mercredi 5 mars 2008

1997 - 22 : Mariage

Je me suis mariée comme j'ai fait des enfants : sans me poser de questions (ce qui ne veut pas dire sans réfléchir !) . J'aurais peut-être du m'en poser avant, mais c'est un autre débat. Dans ma tête, la question ne se pose (ne s'impose) pour l'instant pas à moi. C'est dans la logique de mon chemin jusqu'à présent, voilà tout Je ne vais pas au-delà dans ma réflexion - et peut-être bien parce qu'inconsciemment je sais que si je vais au-delà, je ne l'aurai pas fait. Non seulement je ne me serais pas mariée, mais sans doute que j'aurais aussi quitté celui qui est mon mari aujourd'hui. Ceci dit, je ne le regrette pas non plus.

Il a, à mes yeux de jeune fille, toutes les qualités pour faire un bon mari : il n'est pas fainéant, il est bricoleur et, donnée non négligeable, il est amoureux.

Ce qui est assez symptomatique de ce caractère logique, voire "normal" ou même attendu de notre union, c'est que nous ne sommes jamais demandés officiellement en mariage. J'aurais bien aimé, pourtant, une vraie demande, dans les formes, avec la bague et tout. En fait, un jour nous nous sommes dit "quand est-ce qu'on peut se marier cette année ?" et on a fixé la date. C'était parti.

Huit jours après, j'avais acheté ma robe (c'est pas de ma faute, j'ai flashé sur la première que j'ai essayé et elle était soldée !). Mais pour le plaisir des grandes robes, j'ai fait quand même tous les autres magasins de la ville les semaines suivantes pour en essayer d'autres. Heureusement, je suis restée sur mon premier choix.

Je ne suis pas croyante mais j'ai tenu à ma cérémonie à l'église. Plus pour marquer le côté solennel de ce que je faisais que pour le reste. A l'époque, la cérémonie civile n'existait pas vraiment (pas dans ma campagne en tout cas) et je ne voulais pas me contenter de la lecture du Code civil et de la signature des actes à la mairie. Je voulais aussi faire part aux gens qui me sont chers que je ne m'engageais pas pour du beurre, enfin bref : être prise au sérieux. C'est vrai que mon chéri et moi avons longtemps été le petit couple de gamins amoureux. C'était une façon pour nous d'entrer dans le cercle des adultes, en quelque sorte. La journée fut une grande fête avec les familles réunies. En fait, la noce a duré trois jours...

Et ça dure depuis dix ans cette année...

mercredi 27 février 2008

1998 - 23 : Coup(é)e du monde

J'ai longtemps bloqué sur mon caillou 1998, cherchant ce qui avait pu me marquer cette année-là et ne voulant pas écrire, comme Louis XVI dans son journal au soir du 14 juillet 1789 "Rien". Mais c'était pourtant presque une année "pour rien" : je prolongeais mon stage à l'INRA à mi-temps en terminant ma maîtrise de communication et mon mémoire. Je postulais au poste de chargée de communication de l'école d'agronomie (dont le président était le même que celui du centre où je faisais mon stage) mais ce dernier a du avoir peur de ma complicité professionnelle avec ma tutrice de stage - qui m'a énormément appris sur le métier que j'exerce aujourd'hui, dans d'autres conditons.

J'ai terminé l'année par une inénarrable expérience professionnelle dans une boite de transports routiers, petit job d'été qui consistait à éditer des kilomètres de factures sur une immense imprimante à aiguilles qui plantait les trois-quarts du temps. Je passais donc mon temps à discuter avec l'écran de config de la bécane. Passionnant, quoi.

J'ai passé mon entretien de recrutement à la mairie où j'allais travailler à partir de 1999 le 19 décembre : c'était un samedi matin et la commune célébrait le solstice d'hiver avec un concours de scupltures sur glace dans la cour du château qui abritait la mairie. Dans mon sapin de Noël, cette année-là, il y avait ma lettre d'embauche, datée du 24 décembre...

La chose marquante, tout de même, c'est la coupe du Monde de foot en juillet, qui a réveillé mes souvenirs de supportrice (amateur) quand j'étais lycéenne et que je regardais les matchs avec les garçons à l'internat pendant que les filles se vautrait devant un film de Patrick Bruel. Nous avons regardé la première mi-temps de la finale chez... Pizza Hut, où nous devions récupérer à manger avant d'aller regarder le match chez des copains. Pile quand on a posé nos fesses dans la voiture, Zidane a marqué le premier but !

