lundi 26 mai 2008

1987: 27 ans

En hiver la côte d'azur est un vrai paradis. Nous allons marcher sur la plage de St Laurent du Var où nous habitons, dans un petit immeuble sur les hauteurs, avec vue sur la mer. C'est une plage de galets. Le chien court devant, Marie dans un sac kangourou, accroché à mon ventre. Elle grandit sans problème. Elle a de superbes yeux verts et une peau dorée par le soleil du sud. Elle sourit tout le temps, d'un caractère espiègle, et une curiosité jamais assouvie.

Nous faisons des balades dans l'arrière pays, nous allons voir la montée des marches du festival de Cannes. Nous ne pouvons rater la visite de St Paul de Vence où je découvre Yves Montand en train de jouer à la pétanque sur la place du village, avec casquette et chemise blanche, en presqu'enfant du pays. Monaco et son rocher, l'Italie à portée de roue. J'aime la région, jusqu'aux 1er jours de l'été. Là, c'est l'enfer qui commence. Les touristes prennent la côte d'assaut. Les embouteillages monstres, les plages surpeuplées, les prix qui grimpent. Je commence à déchanter. Et espère vivement la fin de l'été, pour retrouver la tranquilité.

Marie fête son premier anniversaire. Je suis complètement remise de mes soucis de santé. Je trouve un travail. L'été passe et en septembre, mon mari m'apprend que nous partons pour Angoulême. Je reçois la nouvelle avec beaucoup de déception. J'en ai marre d'être sans cesse dans les cartons. Et je n'ai aucune envie d'aller là-bas. Mais je n'ai pas le choix. Mon mari part d'abord, comme à chaque fois, le temps de trouver notre future résidence. Je le rejoindrai 1 mois plus tard.

J'arrive à Angoulême sous une pluie battante. La maison est en centre ville, sombre, avec un minuscule jardin entouré d'un mur. Je regrette déjà la côte d'Azur.

dimanche 18 mai 2008

1986

Le pire et le meilleur va arriver cette année là.

3 mois avant la naissance de mon bébé, une nouvelle hémorragie m'oblige à m'allonger à nouveau. C'est à ce moment là que mon mari est une nouvelle fois muté, à Lyon à nouveau.

Nous ne sommes là que depuis 6 mois, et je suis intransportable. Une tension en hausse, d'autres problèmes font que je ne peux supporter un autre déménagement.

Nous décidons donc que lui partira, rentrant 1 a 2 fois par semaine. Moi, je resterai là, attendant patiemment l'accouchement. Commence alors pour moi une longue, très très longue période de repos forcé. Avec pour seule compagnie mon chien, et la radio.

Mes journées se résument ainsi: Matin: lever pour toilette et petit déjeuner. Coucher de suite après. Midi: lever pour repas puis de nouveau coucher Soir: lever pour repas du soir

Le reste de mes journées et de mes nuits se passent à écouter la radio, et puis lire, lire, lire. J'avale des tonnes de magasines et bouquins en tout genre. Mon moral est au plus bas. Je n'ai qu'une chose en tête: tenir jusqu'au 8ème mois + 1 semaine.

Le seul humain que je vois est mon mari lorsqu'il rentre pour le week-end. Qu'il passe à me faire les courses pour la semaine, et le ménage, lavage, et autre tâche ménagère. Je me sens comme une baleine échouée sur la plage. Un poids qui se meurt d'ennui dans ce lit en attendant la délivrance.

Je ne sais comment j'ai pu tenir ainsi tout ce temps. Avec le recul, je me trouve bien courageuse. La famille loin, je n'ai reçu aucune visite. Ne connaissant pas même mes voisins, j'étais vraiment seule (remarquez, les voisins, je n'aurais même pas chercher à les connaître! Enceinte oui, mais toujours phobique) Enfin, 8 mois et 1 semaine. Je me lève et là! J'apprends que l'accouchement se fera par césarienne parce que mon bassin est trop étroit. Seule consolation. Je peux profiter des dernières semaines. Je fais de longues marches avec mon chien dans la campagne et commence à rêver à après, quand nous serons réunis à nouveau tous les 3, à Lyon ou ailleurs, peu m'importe. L'accouchement est prévue pour le 1er juin.

