les assauts répétés de son ex-femme qui cherche désespérément à le récupérer depuis qu’elle a appris qu’il était avec moi, semblant oublier que c’est elle qui avait exigé leur séparation… Chantage à l’enfant, insultes téléphoniques ou autres… Est-ce qu’il existe des relations simples ? Des années simples ?

dimanche 11 mars 2007

2000 - Le labyrinthe

2000. Qu’est-ce qu’on l’a attendue cette année-là ! Quand on était mômes, on s’y projetait : on savait tous l’âge qu’on aurait. Pour moi, 36 ans ! Qu’est-ce que c’était vieux ! On en riait comme des fous. On croyait que ça n’arriverait jamais. Et que cette année-là comblerait les rêves les plus futuristes. Plus traditionnellement, j’étais persuadée qu’à cet âge canonique, je serai déjà à la tête d’une famille, d’un travail, d’une maison, que sais-je encore. Je n’avais pas beaucoup d’imagination pour ce genre de normes.

Comment aurais-je pu imaginer qu’en l’an 2000 – comme on disait – je serais déjà morte et re-née plusieurs fois, et que ce chiffre rond verrait de ma vie un nouveau recommencement chaotique. Une nouvelle rupture, une nouvelle renonciation, un quotidien bouleversé, des projets encore à revoir.

L’interrogation, cette année-là, est celle qui jalonne ma vie depuis longtemps, récurrente, parfois désespérante, parfois apaisante : combien de faux chemins faut-il emprunter, combien de voies sans issues doivent-elles se révéler pour qu’au bout du compte on puisse espérer trouver la route qui mène à soi-même ? Combien d’erreurs, de ratés, de projets avortés, d’espoirs déçus, de bonheurs ou souffrances inattendues avant d’arriver à se dire « Or donc, ça c’est ma vie… ». Sans amertume. Juste parce qu’on a réussi à muer les renoncements en acceptation.

En l’an 2000, les bras d’un homme, dans lesquels je me sentais bien, se dérobent à moi. En 2000, j’accepte peut-être que la vie ne soit pas aussi ronde que ces trois zéros, mais sinueuse, encore et toujours. Je ne vois pas d’horizon mais toujours un mur derrière un autre mur. Alors voilà, ma vie est ce labyrinthe toujours plus vaste. Peut-être faut-il que je prenne mon parti du labyrinthe. Que je cesse d’espérer en trouver la sortie. Vivre dans mon labyrinthe , prendre les virages souplement, faire demi-tour sans m’exaspérer, et profiter du ciel au-dessus.

dimanche 4 mars 2007

2001 – Une année de contrastes

Une année toute noire ou toute blanche, passant de la lumière la plus vive à l’obscurité la plus tenace, de la légèreté au poids des évènements les plus lourds, du rire aux larmes amères.

Début d’année fatiguée et mal à l’aise dans mon corps. Je décide d’agir, et quand je veux, je peux ! Quatre mois plus tard, j’affiche 12 kilos de moins, une forme et un moral incroyable. Je me sens belle, légère, de l’énergie à revendre. Ca tombe bien, il y a quelqu’un auprès de moi qui en a besoin, de cette énergie. Un ami cher qui subit une lourde opération suivie d’une longue convalescence. J’essaie de lui insuffler un peu de ma force, un peu de ma gaieté, d’être là auprès de lui, si fragile.

L’été me voit active, sportive, sur tous les fronts. La Crète, merveille dans laquelle je me fonds. J’enchaine le catamaran et le kayak, le vélo dans la montagne et la planche à voile, les randonnées et les soirées bruyantes. Je bouge, je danse, je nage, je pédale, je flirte un peu, sans conséquence, c’est délicieux. J’enchaine sur la Bretagne avec autant d’entrain. C’est l’été le plus lumineux depuis longtemps.

Je crois que sans le savoir j’emmagasine des forces, pour pouvoir affronter une suite dont je ne me doute pas.

11 septembre au matin : j’assiste à l’enterrement de B. Une "nature" comme on dit. Je l'aimais bien. Des années de bataille acharnée contre le crabe. Elle en avait gagné quelques-unes, a perdu la guerre.
11 septembre après-midi : seule au bureau, la radio en bruit de fond. Un flash spécial, inimaginable. Je fonce au sous-sol où je branche un de ces moniteurs minuscules qui servent à contrôler les appareils de projection que ma boite commercialise. Tout l’après-midi, enfouie dans cette cave, j’assisterai incrédule, comme des millions de gens, à la destruction de deux tours en flammes pas plus grandes que mon petit doigt.

12 septembre. Comme beaucoup, moi qui ne lis que rarement les journaux, j’en achète un ce matin, pour m’assurer encore que je n’ai pas rêvé cette sale journée. Au détour des pages pleines de flammes m’attend un drame pour moi seule. Ils ont l’air bien dérisoires, ces articles de la fin de Libé, réduite à la portion congrue ce jour-là, qui osent parler d’autre chose. D’une vie quotidienne entre parenthèses. De publicité malvenue. De petites annonces imbéciles. Et pourtant là, dans un encadré noir, un nom me saute aux yeux, me coupe le souffle plus que toutes les âmes mortes dans l’évènement mondial. Ce nom-là c’est celui de mon ami Jack. Le filet noir m’informe que lui aussi s’est envolé avec violence pour ailleurs sans que j’en sois prévenue.

Le 12 septembre 2001, une vieille dame m’a tenu la main dans le jardin public où je m’étais réfugiée pour pleurer à l’heure du déjeuner. A cause de Jack. A cause des tours. A cause de tant d’absurdité.

Quelques semaines plus tard, je perd un autre ami cher. Parce qu’il m’a demandé de façon totalement inattendue ce que j’avais l’intention de faire pendant les 30 prochaines années. Parce que cette proposition – puisque c’en est une, je finis par le comprendre – me laisse bouche bée en tout premier lieu, avant de la refuser, aussi doucement et affectueusement que je le peux. Mais l’affection n’est pas grand-chose en ce cas. Je ne peux rien à cela.

Un peu après, je rencontre Choul. Qui me dit avec cette petite lueur amusée dans l’œil que je ne vais pas tarder à adorer : « Il ne faudrait pas qu’on tombe amoureux, tous les deux… »

Drôle d’année. Drôle d’année pas si drôle. Noire et blanche.

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