Nous avons terminé dans un concert de klaxon sur la route du retour (d'habitude dix minutes entre le domicile des copains et le nôtre) qui s'est éternisée sur deux heures, mais avec une vraie joie et une sorte de ferveur qui me donne toujours des frissons quand j'y repense. Le lendemain, la ville organisait son traditionnel feu d'artifice de la Fête Nationale, mais le spectacle pyrotechnique qui célébrait le centenaire de l'abolition de l'esclavage paraissait austère face aux hymnes improvisés à la gloire de l'équipe de France.

dimanche 20 janvier 2008

1999 - 24 : Le début du commencement des choses

Beaucoup de changement à l'aube de l'an 2000 : premier "vrai" emploi salarié, après les petits jobs d'étudiante et première "vraie" maison, après les appartements rennais.

4 janvier, 8h du matin : je débarque dans ma "nouvelle vie" d'employée de mairie, comme animatrice multimédia dans une petit ville sympathique. Mon bureau est niché dans un château séculaire et les rues médiévales séduisent dès le premier jour mon oeil d'historienne et d'amoureuse des vieilles pierres. Et comme dans cette ville à la campagne, on trouve de tout en étant à seulement un quart d'heure de la "grande ville", nous y élisons domicile quelques mois après, dans une petite maison à ossature bois très sympathique. La vie n'est pas facile tous les jours (il faut apprendre à jongler avec le travail, les tâches domestiques et les loisirs), mais j'ai la joie - simple - de m'asseoir dehors pour écouter les oiseaux et observer le manège des vaches dans le champ d'en face.

J'aime le soir quand le soleil commence à décroître à l'horizon. Il fait très chaud sur la terrasse, située plein sud, mais heureusement le parasol de toile me protège des dernières ardeurs. Il flotte comme une atmosphère sereine qui incite à ne rien faire qu'à jouir des rayons du soleil, de la brise insoupçonnable qui effleure les rosiers de temps à autre et du temps qui passe. Je suis bien. Malgré le bruit des voitures qui passent et auquel on s'habitue, malgré les soucis divers qu'on chasse pour un instant.

Le ciel d'un bleu profond prend une curieuse teinte turquoise au ras des maisons. Du promontoire où nous sommes, nous dominons toute l'entrée de la ville...

Mon impatience naturelle est bridée par la multitude de choses à faire : le concours à préparer, le parterre de fleurs, la maison, le ménage, la cuisine et le reste... Heureusement, toutes ces tâches ne sont pas (encore) des corvées. La priorité est le concours et je commence à prendre mon rythme de croisière dans ma préparation par correspondance. En bonne citadine que je suis, j'ai laissé tomber le jardin et préfère m'occuper des rosiers : j'aime bien, le soir, passer un peu de temps à couper les tiges mortes, désherber un peu, débarasser les fleurs fanées pour permettre à de nouveaux boutons de se développer.

La décoration intérieure de la maison attendra l'hiver : j'ai encore à m'habituer à avoir un "dehors". Le plus heureux, dans le lot, c'est le Chat !

On traîne sur la terrasse jusqu'à la tombée du jour. Le grillon qui chantait habituellement devant le parterre de rosiers est parti. Dommage : j'aimais entendre son crissement nostalgique annonçant la nuit...

samedi 19 janvier 2008

2000 - 25 : Goût de théâtre

Parmi mes résolutions de nouvelle année, j'ai placé : faire un bébé. Dès le mois de janvier, j'arrête la pilule. Non pas que je me sente particulièrement prête, mais parce que j'ai 25 ans et que "mon horloge biologique tourne", comme dirait un film américain à succès de mes années lycée.
Bien sûr, je ne suis qu'en contrat emploi-jeune, mon chéri débute aussi, il faudra changer de voiture, etc, etc, et quatre pages d'etc... Mais tous les arguments de bon sens n'y font rien : je reste convaincue qu'un jour ou l'autre, il faut se lancer. Sinon je vais me retrouver vieille et décrêpie sans avoir mené à bien tout ce dont j'avais envie.
Donc autant s'y mettre tout de suite. D'autant qu'en réalité, "ça" mettra huit mois à prendre. Au départ, je fais une véritable fixation : je calcule, je programme, je teste, je pleure chaque mois. Ce n'est plus du désir d'enfant, c'est de la psychose conceptionnelle.
En juillet, je décide de tout arrêter (et surtout de me prendre la tête) et de laisser venir. Un mois plus tard, je suis en vacances, je suis au soleil, je suis bien... Bingo !

