29 novembre 1952.

Au petit matin, elle a senti quelques douleurs. Trop tôt normalement, la naissance est prévue 3 à 4 semaines plus tard... Maman ne dit rien, et laisse mon père partir travailler... Dans la matinée, Grand-Mère qui habite dans la maison mitoyenne vient la saluer. Austère et presque silencieuse comme d'habitude, elle ne remarque rien, et emmène les petits avec elle, l'aîné est parti à l'école. C'est que l'enfant qui s'annonce et déjà le cinquième... Un bébé Ogino de plus dans le quartier...

Tenir, tenir... Maman serre le dents, elle veut se débrouiller seule, ne pas se sentir confisquée comme les autres fois... Elle sort couper le bois pour la cuisinière, elle s'active malgré la souffrance qui se fait de plus en plus vive... Elle s'arrête lorsqu'elle a trop mal, elle transpire, marche un peu courbée, reprend son souffle... Ce bébé imprévu qui arrive déjà, encore une surprise de la méthode Ogino sans doute... Quatre enfants en cinq ans, que de fatigue. Elle est obligée de s'aliter, trop mal. Elle monte tout doucement l'escalier ciré qui rejoint la chambre. Elle souhaite rester seule,... Accoucher en paix, crier ou pas, pousser comme cela lui chante, à son rythme, sans agitation autour d'elle.

En fin de matinée, visite de ma Tante Margot, elle partage la grande maison de Grand-Mère avec Tonton et ses enfants. Elle raccompagne les petits pour le déjeuner. Elle trouve Maman en train d'accoucher ! Contrariée, elle ronchonne un peu, pfff, jamais je ne vous comprendrai vous ! Elle renvoie les petits, et fait prévenir la sage-femme en urgence. L'eau chauffe, Margot s'active pour les préparatifs, ah rien n'est vraiment prévu, mais elle ne panique pas. La vieille sage-femme calme et joviale arrive en vélo, juste à temps pour me mettre au monde ! Une petite fille c'est une fille Greta ! Ma mère épuisée sourit, me regarde et, me dira-t-elle plus tard, j'ai su tout de suite que tu étais un bébé facile et gentil.

Rentrant lui aussi déjeuner, mon père me découvre, tout content d'avoir une nouvelle fille, Cocotte ma jolie Cocotte me dit-il. Les petits sont revenus, Grand-Mère, Tonton, les cousins tous rappliquent joyeusement. Tante Margot, fausse dure, sera ma marraine, elle l'a bien mérité non ? Elle m'aime déjà je le sais bien ! Papa décide de m'appeler Anita, ma cocotte Anita, refusant le prénom proposé Monique. Il tranche, cela sera Anita, sa cocotte. Et c'est vrai, jusqu'à la fin de sa vie, un autre 29 novembre, j'ai été pour lui Anita-Cocotte !