2000. Qu’est-ce qu’on l’a attendue cette année-là ! Quand on était mômes, on s’y projetait : on savait tous l’âge qu’on aurait. Pour moi, 36 ans ! Qu’est-ce que c’était vieux ! On en riait comme des fous. On croyait que ça n’arriverait jamais. Et que cette année-là comblerait les rêves les plus futuristes. Plus traditionnellement, j’étais persuadée qu’à cet âge canonique, je serai déjà à la tête d’une famille, d’un travail, d’une maison, que sais-je encore. Je n’avais pas beaucoup d’imagination pour ce genre de normes.

Comment aurais-je pu imaginer qu’en l’an 2000 – comme on disait – je serais déjà morte et re-née plusieurs fois, et que ce chiffre rond verrait de ma vie un nouveau recommencement chaotique. Une nouvelle rupture, une nouvelle renonciation, un quotidien bouleversé, des projets encore à revoir.

L’interrogation, cette année-là, est celle qui jalonne ma vie depuis longtemps, récurrente, parfois désespérante, parfois apaisante : combien de faux chemins faut-il emprunter, combien de voies sans issues doivent-elles se révéler pour qu’au bout du compte on puisse espérer trouver la route qui mène à soi-même ? Combien d’erreurs, de ratés, de projets avortés, d’espoirs déçus, de bonheurs ou souffrances inattendues avant d’arriver à se dire « Or donc, ça c’est ma vie… ». Sans amertume. Juste parce qu’on a réussi à muer les renoncements en acceptation.

En l’an 2000, les bras d’un homme, dans lesquels je me sentais bien, se dérobent à moi. En 2000, j’accepte peut-être que la vie ne soit pas aussi ronde que ces trois zéros, mais sinueuse, encore et toujours. Je ne vois pas d’horizon mais toujours un mur derrière un autre mur. Alors voilà, ma vie est ce labyrinthe toujours plus vaste. Peut-être faut-il que je prenne mon parti du labyrinthe. Que je cesse d’espérer en trouver la sortie. Vivre dans mon labyrinthe , prendre les virages souplement, faire demi-tour sans m’exaspérer, et profiter du ciel au-dessus.