lundi 2 avril 2007

1975 ou 1976. Nous Trois

1975 ou 1976, fin de l'hiver, j'ai 23 ou 24 ans.

Mon train arrive en gare de ma ville natale, un vraie gare du Texas disait avec humour une copine... Sur le petit parking je les aperçois tous les deux de dos dans la Panhard. Je vois leurs têtes rondes, les deux nuques un peu épaisses. Mon père et ma petite soeur trisomique Marie-Claire, 13/14 ans. Cette image gravée dans ma mémoire m'émeut toujours.

Je monte dans la voiture, une rapide bise à papa, et deux gros bisous à Marie-Claire qui se laisse câliner. Quelle chaleur dit-elle l'air sérieux. Je n'ai jamais su si elle plaisantait, si elle confondait les mots ou si c'était sa façon à elle de dire bienvenue. Autant nous étions peu démonstratifs avec nos parents, et entre frères et soeurs, autant avec Marie-Claire nous laissions aller notre affection : elle canalisait tout ! Nous n'hésitions jamais à l'enlasser, l'embrasser, lui tenir la main, lui dire des mots gentils, l'écouter...

Je croise le regard de mon père dans le rétro, et je sais combien ma visite lui fait plaisir, moi sa Cocotte. Nous ne nous sommes pas vus depuis plusieurs mois, J'ai quitté la maison depuis 7-8 ans maintenant. Je constate qu'il vieillit très vite, qu'il est usé ; que Marie-Claire évolue peu et grossit beaucoup. Toujours ce même sentiment de culpabilité qui m'envahit...

Nous laissons le silence s'installer, un silence heureux et affectueux. Nous sommes contents d'être là tous les trois à l'intérieur de la vieille Panhard, et nous avons même très envie que cela dure un peu. Papa propose à Marie-Claire de faire un petit tour avant de rentrer, elle adore se promener avec lui. Mon père conduit mal, il est très distrait et pense que ce sont les autres qui doivent faire un effort pour l'éviter, et puis le code de la route je me demande s'il y a mis le nez un jour... On démarre, et nous faisons une balade dans le centre-ville. Papa a toujours quelque chose à raconter et à montrer, à expliquer... Nous croisons des connaissances qu'il salue joyeusement, et effectivement les voitures nous évitent ! Heureusement parce qu'il a l'air d'avoir totalement oublié qu'il conduisait ! Je sens que Marie-Claire est contente de rouler, d'écouter papa parler ; lorsqu'il s'arrête, elle marmonne "Dis-le encore !". Lui qui adore avoir un e fait pas prier ! Quelle équipe ces deux-là ! Aucune école n'a accepté Marie-Claire, ses journées doivent être bien longues, comme c'est cruel...

Cette virée "en ville" tous les trois, bien à l'abri dans la voiture, est un souvenir très doux, intense, et précieux ; je nous revois heureux, et malheureux à la fois. Heureux d'être ensemble, et malheureux parce que notre vie est si dure depuis tant d'années... Hélas des années bien plus noires nous attendent.

Mon père ne le sait pas encore mais un camion ne jouera pas le jeu, et il mourra du choc en 1979. Marie-Claire et maman sombreront toutes les deux dans un autre monde, inaccessible, de plus en plus dur. Puis, à 29 ans, Marie-Claire mourra brutalement la veille de Noël...

Je les revois encore sur ce parking, ces deux têtes rondes, ces deux nuques, tous les deux dans la vieille Pan-Pan... Papa, Marie-Claire... Nous êtions heureux, et malheureux. Mais ensemble ce jour-là.

dimanche 4 mars 2007

1972 : 20 - Vendanges, Amours...

Je vais avoir 20 ans. Début octobre, avant ma première rentrée universitaire, Je pars faire les vendanges près de Libourne, le prestigieux Pomerol !

Une belle équipe d'étudiants et d'étudiantes a été recrutée, des scientifiques. J'ouvre grand mes yeux et mes oreilles, dans quelques jours je serai à la fac moi aussi, mais en Lettres.