C'est le jour où j'ai fait mon test de grossesse (au bureau !) qu'un de mes collègues vient me solliciter - en qualité de président d'association - pour intégrer l'une des troupes de théâtre amateur de la ville, qui manque de comédiennes.
Toute émue par ma grande nouvelle intime et touchée à la fois qu'on vienne me chercher pour monter sur les planches, je dis oui... mais en "prévenant" du possible contretemps du à mon "état". Mais la chose ne pose pas de problème : "on" s'en arrangera...
Curieusement (ou pas...), il sera donc le premier (après mon chéri) à qui j'aurais annoncé ma grossesse (par la force des choses !) et cette incursion dans son univers de mots - que j'avais déjà présagé proche du mien - m'ouvrira aussi les portes de cet homme déroutant, volontiers hermétique et qui pose sur moi un regard curieux, amusé, peut-être affectueux - en tout cas jamais indifférent.
Ce retour sur les planches m'intègrera aussi dans un cercle d'amitiés (ou peut-être seulement d'affinités) qui me manquait jusqu'à présent, où je fréquentais surtout des copains de mon chéri. Je mettrais quelques années à y abandonner mon masque - et encore, seulement pour certaines personnes.

vendredi 18 janvier 2008

2001 : 26 - Nait sens

1er mai 2001 : j'accouche de ma première fille. Un jour férié, grêve des sages-femmes et j'ai failli finir à la maternité de Saint-Malo...
Naissance mouvementée mais somme toute "normale", bien que longue et éprouvante (comme beaucoup de premières naissances, j'imagine). A la fin des douze et quelques heures, je suis épuisée malgré l'anesthésie (ou à cause d'elle ?) et on me demande encore de travailler... Je fainéante à l'expulsion ; en vérité, je n'ai plus une once de force pour pousser ma petite gréviste à l'extérieur. J'ai beau rassembler toute mon courage (et surtout mon envie d'en finir) mais j'ai l'impression de ne rien faire avancer.
La sage-femme (qui, curieusement, porte le prénom que j'avais déjà choisi si c'était une fille) m'appuie sur le haut du ventre pour pousser le bébé vers la sortie. Il y aura un (long ?) moment avant d'entendre le premier cri (à peine deux minutes, me dira la sage-femme ensuite). Manque (court) d'oxygénation au passage du col. Il n'y aura pas de séquelles mais Morgane part aussitôt en couveuse par précautions et examens complémentaires.
Après les deux heures réglementaires suivant la délivrance, je suis transférée dans ma chambre le ventre vide (dans tous les sens du terme !)... et toujours sans bébé. Il est deux heures de l'après-midi, je ne reverrai Morgane que vers dix-sept heures trente. Pour l'instant, elle est à la nursery en couveuse et je peux me reposer.
Je ne saurais jamais si ceci explique cela, mais ces quelques heures "sans" m'ont donné l'impression, quand la puéricultrice m'a amené ma fille pour la tetée (la première !), que ce n'était pas "à moi". Que j'étais dans cet hôpital pour tout autre chose que faire un enfant, bref que ça ne me concernait pas. A celà s'ajoute la gaucherie naturelle de la jeune maman pas sûre d'elle et qui laisse les infirmières "qui savent" dicter leurs règles de fonctionnement. Je n'étais même pas très sûre que c'était bien mon bébé qu'on m'amenait.
Sentiment étrange.
J'avais décidé d'essayer l'allaitement, plus parce que c'était bon pour le bébé que par évidence. Ce fut un fiasco total. Non seulement je n'en avais plus envie, mais de plus ça ne m'apportait rien - en tout cas pas émotionnellement.
Au bout de deux jours, je redoutais le moment de la tetée (ce qui revient quand même au début toutes les deux heures au bas mot !) et j'ai passé ma troisième nuit à pleurer en donnant un sein après l'autre sans arriver à fermer l'oeil. Comme j'ai besoin d'une heure pour m'endormir et que la tetée durait une autre heure, je n'ai pas dormi.
Sept heures du matin, au passage de la puéricultrice, j'ai demandé s'il était trop tard pour passer au biberon. Elle a eu l'air un peu étonnée, a essayé gentiment de m'encourager en m'expliquant que la mise en route était parfois difficile mais qu'ensuite ça se ferait naturellement et enfin que si on la passait au biberon, on ne pourrait pas revenir en arrière et qu'il fallait bien réfléchir. J'ai du lui répondre quelque chose du genre : "si je continue de l'allaiter, je la passe par la fenêtre" et elle a eu un sourire indulgent qui voulait dire qu'elle avait bien compris que c'était tout réfléchi. Dix minutes plus tard, Morgane bien calée sur mes genoux avalait goulûmment son premier bib'. J'allais déjà beaucoup mieux. Je n'ai jamais regretté n'avoir pas allaité. A mon deuxième accouchement, je ne me suis même pas posé la question.
Curieuse vie d'après. Je zone à la maison pendant mon congé maternité. C'est l'été, il fait plutôt très chaud et je garde le couffin de Morgane près de moi dans le salon (plus frais que les chambres) l'après-midi. Je passe mon temps à écrire entre deux biberons, je remanie une nouvelle fois mon roman tout en (re)découvrant U2 (j'ai acheté le dernier album, qui m'a conduit à acheter l'album qui était sorti au début des années 90 et qui avait marqué mon oreille sans que je m'en rende compte). Je passe quelques semaines ainsi dans une bienheureuse léthargie qui va bien à mes tendances romantiques mais qui ne vont pas du tout à mes envies d'activité. Mi-août, je n'ai que hâte de reprendre le travail.
Pas d'inquiétude à laisser la petite en garde ou chez sa nounou. J'ai un curieux sentiment de non-attachement et en même temps la sensation que je suis la seule au monde à lui être indispensable. Comme une responsabilité énorme car je n'ai pas le droit de faillir, de manquer à ce devoir.
Les puristes diront qu'elle a un père, qu'elle n'est pas "perdue" si jamais je viens à être malade ou pire... Mais en fait, ce n'est pas tellement une responsabilité matérielle, c'est une sorte de sensation de leur dépendance vis à vis de moi. Je n'aurai de cesse de rendre mes filles autonomes, parce qu'une telle dépendance me fait peur (comme toutes les dépendances d'ailleurs). Je ne m'en rendrais compte que beaucoup plus tard mais je ne peux concevoir, en fait, qu'on soit dépendant de moi : mes enfants, mes parents, mes amis, mes amours...