Le 23 mai, un vendredi, une visite de routine met en avant une forte poussée de tension et divers problèmes qui font avancer la date de la césarienne au lundi suivant. Décidément, je ne fais rien comme les autres. La suite sera pire que ce que je craignais.

Le 24 mai au matin, 1eres contractions. Je me dis que, j'ai le temps de me glisser dans un bain avant que les contractions se rapprochent. Et l'eau devient de plus en plus rouge. Je crois à la perte des eaux, mais c'est du sang que je perds, en grande quantité Je ne veux pas inquiéter mon mari, je lui dis que c'est normal, nous prenons la direction de la maternité. Ma robe se tâche de sang, mon mari roule comme un fou. Il comprend que les minutes sont précieuses.

Je suis dans un état semi-comateux. J'entends l'obstétricien dire: pas de césarienne, il est trop tard. Il faut que ça passe. Je m'affaiblis. La sage femme s'allonge sur moi, poussant sur mon ventre. Je hurle, j'ai mal, je me sens me vider, je n'ai plus de force. J'ai la sensation que ma vie est en jeu, et peut être celle de ma fille. Et puis on me la pose sur le ventre à peine quelques secondes et on m'embarque ailleurs. Ma fille a crié. Elle est en bonne santé. Moi, je suis si fatiguée, je me sens partir, j'ai du mal à respirer.

Il se penche sur moi pour m'expliquer que le placenta ne s'est pas décroché, qu'on va m'endormir et qu'à mon réveil tout ira bien. Mais je ne me réveille pas. Choc à l'anesthésie. Marie est restée seule dans la salle d'accouchement, dans la couveuse. Mon mari est resté seul dans le couloir. On ne lui dit rien. Les heures passent. Marie s'accroche à la vie, mon mari s'accroche à l'espoir, moi je lutte pour survivre.

A mon réveil, je ne peux pas bouger, j'ai du mal à respirer, mon corps est douloureux. Je n'arrive pas à ouvrir les yeux, ni bouger mes doigt. J'essaie de parler. Aucun son ne sort de ma bouche. Dans mon regard affolé, l'infirmière comprend. « Vous êtes en soins intensifs, votre fille va très bien » J'ai peur, de mourir sans l'avoir vue, sans l'avoir serrée dans mes bras, sans l'avoir reniflée. Et en même temps,je me sens si fatiguée que par moment, j'ai envie de laisser tomber, me laisser aller, ne plus rien ressentir.

Finalement je m'accroche. Pendant que mon mari joue les pères modèles. Je vais de soin en soin, d'examen en examen. Les 1ers jours, on me pose le bébé sur le lit, à côté de moi. Je l'entoure de mon bras. Je n'ai pas la force de la serrer. Je la dévore des yeux. J'en veux au monde entier de ne pas me permettre de savourer nos premiers pas ensemble dans la vie. Finalement j'ai de la chance. Une embolie pulmonaire à l'accouchement, à cette époque là, ça ne pardonne pas. Je m'en sors. Avec l'impression qu'on m'a volé le 1er mois de la vie de ma fille.

Je mettrais 9 mois à me remettre de cette accouchement. On me dit que je n'en n'aurai pas d'autre enfant, qu'il y a trop de risque, qu'un c'est déjà bien. Je couve mon bébé et refuse le verdict. Ma fille ne sera pas enfant unique, je ne le veux pas. J'aurai d'autres enfants, je le veux.

Ma fille a 2 mois lorsque nous rejoignons son père à Lyon. C'est un amour de bébé. On dirait qu'elle a compris, elle me ménage, faisant très rapidement ses nuits.

Je me remet lentement, sentant mon amour maternel grandir de jour en jour. Un amour viscéral, fusionnel, avec la pleine conscience que la vie est éphémère, que je dois profiter de chaque seconde de la vie de ce bébé et l'objectif de redonner encore la vie. On essaie de m'en dissuader, je m'accroche à l'idée que je ne renoncerai pas.

L'année 2006 se termine sur une nouvelle mutation de mon mari. A Nice cette fois.

Nous y arrivons début décembre, par une magnifique journée ensoleillée. La côte d'azur nous tend les bras.

lundi 12 mai 2008

1985

2 déménagements, un mariage, une grossesse difficile. L'année 1985 est pleine de rebondissements.