Il fait très beau, presque chaud, l'après-midi nous travaillons bras nus. Le rythme de travail est très soutenu, et je découvre l'ambiance "vendanges" : blagues aux citadins, chansons plus ou moins paillardes... Les journaliers repartent le soir, les joues rouges, épuisés eux aussi. Nous les jeunes, sommes logés au Domaine, et abondamment nourris. Chambrées de filles, chambrées de garçons bien sûr. Dès les premiers jours, j'ai remarqué un beau brun barbu très gentil, l'air toujours de bon humeur. Il s'arrange pour travailler très souvent avec moi. Nous nous faisons face de chaque côté du rang de vigne, et peu à peu, nos yeux se cherchent à travers les feuilles, nos doigts se frôlent... Au casse-croûte de 9 heures, nous dévorons de bonnes tartines de rillettes, en riant. C'est un Grand, un étudiant en maîtrise de physique, et je sens que je suis en train de devenir amoureuse dans la douceur de l'été indien.

Depuis mes 15 ans j'ai évité l'amour et les amoureux. J'ai bien eu quelques amourettes, mais j'ai toujours su garder mes distances, quitte à me faire traiter de "fille pas libérée, de "coincée" et j'en passe... Tant pis. Mais non, au contraire, ai-je envie de leur dire, je suis libre et je veux le rester. Pas question de me retrouver enchaînée par une grossesse imprévue. J'ai trop en tête l'image des mes anciennes amies d'école qui après un court passage à l'usine se retrouvent à mon âge, déjà maman, mariées ou pas, dépendantes, avec la bénédiction passive des familles.

Je n'imaginais pas que mes copines lycéennes tomberaient dans le même piège ! Et pourtant, certaines furent chassées du lycée car enceintes, d'autres plus aisées et informées savaient où aller avorter... Alors il n'y a pas que les pauvres qui se font avoir par les hommes ? J'ai vraiment beaucoup de chemin à faire pour me réconciler avec eux, ne plus les voir comme une menace... Il faut dire que ma scolarité chez les Bonnes Soeurs m'a marquée durablement dans ce domaine ! Bien coincée c'est sûr ! La révolution sexuelle ? Des mots pour l'instant pour moi.

Il prend tout son temps mon bel étudiant pour m'apprivoiser, rien n'a l'air de le presser... J'apprends avec lui les relations simples, j'accepte l'idée d'être amoureuse, de ressentir du désir... A la fin des vendanges, lui et moi savons que nous allons nous retrouver à la fac. Nous en avons l'un et l'autre le désir. Très fort.

vendredi 23 février 2007

1972 : 20 - Bac et Années lycée

1972, je vais avoir 20 ans, je viens d'avoir mon bac. Un des jours les plus formidables de ma vie.

Les évènements familiaux ont conduit ma soeur aînée qui travaille, à m'accueillir et à me prendre en charge totalement dès la Seconde. Jamais je ne serais allée au lycée sans elle, et je n'aurais sans doute jamais eu mon bac. Qu'elle en soit remerciée ici, sincèrement et chaleureusement.

Ces années pèsent lourd. En septembre 1970, Je sais que ce départ m'éloigne de la famille, de ma rue, de mon enfance... J'ai gagné l'anonymat libérateur, mais perdu l'insolence, la gouaille... Je suis sortie de cette bulle familiale, soulagée, mais coupable. Coupable d'abandon, presque de désertion... J'apprends à vivre en ville, j'apprends une autre vie, mais je sens que je ne suis pas prête... Trop balourde, immature, démunie des codes... Je ne dispose pas de tous les codes, ceux qui permettent d'entrer dans le monde, les mondes...

L'enseignement public m'étonne et m'enchante. Le regard des profs, leur façon de nous parler, tout me plaît. J'admire et aime les profs (sauf la prof de physique !) .Les contraintes de travail me paraissent légères, plus de séjour à la chapelle de l'école, plus de prières ! Et surtout plus de regards condescendants, plus d'intrusion dans ma vie, je suis une élève parmi d'autres. Quelle joie ! La mixité dans les classes s'installe très doucement, ils sont chouchoutés les garçons dans nos classes de filles ! J'ai bien aimé mes années lycée...