samedi 12 mai 2007

2002 : 27 - Toboggan

Réorganiser sa vie en prenant en compte l'enfant. Ne plus penser "deux", mais "trois". Retrouver ses repères, trouver sa place. Assumer, en un mot, ce changement de vie que j'ai voulu, désiré, attendu même.

Je guette au fil des mois le sentiment d'épanouissement, de réalisation, d'accomplissement qu'est sensé apporter la maternité. Mais ne voyant rien venir, j'en conclue que ma vocation n'était sans doute pas là. Je suis physiquement faite pour avoir des enfants, dira mon médecin après la naissance de la deuxième. Peut-être, mais pour ce qui est de les élever, ce n'est franchement pas mon truc.

Bien sûr, je suis heureuse de ma fille. Mais je suis loin d'être la mère fusionnelle dont on gave les futures mamans. Je ne la rejette pas, loin de là, mais je ne la recherche pas non plus. M'en occuper relève du "normal", du "logique" et ne m'apporte rien de particulier. Je suis une très bonne mère nourricière - l'instinct maternel est sans doute et avant tout l'instinct de conservation. Mais je mettrais quelques mois (... années) avant de pouvoir considérer que j'aime ma (mes) fille(s).

J'aurais eu de longues discussions avec ma propre mère sur ce sujet, mais de ce côté-là, elle me ressemble assez. C'est une mère qui assume, presque surprise quand ses enfants lui témoignent une marque d'affection. Ne me remerciez pas, je n'ai fait que ce que j'avais à faire... Ceci explique peut-être cela...

Je crois que, quelque part, je suis sans doute déçue (mais peut-être me faisais-je trop de "films" sur ce qu'était la maternité ?) qu'avoir un enfant soit si... banal ? Je m'imaginais (mais l'imagerie sociale y joue pour beaucoup aussi) que devenir mère m'aurait "transformée". Peut-être que j'attendais trop (quoi ? jen'en sais rien au juste). Mais le fait est qu'au lendemain des naissances, je ne me suis sentie ni plus ceci, ni moins cela. Bref, ce n'est pas dans l'enfantement que j'aurais le sentiment d'avoir fait quelque chose de ma vie.

La seule chose qui change (mais est-ce lié ou non ?), c'est que j'ai désormais franchi un palier dans ma perception de mon existence. Souvent, j'ai des images-flashs qui surgissent lorsque j'évoque pour moi-même des idées abstraites. En 2002, celle qui domine, c'est le toboggan.