En janvier, mon ami est muté à Lyon. Il fait ses valises. Je suis déboussolée. Je n'avais jamais envisagé de quitter Toulouse. Cette ville m'a apprivoisée, et je l'ai adopté avec l'idée de ne jamais en partir. Les changements ne sont pas très bénéfiques pour la grande anxieuse que je suis. Si ma phobie sociale ne m'envahit pas trop encore, c'est que justement je veille à garder les mêmes repères, les mêmes frontières. Mais là, une question fondamentale se pose. J'aime cet homme? Oui. Je veux faire ma vie avec lui? Oui. Je veux partir de Toulouse? Non.

Pourtant il va falloir encore une fois faire un choix. Le suivre et partir ou bien rester et peut être le perdre. Je ne sais pas choisir. Je me donne un temps de réflexion. Il part sans moi, faisant des allers retours un week-end sur 2, attendant patiemment que je décide. Je décide, après 3 mois que oui, je vais le rejoindre, la-bas ou ailleurs. Je fais donc mes cartons à mon tour, la peur au ventre de quitter ma ville. Ces cartons, je vais d'ailleurs passer mon temps à les faire et les défaire tout au long de ma vie.

Je quitte Toulouse sous un beau soleil. J'arrive à Lyon sous une pluie battante. Le coeur n'y est pas. Je me sens loin de chez moi, loin de ma terre, loin de mes racines, loin des mes repères. Je garde ça pour moi et fais bonne figure. Mon compagnon à 4 pattes nous a suivi. Je n'aime pas l'appartement où nous vivons. Je n'aime pas le quartier, ni cette ville dortoir à quelques kilomètres de Lyon.

J'aime la vieille ville, le quartier de fourvière, et la campagne alentour. Je déteste les embouteillages, la pollution, la place Bellecourt En juin 1985, nous nous marions, chez moi, dans l'Aveyron, puis nous repartons sur Lyon, que je n'aime toujours pas. Toulouse me manque. Je trouve enfin un travail et fin Août j'apprends que je suis enceinte.

Cette merveilleuse nouvelle est aussitôt suivie d'une grande période d'angoisse. Après une hémorragie, on me signifie un repos forcé, allongée 3 semaines, sans pouvoir me donner la certitude que le foetus est encore vivant. Je vis ces 3 semaines en gardant l'espoir que lors de la prochaine échographie, le foetus aura grossi. Si ce n'est pas le cas, je n'aurai que la mort dans mon ventre.

Mais mon petit bout s'accroche et c'est avec un immense soulagement que j'apprends, 3 semaines plus tard, que je mènerai ma grossesse à terme, si je reste prudente. Je vis cette grossesse comme un cadeau inestimable. Je touche mon ventre, je suis attentive au moindre changement de ma silhouette, j'attends le 1er coup de pied avec impatience. Je m'extasie chaque jour d'avantage de vivre cet incroyable aventure qui consiste à porter un enfant.

Alors que je suis enceinte de 3 mois, et à peine sortie de mes nausées matinales et autres désagréments des 1er mois, mon mari est muté à Valence. Je ne suis là que depuis 6 mois et il faut déjà refaire les cartons.

En novembre de la même année, nous emménageons dans une petite maison, à quelques kilomètres de Valence, en Ardèche, au pied du crussol. J'y retrouve la campagne que j'aime. L'Ardèche est une département magnifique, que je n'aurai malheureusement pas le loisir de le visiter bien longtemps.

Nous passons Noël à 2, loin de nos familles respectives. Un Noël un peu triste (je suis malade) mais nous sommes ensemble et Marie donne ses 1ers coups de pied pour nous assurer de sa présence.

jeudi 24 avril 2008

1984

Un virage à 180° pour moi cette année là. Je choisis de tout quitter, alors que justement j'ai besoin de repère, de stabilité, de sécurité. Finalement je vais passer ma vie à tout chambouler, moi qui recherche sans cesse des repères pour éloigner mes phobies. Paradoxe de ma personnalité. Fuir et faire face. Me cacher et affronter.

Après quelques mois d'échanges purement professionnels, et quelques sorties, toujours en groupe, nous sommes plus que jamais attirés l'un par l'autre. Nos regards se croisent de plus en plus souvent, nos mains se frôlent par moment. Je suis effondrée. Je réalise qu'il se passe quelque chose que je n'avais pas prévu. Je suis amoureuse d'un autre que celui qui partage ma vie depuis plusieurs années.