La découverte de la bibliothèque du lycée, et surtout de la bibliothèque municipale m'ouvre les portes de ma future vie. Je me souviens des boiseries, du vieux parquet, de l'odeur des livres, de l'harmonie. Et de la bienveillante gentillesse des bibliothécaires. Ce monde-là s'entrouve, c'est le déclic qu'il me fallait. Je suis retournée il y a peu voir ma bibliothèque municipale bien-aimée. Transformée en musée, le Musée du Nouveau Monde... Le bien nommé.

jeudi 15 février 2007

1969 - Un Nouveau Monde

Eté 1969, j'ai 16 ans je pars travailler dans une colonie de vacances de la Mairie de Bobigny, près de La Cotinière dans l'Ile d'Oléron. Nous, le personnel d'entretien arrivons deux jours avant l'arrivée des enfants, pour tout nettoyer et préparer. J'ai la bonne surprise de découvrir Nelly, qui vient de ma petite ville. On ne se connaît pas, elle fréquentait l'école publique. Nous logeons avec deux autres jeunes filles dans la même chambre. Les enfants arrivent au petit matin, et descendent du car l'air apeuré, fatigués et timides... J'ai autant la trouille qu'eux, moi aussi c'est la première fois que je quitte ma famille, ma rue, et je découvre le monde du travail ! Très vite je me sens à l'aise, presqu'en famille avec les cuisiniers et toute l'équipe. Nous travaillons dur, mais nous sommes libres une partie de l'après-midi , et avons un jour de repos par semaine. Nous nous organisons pour aller à la plage en stop, se faire des petites soirées sympas, et rigoler. Ma chambrée de filles me plaît, nous partageons tout, nos fringues, nos idées farfelues, nos rêves, nos peurs...

Peu à peu je me rapproche des "aristos" de la colo : les moniteurs et monitrices, les Monos ! Je suis fascinée par leur aisance, leur gaité, leur autonomie. Ils sont étudiants, ce sont des adultes pour moi, comme je les envie ! De temsp en temps, ils m'invitent à passer la journée avec eux et les enfants lors de mon jour de repos... Et à partager leur soirée entre monos, où ça discute, pérore, fume, picole, drague, la vie des grands en somme... Leurs études les passionnent, ce ne sont pas des gosses de riches, et très vite ils m'associent à leur groupe. Je les admire en silence, heureuse d'être avec eux. Et je me dis, voilà, il faut que j'y arrive, qu'un jour je sois moi aussi une étudiante !

Le matin, lorsque je reprends le travail à la cuisine, mes collègues me "taquinent" en faisant un peu la gueule : Alors ils sont mieux que nous les Monos, tu préfères les intellos ? On n'est plus assez bien pour toi ? Et voilà, c'est le début d'un long déchirement : oui je voudrais faire comme eux, mais oui je vous aime vous aussi !

mardi 13 février 2007

1965 - La Visite du Président

1965. Grande effervescence dans notre petite ville. Le président De Gaulle doit faire une courte halte dans le cadre de la campagne électorale. Les enfants des écoles publiques, et nous les filles de l'école privée, avons été réquisitionnés et nous attendons, massés devant la foule sur la Place du Château. Le Grand Homme apparaît entouré de son équipe de campagne, nous agitons nos petits drapeaux tricolores. Christine, petite fille de mon école et de ma classe (oh la chance que nous avons, merci Seigneur...) remet un bouquet au Général qui lui fait la bise ! Quelle émotion, je sens nos religieuses chavirer, il me semble bien que je suis un peu jalouse même... Je ne me souviens pas de son discours ou des quelques mots qu'il a dû prononcer, mais de l'empressement de toute l'école auprès de Christine, au bord des larmes et de l'étouffement. Soeur Directrice met un terme à ces puérils énervements de filles, et rappelle que Dieu nous voit, allez zou retour à la réalité, on reprend nos livres et cahiers !

A la maison, cela a bardé ! Et pas qu'un peu. Mon frère Félix, le rebelle-farceur a eu l'idée de poser une banderolle à sa fenêtre de chambre avant de partir le matin. Avec les mots suivants : Vive l'OAS ! Rhaaa tous les gens qui sont passés dans notre rue, pour aller à l'épicerie, ou chez le cordonnier, ou ailleurs, ont failli s'étrangler. Alerte, Alerte ! Mon père averti, est revenu, a arraché le drap blanc qui claquait dans le vent. Enervé, Il attend mon frère de pied ferme... Félix revient, flanqué de mes autres frères : "Je voulais rigoler". C'est sa seule explication ! Malheureux lui dit mon père, mais tu veux me faire aller en prison, tu es malade ? Avec tous les flics qui patrouillent dans le coin ! - Non, non c'était pour rire, et tout le monde sait que tu es au Parti, tu ne risques rien...

