J’ai 30 ans. Je me sens si fragile. L’année précédente a labouré ma vie. Détruisant tout. Laissant une friche. Une terre aride ou repoussera peut-être quelque chose un jour, mais pour l’instant…

Mes amis me font une fête surprise et maladroite. Je me souviens très précisément comment j’étais habillée ce jour-là. Toute en noir, avec une jupe très courte. J’affiche très haut mes jambes fines. Trop. J’ai perdu 10 kilos dans les six derniers mois. Le chagrin est mon régime express. Les nuits peuplées de cauchemars aussi. Il m’arrive de bloquer devant un simple yaourt. Manger pour me maintenir en vie m’apparaît assez superflu.

Ils m’offrent pour cet anniversaire triste mon portrait chez Harcourt. Fantasme de cinéphile. A l’heure où j’écris ces mots, ce portrait me regarde du haut d’une étagère de ma chambre. J’y ai l’air fier. Je me souviens de la séance de pose, de la lumière violente dans mes yeux que je gardais difficilement ouverts. De l’étrangeté de ce cadeau luxueux alors que je commençais à batailler pour essayer de retrouver du boulot, de retrouver une vie, confrontée à l’inadmissible pour la première fois.

On passe parfois de l’état adolescent à celui d’adulte en un tournemain, peu importe l’âge que l’on a quand cela se produit.

Je recommence à fumer.