Un premier rendez-vous en tête à tête, et nous tombons dans les bras l'un de l'autre. Catastrophe pour moi. Je vais devoir faire un choix. Mais il est déjà fait. Je fais mes bagages, sous le regard abattu de mon ami. Je suis mal de faire du mal. Mais je sais ma vie ailleurs.

Je m'installe chez le nouvel homme de ma vie. Nous passons notre temps à cacher à notre direction que nous sommes ensemble. Je risque le licenciement et lui la mutation.

Et puis, et puis, il y a cette première attaque de panique. Celle qui va lentement me plonger dans la phobie sociale, qui sera diagnostiquée bien des années plus tard Chaque seconde de cet événement est gravé dans ma mémoire. Le seul fait d'y repenser est angoissant. Et elle est la 1ere d'une longue série qui finira par empoisonner ma vie. Cela se passe dans une caserne, au mess des officiers très exactement. Un repas en l'honneur de mon ami qui est venu me présenter à son ami officier. Il y a là une bonne partie des officiers de la caserne, et moi, seule femme parmi tous ces uniforme. Bon dieu, mais qu'est-ce que je foutais là? Je suis antimilitariste depuis presque ma naissance. Je n'ai qu'une vague idée de l'autorité masculine, mais j'ai cette peur en moi, qui m'habite depuis très longtemps. Depuis quand déjà? Et pourquoi? Le regard d'un homme, si il n'est pas aimant, me liquéfie sur place. Peut être parce que j'y vois le regard de ces garçons qui, l'année de mes 16 ans, m'ont traînée dans ce coin ombragé du parc. Et cet instinct qui me dit « danger » là où il n'y en a pas.

Tous ces regard tournés vers moi, toutes ces questions. Je me sens jugée, jaugée, passée en revue. Je m'éloigne sous un faux prétexte et vais m'enfermer dans les toilettes. Je m'effondre, vomis, pleure, tremble. Je suis assommée par cette attaque de panique, et paralysée par la peur. Je m'assoie par terre, enfermée dans les toilettes. Je suis incapable de me relever, de tourner cette poignée et de sortir de cet endroit exigu. Je vais crever là sans savoir, sans comprendre pourquoi. A ce moment là, je suis comme cet enfant qui espérait disparaître sous les couvertures, quand mon père frappati et frappait encore, ignorant les cris de douleur de ma soeur. Je veux disparaître, m'évaporer, m'envoler, quitter cet enveloppe qui m'étouffe.

Les minutes passent. Je me sens comme une bête traquée. Je crois devenir folle. Et puis j'entends sa voix. Il est venu me chercher, s'inquiétant après 15mn d'absence. Que lui dire? Comment lui dire? Quoi lui expliquer moi qui ne comprends rien à ce qui m'arrive? J'invente un malaise quelconque. Sans mal, je suis défigurée par la douleur. Je ne sais comment j'ai réussi à ouvrir cette porte. Il y a eu comme un déclic, une dépersonnalisation qui a fait que j'ai été m'installer à cette table, j'ai rien avalé, je n'ai pas parlé, mon corps était là, moi j'étais partie ailleurs.

D'ailleurs je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant ce repas, ni après. Je ne me souviens que de plus tard, bien plus tard, quand la honte, la culpabilité ont fait place a la panique. Et cette fatigue intense, et cette angoisse qui resurgissait: Je ne suis pas guérie.

Cet homme que j'ai choisi et dont je connais si peu de chose, et qui ne connaît rien de moi, vient d'être le témoin sans le savoir de ce qui va empoisonner ma vie, notre vie. J'ai la vague sensation que cette relation va aggraver mes symptômes, par le simple fait qu'avec lui, je renonce à tous mes repères, à justement tout ce que j'ai crée à Toulouse en quelques années: des barrières de sécurité contre mes phobies. Nous allons chacun de nous protéger l'autre en pensant lui rendre service. Lui va me surprotéger, au point que je vais devenir dépendante affective. Moi je vais continuer dans la ligne de conduite qui m'accompagne depuis toujours: le silence. Ne pas dire, ne rien dire, ne pas me dévoiler, jamais.

1983

Mes études sont déjà loin. Je suis toujours avec le même petit copain, celui que j'ai rencontré lorsque j'avais 17 ans. J'en ai maintenant 23 et quelquefois, lorsque je vois dans la rue de jeunes femmes avec des landaus, je me mets à rêver qu'un jour, je serrerai un bébé dans mes bras. Et puis je chasse vite cette idée. Dans un an ou 5 ans, je serai où? Je ferai quoi? J'ai l'impression étrange que je suis en transit. Que bientôt ma vie va changer.