Jusqu'à présent, je gravissais l'échelle du toboggan, puis j'étais sur le palier. Et là, je viens de me lancer sur la descente. Ma mère me parle de "croisée des chemins" mais je lui réponds que c'est plus fort que ça : non seulement je suis partie sur un chemin, mais en plus je ne peux plus remonter sur le palier du toboggan . J'ai le sentiment, avec cette image, que ma vie, mon schéma de vie, a pris un tour inexorable. Irrémédiable (sauf au prix d'efforts considérables). En gros : c'est parti et on verra bien comment tu vas atterir en bas du toboggan. Et ce sentiment va prédominer les années précédant mes trente ans. Comme une "condamnation" à descendre ce plan incliné (que j'ai délibérement grimpé, ne nous trompons pas) sans pouvoir faire autrement que d'aller jusqu'au bout, jusqu'en bas. Pas d'autre chemin possible. Presque un enfermement volontaire. Cette image assez terrible qui m'est venue un jour de promenade dans la forêt de Paimpont (je m'en souviens très bien) traduit fidèlement mon état d'esprit cette année-là... et explique peut-être les événements qui suivront dans les années d'après.

Comme un rejet de la fatalité.

mardi 10 avril 2007

2003 : 28 - Non-sens

Année plutôt éprouvante sentimentalement et moralement. Je passe la moitié de l'année à me battre avec (ou contre, c'est selon) cette histoire d'amour qui n'en est pas une et dans laquelle (sans doute) je me surinvestis parce que je suis dans une période critique où je doute de tout et d'abord de mes choix passés.

Mes mots m'abandonnent. Lasse de raturer frénétiquement mes manuscrits, je recommence à zéro. Je trouve que tout ce que j'ai écrit est trop nul, trop banal, trop plat, indigne d'intérêt, voire même indigne d'être écrit. Pour la énième fois, je recommence, donc. Cette période "sans" dure assez longtemps pour m'effrayer - d'autant plus qu'elle ne me ressemble pas : je suis plutôt du genre opiniâtre, refaire plutôt que jeter, réinvestir, détruire, oui mais pour mieux reconstruire... Mais là, rien, pas même l'envie de reconstruire quelque chose. Je me dis que tout cela est vain, que je n'aurais de toutes façons jamais assez de temps à moi pour travailler mes textes. J'en ai marre de mon quotidien, j'en ai marre de tout... et mon écriture ne me console même pas. C'est le pire, au demeurant : si les mots me font faux bond eux aussi, que me reste-t-il alors ? Je me sens, non pas vide, mais sèche, tarie ; pourtant la source est là, en moi. Je le sais. Que faire ? Attendre la pluie ?

Je sens que j'ai besoin d'air... et en même temps je ne peux pas m'échapper - ou plutôt je ne veux pas : je sais que j'ai besoin de mon cocon (mon homme, ma fille, ma maison, mes habitudes...) pour m'y nicher bien au chaud.

En vérité, il y a deux personnes en moi : la raisonnable et sensée, bonne mère, bonne épouse, femme active et tralala, et puis l'autre, la folle, fantasque, imprévisible et déraisonnable, encore gamine, avec sa soif d'absolu, sa passion de la vie et de l'humanité, à la fois dilettante et jusqu'au boutiste.

Laquelle prendra le pas sur l'autre ?

Jusqu'à présent, j'avais endormi la folle sous un épais vernis d'adultissage (pour travailler, pour être maman, pour être "socialement acceptable", moi qui avait tant de mal à me (faire) accepter...).

La folle ressurgit, prend de plus en plus de place dans ma vie et dans ma tête. A travers son oeil, tout m'insatisfait. J'ai la sourde impression de m'être trompée et cela fait quelques mois que ce sentiment me poursuit, de façon latente mais de plus en plus insistant.

Ce n'est rien qu'un banal sentiment de non-sens qui me reprend, de façon cyclique, l'absurde dans toute sa splendeur - et je me rappelle combien je m'y retrouvais déjà, au lycée, en étudiant Camus pour le bac ! Toujours cette sensation que l'existence est vaine, inutile, insensée. Pas une envie de mourir, non : la mort ne donnerait même pas plus de sens. Juste la sensation - donc déraisonnable et irraisonnée - que tout ça ne sert à rien. Que je ne sers à rien, que je ne suis pas à ma place et que d'ailleurs il n'y a peut-être tout simplement pas de place pour moi dans ce monde bizarre. Je me fais l'effet du vilain petit canard qui veut faire le cygne mais qui n'en a ni les capacités, ni la force de convaincre. Il voudrait juste qu'on l'accepte tel qu'il est, le petit canard. Pas qu'on le transforme à tout prix en cygne...