Mon père n'a pas eu d'ennuis, les voisins ont encore soupiré et ricané un petit peu aussi, mon frère imperturbable s'est tout de suite attelé à la recherche d'une nouvelle idée, pour rigoler.

lundi 12 février 2007

60 à 63. Du Soleil dans le dos

1960-1961-1962-1963

L'été, le Soleil, et la liberté.

8, 9, 10, 11 ans et déjà libre. Libre d'élargir chaque jour un peu mon univers. Nous vivons dans une petite ville, mais c'est comme à la campagne. J'ai exploré les limites de ma rue, et découvre le monde des petits chemins, des champs et des rivières.

Jusqu'alors bons camarades, mes grands frères décrètent qu'ils ne veulent plus "de gonzesses avec eux !". Ils ont leur bande, s'amusent énormément, et n'ont pas besoin d'une fille qui ne court pas assez vite ! Très vite, je me retrouve entourée d'enfants du quartier de mon âge, et de plus jeunes. Les mères débordées confient les petits aux plus grands et nous embarquons dans la troupe les petits frères et soeurs de 3-4 ans... Diane, la chienne rousse de mon père nous suit partout, fidèle et protectrice. Il fait chaud, très chaud, la piscine de la ville n'est encore qu'à l'état de projet.



Nous avons découvert que nous pouvions nous baigner dans les carrières d'argile situées près du petit cimetière. L'après-midi, nous chipons les torchons de nos mères, et des bouts de tissus en guise de serviettes de bains, et allons nous rafraîchir. Evidemment aucun de nous ne sait nager... Nous pataugeons dans l'eau douce, en culotte, nos pieds se collant à l'argile... Bains de boue d'argile... Nous jouons à nous arroser, nous barbotons... Et nous nous dorons au soleil ! Nous partageons nos goûters, de grosses tartines à la confiture. Nous rentrons dans nos familles, les joues rouges, le corps bronzés, fatigués, calmes et tellement heureux, mais déjà excités à l'idée d'y retourner le lendemain !

Je sens encore la chaleur du soleil dans mon dos... Aujourd'hui, lorsque je suis à la piscine, assise sur le rebord, les jambes dans l'eau, je ferme les yeux, et je retrouve tout de suite cette sensation de chaleur et de joyeux bien-être... A chaque fois je me sens bouleversée, le souvenir des petits minots que nous êtions me fait sourire, et me rend molle d'émotion. Si libres et si heureux de se baigner.

vendredi 2 février 2007

1955-1960

J'ai du mal à déméler mes souvenirs personnels, et ceux de la légende familiale. Mes parents sont tous les deux décédés maintenant, je ne peux donc plus vérifier auprès d'eux.

1955 : j'entre à l'école maternelle après la naissance de ma petite soeur Brigitte. Je naime pas l'odeur de l'école et des Bonnes Soeurs, mélange de cire et de renfermé. Etre écartée de la maison m'est insupportable, je sais que je fais des histoires, mais pas trop quand même, les Soeurs sont très autoritaires et sévères. En fait, cette fin d'année 55 me fait encore mal, je me sens coupable. Brigitte décède à l'automne d'une méningite, Greta ma mère ne peut accepter sa mort, et j'ai toujours eu le sentiment que si elle avait eu à faire un choix... Et parfois je crois l'avoir entendue le dire... Je ne sais pas, vraiment pas. Grand-Mère meurt le mois suivant. Un froid glacial m'envahit lorsque je pense à cet hiver 55-56. On dirait que les tombeaux de Brigitte et de Grand-Mère se sont installés chez nous. Maman ne va pas bien, et personne ne pense à lui venir en aide.

1956 : en août, naissance de mon frère. Un petit gars tout fragile. Je me souviens j'étais dans le couloir, je voyais les gens sortir de la chambre de maman, et leurs paroles dures et sans coeur, sur cette pauvre Greta qui n'allait pas s'en sortir, cette naissance rapprochée, et ces gosses délaissés... me peinent encore. Ma Tante Margot arrive et me dit en riant : Je suis venue chercher ton petit-frère, je vais l'emporter avec moi ! Soulagée je lui réponds Oh oui, fais-le, cela nous débarrassera ! Alors sont venus les cris du choeur des hypocrites : cette enfant est méchante, oh la méchante. Moi je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, quoi, mais je pensais que personne n'en voulait de ce bébé ! Ne plus faire confiance aux grands, écouter et se taire.

