2000. Qu’est-ce qu’on l’a attendue cette année-là ! Quand on était mômes, on s’y projetait : on savait tous l’âge qu’on aurait. Pour moi, 36 ans ! Qu’est-ce que c’était vieux ! On en riait comme des fous. On croyait que ça n’arriverait jamais. Et que cette année-là comblerait les rêves les plus futuristes. Plus traditionnellement, j’étais persuadée qu’à cet âge canonique, je serai déjà à la tête d’une famille, d’un travail, d’une maison, que sais-je encore. Je n’avais pas beaucoup d’imagination pour ce genre de normes.
Comment aurais-je pu imaginer qu’en l’an 2000 – comme on disait – je serais déjà morte et re-née plusieurs fois, et que ce chiffre rond verrait de ma vie un nouveau recommencement chaotique. Une nouvelle rupture, une nouvelle renonciation, un quotidien bouleversé, des projets encore à revoir.
L’interrogation, cette année-là, est celle qui jalonne ma vie depuis longtemps, récurrente, parfois désespérante, parfois apaisante : combien de faux chemins faut-il emprunter, combien de voies sans issues doivent-elles se révéler pour qu’au bout du compte on puisse espérer trouver la route qui mène à soi-même ? Combien d’erreurs, de ratés, de projets avortés, d’espoirs déçus, de bonheurs ou souffrances inattendues avant d’arriver à se dire « Or donc, ça c’est ma vie… ». Sans amertume. Juste parce qu’on a réussi à muer les renoncements en acceptation.
En l’an 2000, les bras d’un homme, dans lesquels je me sentais bien, se dérobent à moi. En 2000, j’accepte peut-être que la vie ne soit pas aussi ronde que ces trois zéros, mais sinueuse, encore et toujours. Je ne vois pas d’horizon mais toujours un mur derrière un autre mur. Alors voilà, ma vie est ce labyrinthe toujours plus vaste. Peut-être faut-il que je prenne mon parti du labyrinthe. Que je cesse d’espérer en trouver la sortie. Vivre dans mon labyrinthe , prendre les virages souplement, faire demi-tour sans m’exaspérer, et profiter du ciel au-dessus.
2000 - Le labyrinthe
dimanche 11 mars 2007. Lien permanent de 2006 à 19xx
5 réactions
1 De luciole - 12/03/2007, 09:40
Je me retrouve bien dans ces projections de gamine sur l'an 2000, moi aussi je me disais qu'à 30 ans je serais une dame, j'avais même imaginé que j'irais avec mon mari et mes enfants sous l'horloge de Beaubourg pour faire le dernier décompte ... Et puis, j'ai divagué dans mon labyrinthe ...
Je crois que l'issue du labyrinthe ce doit être la lumière blanche dont parle ceux qui ont frôlé la mort ... bises .
2 De meerkat - 12/03/2007, 10:42
Bonjour Traou, je la trouve très belle ton image du labyrinthe. Le parcours en est compliqué et difficile bien sûr mais porteur d'espoir. Au bout c'est soi que l'on trouve, n'est-ce pas ? Et l'on peut prendre plein de chemins entrelacés, de pistes de traverse pour arriver à soi. Oui, cela me plaît, c'est bien plus riche que de se cogner la tête dans des murs ou un couloir !
3 De Traou - 12/03/2007, 18:24
@Luciole : Et oui, on s'imaginait dames et on est restées des filles, comme dit Kozlika...
@Meerkat : Merci à toi. Je me demande si j'avais cette image-là en tête en 2000, si elle ne me vient que maintenant, avec le recul ? Les ricochets nous font faire des tours et des détours... "labyrinthiques".
4 De Pierre - 13/03/2007, 11:59
J'aime beaucoup ce texte, tout à fait lucide, apaisé, serein. Pour ma part il m'aura fallu dépasser de quelques années l'an 2000 pour en arriver aux mêmes conclusions.
Ça fait plaisir d'être parvenu à ce stade, une fois qu'on a passé les épreuves qui l'ont permis.
5 De gilda - 25/04/2007, 11:58
C'est marrant, je me rends compte à te lire que je souffre pour ma part de trop de "tout droit", probablement parce que jusqu'à il y a trois ans je n'avais pas vraiment fait de choix personnel, toujours tenté par le travail (bosser c'est tout ce que je sais faire) de "limiter les dégâts" d'une situation au départ pas très bien engagée (santé, finances, culture trop difficilement accessible même si pas totalement).
Et à présent que je sais quel est mon chemin je sais aussi qu'il est pratiquement impraticable.
Me voilà bien !
Et puis bizarrement moi qui ne peux pas me projeter dans l'avenir, toujours persuadée que je meurs demain, la vie m'a donné ça, la famille qu'on crée, le logis qu'on achète, ces trucs très classiques auxquels je ne rêvais pas (de toutes façons je ne rêvais pas, je "faisais avec" et dés que ça m'en laissait 30 secondes je lisais).