C'est même étrange d'écrire ça, moi qui suis si épicurienne, moi qui vis dans la sensation et dans l'instant. J'avais décidé de cultiver cette aptitude à l'étonnement perpétuel et puis tout à coup, j'ai le sentiment de replonger dans le "à quoi bon ?"...

Je ne suis là pour personne et je n'arrive pas encore à être là juste pour moi... Et pourquoi juste pour moi, d'ailleurs ? Même l'égoïsme me laisse un goût d'à quoi bon...

Je suis frustrée de n'être là pour personne, d'être invisible, insignifiante ou pire, utilitaire. Je voudrais qu'on m'aime (et je souris face à la puérilité de cette recherche), comme dit Zarathoustra : "Vous ne pouvez pas vous supporter vous-même et vous ne vous aimez pas assez : c'est pourquoi vous voudriez séduire votre prochain pour qu'il vous aime et, par erreur, vous donne un éclat doré". Je ne m'aime pas assez pour moi-même : il me faut le regard des autres, leur attention, leur admiration même peut-être. Pas pour exister au sens propre, mais pour sentir que je mérite d'exister. Un bête manque de confiance en moi me fait douter de tout. On attend toujours de moi des décisions, des solutions, des actes ; beaucoup de choses (de gens aussi) se reposent sur moi... et bien sûr je n'ai pas le droit de faillir, pas le droit de me plaindre. Et moi encore moins que les autres : j'ai tout pour être heureuse ! Le malheur est un privilège... Le mien est si dérisoire et ridicule face aux misères du monde, à la maladie, à la mort, que j'en rougis presque de "déprimer" pour "ça"... Et même de l'appeler malheur. Je ne me sens même pas malheureuse. Je suis seulement spectatrice de ma vie, j'envisage d'un oeil froid et dépassionné ma propre existence et je constate qu'il n'y a pas grand chose. C'est terrifiant et ça me laisse presque indifférente.

La deuxième moitié de 2003 est plus sereine : je me réconcilie avec mes envies de "culture" en retournant voir pour la première fois depuis des années un opéra. C'est sans doute le déclic qui me sortira de mon mal-être. Quelques mois après, je rencontre pour la troisième et dernière fois mon ami-aimé à Paris et nous passerons près de trois heures à déambuler entre Montmartre et Belleville sous un joli soleil de juillet. La veille au matin, il a appris la grossesse de sa compagne. Et, curieusement, je suis la première personne à qui il confiera la nouvelle...
Presque naturellement. Je ne serai jamais pour lui qu'un hâvre de douceur et de compréhension, une petite peluche dans les bras de laquelle on se réfugie quand on est seul, celle qu'on maltraite quand on est en colère, celle qu'on oublie quand les amis sont là. Je suis condamnée au maternage - trop bonne, trop douce, trop miséricordieuse... J'aimerais qu'un jour quelqu'un me prenne aussi dans ses bras pour y réfugier mes larmes.

Je me rends compte comme j'ai aimé cet homme - et pourtant il n'y aura jamais eu entre lui et moi qu'un chaste baiser sur le front, un matin de février sous la neige... Comme si nous savions que tout autre contact physique nous mènerait à notre perte.

Etrange impression que cette dernière entrevue où il irradiait quelque chose proche du bonheur et où il était enfin lui-même. Etrange sérénité après tant de bouleversements, car il aura en tout cas liberé chez moi une certaine forme d'écriture qui ne faisait qu'affleurer et que personne d'autre n'avait réussi à mettre au jour. Cette histoire qui n'en était pas vraiment une m'a fait prendre une autre dimension de moi, comme un nouvel élan. Jamais je n'avais écris de la façon dont je lui ai écris, comme s'il avait dévérouillé des quantités de choses en moi, inconsciemment sans nul doute et aussi vraisemblablement indirectement. Sans doute que j'y étais prête, aussi.

Quelquefois, les rencontres les plus éphémères sont les plus décisives.

samedi 7 avril 2007

2004 : 29 - Pause avant les 30...

Reprendre le fil de la réalité : un défi quotidien, challenge anodin de chaque vie qui se rêve au détour d'une rencontre, d'un regard, d'une lettre. Echaffauder mille dénouements, écrire quelques suites, une continuité... : au final, ne rien vivre. Apprendre ses rêves, sublimer les désirs et les transformer en carburant - quand ce n'est plus que l'intangible qui pousse hors de soi...

