1972, je vais avoir 20 ans, je viens d'avoir mon bac. Un des jours les plus formidables de ma vie.

Les évènements familiaux ont conduit ma soeur aînée qui travaille, à m'accueillir et à me prendre en charge totalement dès la Seconde. Jamais je ne serais allée au lycée sans elle, et je n'aurais sans doute jamais eu mon bac. Qu'elle en soit remerciée ici, sincèrement et chaleureusement.

Ces années pèsent lourd. En septembre 1970, Je sais que ce départ m'éloigne de la famille, de ma rue, de mon enfance... J'ai gagné l'anonymat libérateur, mais perdu l'insolence, la gouaille... Je suis sortie de cette bulle familiale, soulagée, mais coupable. Coupable d'abandon, presque de désertion... J'apprends à vivre en ville, j'apprends une autre vie, mais je sens que je ne suis pas prête... Trop balourde, immature, démunie des codes... Je ne dispose pas de tous les codes, ceux qui permettent d'entrer dans le monde, les mondes...

L'enseignement public m'étonne et m'enchante. Le regard des profs, leur façon de nous parler, tout me plaît. J'admire et aime les profs (sauf la prof de physique !) .Les contraintes de travail me paraissent légères, plus de séjour à la chapelle de l'école, plus de prières ! Et surtout plus de regards condescendants, plus d'intrusion dans ma vie, je suis une élève parmi d'autres. Quelle joie ! La mixité dans les classes s'installe très doucement, ils sont chouchoutés les garçons dans nos classes de filles ! J'ai bien aimé mes années lycée...

La découverte de la bibliothèque du lycée, et surtout de la bibliothèque municipale m'ouvre les portes de ma future vie. Je me souviens des boiseries, du vieux parquet, de l'odeur des livres, de l'harmonie. Et de la bienveillante gentillesse des bibliothécaires. Ce monde-là s'entrouve, c'est le déclic qu'il me fallait. Je suis retournée il y a peu voir ma bibliothèque municipale bien-aimée. Transformée en musée, le Musée du Nouveau Monde... Le bien nommé.