1957-58-59 La vie continue, je vais à l'école de façon épisodique. Maman n'aime pas non plus nos écoles, la mienne, et celle de mes frères. Elle ne nous encourage jamais à y aller ! Oh mais reste donc là ce matin, tu iras cet après-midi, dit-elle souvent à l'un de nous. L'été je suis contente de suivre mes frères, nous nous éloignons pendant des heures de la maison, bâtissons des cabanes dans les arbres, construisons un radeau sur la rivière... C'est la liberté, j'ai hâte de grandir, de devenir autonome. Maman débordée nous laisse faire ce que nous voulons, n'intervient pas. Papa, Tante Margot râlent un peu, ils faut dire que nous en profitons pour faire des bêtises, mais qu'est-ce que nous nous amusons bien ! Juillet 1959, naissance de ma petite soeur Vivie. Toute frêle et fragile. Mais un bébé facile, sans exigence. Nous sommes maintenant 7 enfants : 4 garçons, 3 filles, et allons aborder les années 60...

lundi 29 janvier 2007

1952 - Une Nouvelle Fille Ogino

29 novembre 1952.

Au petit matin, elle a senti quelques douleurs. Trop tôt normalement, la naissance est prévue 3 à 4 semaines plus tard... Maman ne dit rien, et laisse mon père partir travailler... Dans la matinée, Grand-Mère qui habite dans la maison mitoyenne vient la saluer. Austère et presque silencieuse comme d'habitude, elle ne remarque rien, et emmène les petits avec elle, l'aîné est parti à l'école. C'est que l'enfant qui s'annonce et déjà le cinquième... Un bébé Ogino de plus dans le quartier...

Tenir, tenir... Maman serre le dents, elle veut se débrouiller seule, ne pas se sentir confisquée comme les autres fois... Elle sort couper le bois pour la cuisinière, elle s'active malgré la souffrance qui se fait de plus en plus vive... Elle s'arrête lorsqu'elle a trop mal, elle transpire, marche un peu courbée, reprend son souffle... Ce bébé imprévu qui arrive déjà, encore une surprise de la méthode Ogino sans doute... Quatre enfants en cinq ans, que de fatigue. Elle est obligée de s'aliter, trop mal. Elle monte tout doucement l'escalier ciré qui rejoint la chambre. Elle souhaite rester seule,... Accoucher en paix, crier ou pas, pousser comme cela lui chante, à son rythme, sans agitation autour d'elle.

En fin de matinée, visite de ma Tante Margot, elle partage la grande maison de Grand-Mère avec Tonton et ses enfants. Elle raccompagne les petits pour le déjeuner. Elle trouve Maman en train d'accoucher ! Contrariée, elle ronchonne un peu, pfff, jamais je ne vous comprendrai vous ! Elle renvoie les petits, et fait prévenir la sage-femme en urgence. L'eau chauffe, Margot s'active pour les préparatifs, ah rien n'est vraiment prévu, mais elle ne panique pas. La vieille sage-femme calme et joviale arrive en vélo, juste à temps pour me mettre au monde ! Une petite fille c'est une fille Greta ! Ma mère épuisée sourit, me regarde et, me dira-t-elle plus tard, j'ai su tout de suite que tu étais un bébé facile et gentil.

Rentrant lui aussi déjeuner, mon père me découvre, tout content d'avoir une nouvelle fille, Cocotte ma jolie Cocotte me dit-il. Les petits sont revenus, Grand-Mère, Tonton, les cousins tous rappliquent joyeusement. Tante Margot, fausse dure, sera ma marraine, elle l'a bien mérité non ? Elle m'aime déjà je le sais bien ! Papa décide de m'appeler Anita, ma cocotte Anita, refusant le prénom proposé Monique. Il tranche, cela sera Anita, sa cocotte. Et c'est vrai, jusqu'à la fin de sa vie, un autre 29 novembre, j'ai été pour lui Anita-Cocotte !