2004 : J'ai l'impression de prendre du recul sur tout, y compris (surtout) sur moi. J'achève des incommencés, je tourne des pages, la vie continue...

Je range (définitivement ?) dans ma boîte à souvenirs mon étrange ami-aimé fantôme, devenu (enfin) père à l'orée du printemps, ultime défi pour cet écorché qui s'est toujours demandé ce qu'il avait à faire sur Terre. Je reste persuadée que c'est ce qui pouvait lui arriver de mieux pour donner un sens à sa vie... Il m'aura accompagnée quelques années, favorisé mon (r)éveil. Je ne pourrais sans doute jamais le remercier d'avoir été là quand j'ai eu besoin de me remettre en moi... mais il n'y a pas de hasard. Nous nous serons vus tout au plus une dizaine d'heures dans toute notre vie et passé des heures à "discuter" sur Internet. Il est retourné dans son intangibilité cette année-là, avec cette épaisseur fantasmagorique qu'il avait tout au début, mais les ecchymoses resteront encore quelques années de plus. Pas des plaies, non. Juste des bleus. Curieuse relation, pleine de démons à exorciser.

Je déménage dans le fin fond de la campagne dans un bourg de 300 habitants, premier achat immobilier (plus important symboliquement parlant pour mon chéri que pour moi - je ne dois pas avoir l'instinct grégaire...). Mes écritures prennent leur envol (signe de ma nouvelle "maturité" ?). Mon premier roman perd une bonne moitié de son épaisseur grâce à un travail sur le style mené avec un écrivain-linguiste que je n'aurais sans doute jamais rencontré sans Internet. Depuis un peu plus d'un an je suis modératrice d'un salon de discussion à thématique "littéraire" sur le Net et, nonobstant les aléas et les inconvénients des conversations virtuelles, ce mode de communication sera sans aucun doute une grande goulée d'air dans ma solitude intellectuelle (difficile en effet de "causer littérature" dans mon village de 300 âmes...).

Ce sont souvent des prémices de camaraderie, des oreilles plus ou moins attentives aux coups de blues impromptus, de grandes discussions existentielles sur le pourquoi du comment, le sens de la vie et autres questionnements métaphysiques dont nous sommes friands. Et beaucoup de délires et de fou-rires, aussi. Des amitiés se construisent quelquefois, parfois solides, souvent concrétisées par une ou plusieurs rencontres "en vrai". Je suis plutôt sélective dans mes rencontres de "tchatteurs". Pas n'importe qui, pas n'importe comment, pas tout de suite. Prudence est mère de sûreté.

Inévitables jeux de séduction, aussi, favorisés par le côté "inoffensif" du virtuel. Même si je suis toujours très claire sur ma situation maritale et familiale (ce qui suffit en général à calmer les ardeurs des séducteurs impénitents) et sur ce que je ne veux pas (ce qui pose tout de suite les limites), certaines relations tiennent du badinage élégant, voire carrément épistolaire. Au jeu de l'amour sans hasard, j'y brûlerais tout de même un peu mes plumes, avec un jeune jouvenceau qui avait extrapolé le marivaudage en promesse de liaisons plus dangereuses. J'ai congédié l'inopportun et ses fantasmes déplacés sans aucun état d'âme... ce fut ma seule désillusion avec les gens rencontrés via le salon Livres. Il en fallait bien une...

Dans le même temps (ou presque !), j'incommence une belle histoire de façon totalement inattendue au cours d'un déjeuner réputé amical qui tourne au coup de foudre unilatéral. Gentleman, l'amoureux éconduit (... malgré mes envies...) n'insiste pas et l'histoire qui n'a pas commencé se termine là, sur un trottoir de Saint-Germain des Près. Elle aurait sans doute été belle, simple, passagère surtout, sans lendemain. Une parenthèse. J'en ai eu envie, un moment, et puis... la raison reprend le dessus.

Je ne sais pas si un jour je saurais faire passer mes envies avant mes principes ("cette intégrité qui te donne une certaine luminance", m'écrira joliment plus tard une amie) mais l'aventure (ou plutôt la non-aventure, en l'occurrence !) m'apprendra que je ne sais toujours pas assumer le désir ou même les sentiments que je peux susciter chez l'autre (et particulièrement chez les hommes). Ne sachant pas l'assumer, je me retrouve toujours dans des situations au mieux frustrantes, au pire génératrices de souffrances. Et pourtant, je ne peux pas m'en empêcher, c'est quand je sais que je "plais" (au sens large) que je m'épanouis. J'ai besoin de me voir dans l'oeil de l'autre pour exister à moi-même...

