1965. Grande effervescence dans notre petite ville. Le président De Gaulle doit faire une courte halte dans le cadre de la campagne électorale. Les enfants des écoles publiques, et nous les filles de l'école privée, avons été réquisitionnés et nous attendons, massés devant la foule sur la Place du Château. Le Grand Homme apparaît entouré de son équipe de campagne, nous agitons nos petits drapeaux tricolores. Christine, petite fille de mon école et de ma classe (oh la chance que nous avons, merci Seigneur...) remet un bouquet au Général qui lui fait la bise ! Quelle émotion, je sens nos religieuses chavirer, il me semble bien que je suis un peu jalouse même... Je ne me souviens pas de son discours ou des quelques mots qu'il a dû prononcer, mais de l'empressement de toute l'école auprès de Christine, au bord des larmes et de l'étouffement. Soeur Directrice met un terme à ces puérils énervements de filles, et rappelle que Dieu nous voit, allez zou retour à la réalité, on reprend nos livres et cahiers !

A la maison, cela a bardé ! Et pas qu'un peu. Mon frère Félix, le rebelle-farceur a eu l'idée de poser une banderolle à sa fenêtre de chambre avant de partir le matin. Avec les mots suivants : Vive l'OAS ! Rhaaa tous les gens qui sont passés dans notre rue, pour aller à l'épicerie, ou chez le cordonnier, ou ailleurs, ont failli s'étrangler. Alerte, Alerte ! Mon père averti, est revenu, a arraché le drap blanc qui claquait dans le vent. Enervé, Il attend mon frère de pied ferme... Félix revient, flanqué de mes autres frères : "Je voulais rigoler". C'est sa seule explication ! Malheureux lui dit mon père, mais tu veux me faire aller en prison, tu es malade ? Avec tous les flics qui patrouillent dans le coin ! - Non, non c'était pour rire, et tout le monde sait que tu es au Parti, tu ne risques rien...

Mon père n'a pas eu d'ennuis, les voisins ont encore soupiré et ricané un petit peu aussi, mon frère imperturbable s'est tout de suite attelé à la recherche d'une nouvelle idée, pour rigoler.