2004 : Recul sur moi, changement de maison, je commence à chercher un autre boulot. Et j'entame une seconde grossesse. La vie continue...

samedi 24 février 2007

2005 : 30 - Dans ma tête, je suis grande

2005, trente ans tout rond. Dans ma tête, ça y est, je suis grande. Il y a des gens que la trentaine déprime, moi je trouve que c'est mon meilleur âge (enfin, jusqu'à présent). J'ai fait ma déprime plus tôt, en fait (à 27-28 ans).

En 2005, j'ai l'impression que j'ai fini de construire mes fondations et que je vais enfin pouvoir "m'éclater". Comme si j'avais posé patiemment tous mes jalons entre 20 et 30 ans, histoire de ne pas me disperser... ça ressemble à de la rassurance. Et ça l'est sûrement.

3 mars 2005 : je suis maman pour la deuxième fois, mais c'est là que je prends conscience de ce que c'est de réellement "mettre au monde" un enfant. Curieusement, c'est de ma première fille que ça va me rapprocher (il y a des phénomènes inexplicables...).

En juin, mon chéri change de boulot, en août, c'est moi, après six ans à tourner en bourrique à attendre qu'on me propose le poste convoité (qui n'arrivera jamais). De guerre lasse : je me sauve. La maison que nous avons achetée se termine (enfin... commence à se terminer !). Je change aussi de micro-ordinateur (finie la bidouille).

Le 27 juin 2005, le jour de mon anniversaire, je suis à distance le concert de U2 à Dublin via le site Internet (en me disant que bon... quelqu'un aurait pu penser à me payer les billets -rires-).

Je continue à lire beaucoup, à écrire un peu, à faire du théâtre quelques heures par semaine.

Je commence à penser à moi... maintenant que tout mon petit monde est installé.

2005, j'ai trente ans : feu, go, prêt... partez !!

mercredi 14 février 2007

2006 : 31 – Je suis née cette année…

31, 30 + 1… L’arithmétique de la vie est parfois étonnante… ou simplement évidente. Comme s’il m’avait fallu trente ans de gestation pour arriver enfin à être moi-même – ou plutôt à trouver ce que je suis réellement.
J’ai passé trente ans à essayer de concilier mon appétit pour les mots, la vie intérieure, le rêve, la folie des artistes, les douleurs des idéalistes, bref un monde à moi… avec les nécessités de la vie sociale, de la « vraie » vie. J’avais besoin des deux pour être bien. Besoin de la stabilité de l’une, avec ses rassurances et ses refuges, et besoin de la folie de l’autre… parce que c’est profondément moi. J’avais deux vies, une intérieure et une extérieure. J’ai passé des années à jouer au yo-yo entre les deux, sans trouver le juste équilibre.
En 2006, je parviens à trouver la lumière qui me permettra de marier mes deux vies… Etre au monde sans s’en extraire. Vivre avec ceux que j’aime sans renier qui je suis. Apprendre à dire mes envies et savoir les écouter sans culpabiliser.
J'ai fait des choses folles - en me rendant compte que c'était seulement des choses dont j'avais profondément envie... des choses que je me serais interdites avant. Une fois dans ma vie, me dire que j'aurai vécu quelque chose pleinement. Tout donner, tout recevoir. Me découvrir en même temps que je me révèle.
Je suis née cette année...
J'ai vu le jour cette nuit où j'ai mis mes mains sur un coeur qu'on m'offrait avec une sincérité bouleversante.
J'ai vu le jour lorsque les rivages d'une île m'ont adoptée, comme si j'avais été issue d'ici, de toute éternité.
J'ai vu le jour au pied d'une cheminée, dans une chapelle improbable entre ciel et mer où un archange terrasse un dragon en bénissant les serments muets de deux errances qui s'accompagnent, dans une barque instable perdue au milieu d'un marais, entre deux rochers battus par les vagues rageuses d'une mer sans fin...
J'ai vu le jour chaque jour, en écrivant ce livre d'Heures enluminé de sourires et de béatitudes, en prenant la vie à pleine brassées. Embrasser les heures précieuses et chaque sourire comblé que mon bonheur fait naître sur ces lèvres aimées (et aimantes).
Je suis née cette année... et à présent je peux (enfin) grandir.