Depuis que j'ai arrêté mes études, je n'ai pas vécu d'anxiété importante. Petit à petit, la peur de rechuter s'est estompée. J'en viens à penser que je suis guérie. Fin 83, Je trouve un boulot, stable cette fois. Et puis, la rencontre a lieu.

Le coup de foudre, vous connaissez? Lorsque les regards se croisent et qu'instinctivement, on sait. Que c'est lui et personne d'autre. Il y a comme une onde électrique qui vous traverse le corps, juste au moment ou la rencontre a lieu. Ce n'est qu'après, lorsque vous détournez le regard que le manque est déjà là.

J'avais un petit ami, qui m'aimait et que j'aimais, un avenir tout tracé et en l'espace d'un instant, tout a explosé. Il m'a avoué bien plus tard qu'il avait ressenti la même chose.

L'année 1983 se termine sur cette rencontre, qui restera platonique encore quelques mois.

mardi 15 avril 2008

1982

Je fais le deuil de mes études. J'aurai pu me réinscrire en fac, je ne le fais pas. Pas les moyens, le système est tel que lorsque vous ratez un examen, on vous supprime les bourses l'année d'après, et même en travaillant à côté, je ne peux pas payer une année scolaire complète. C'est une raison valable, mais pas la vraie raison. C'est juste celle qui m'empêche de culpabiliser, et qui m'aide à faire le deuil de mes rêves de devenir psychologue dans le milieu scolaire. Mais la vérité, je la connais. J'arrête mes études pour ne pas affronter cette peur panique qui m'étreint lorsque je rentre dans un amphi. Pour ne pas avoir à affronter le regard des profs pendant l'oral des exams. Et, comble de tout, par peur de réussir. D'autres ont la peur de l'échec, moi c'est la réussite qui me fait peur. Et si je valais mieux que ce que je pense de moi? Et si j'allais réussir là où je me crois incapable?

Ma TS, c'était un moyen de fuir. Je m'en relève, plus réaliste que jamais. Je m'installe dans un équilibre que je sens précaire, fragile. Les premiers mois, la première année se passe dans la peur de rechuter, dans l'angoisse de retomber du mauvais côté. Je m'accroche. J'élimine ce qui pourrait me laisser supposer que je suis sur le fil. Je refuse de penser à l'échec.

Je m'installe à nouveau à Toulouse, mon ami travaille, moi je vais de petit boulot en petit boulot. J'accepte tout ce qui passe. Bouger, occuper mon espace, mon temps, pour penser le moins possible. Dès que je ne travaille pas, je sens sur moi le poids de la culpabilité de n'être pas grand chose, qu'un boulet qui ne s'assume pas. Alors les boulots se succèdent, la plupart du temps au noir, et mal payés.

Quelquefois, je me dis que ma vie ne peut être là. Et j'ai des envies d'ailleurs. Je suis bien avec mon petit ami, et pourtant je me dis que mon avenir sera tout autre. Malgré tout je m'attache de plus en plus à Toulouse. J'aime cette ville et je ne me vois pas vivre loin d'elle.

Un jour, arpentant ses vieilles rues, sur le bord de la Garonne, je passe à côté d'un refuge. Je rentre, avec la ferme intention de repartir avec un chien. Il y en a des tas, derrière les barreaux, qui aboient et frétillent de la queue. Des tas, sauf toi. Toi, tu restes au fond de la cage, dans un coin, tout seul, loin des autres. Mes yeux croisent les tiens. C'est toi que je choisis. Je vais te baptiser Sampa et nous marcherons côte à côte pour les 10 prochaines années. Avec toi, je vais porter mes pas le long des quais, près du canal du midi. Et puis dans les ruelles des quartiers reculés. Nous allons sillonner Toulouse la belle en tout sens. Tu m'as adopté aussi vite que je t'ai choisi. Tu adaptes tes pas aux miens et j'adapte les miens à ma ville rose.

1981: suite et fin

On ne veut pas mourir. On appelle au secours. La balance penche à sa guise du côté de la vie ou de la mort.

Pour moi, elle a penché du bon côté.

Hôpital, lavage d'estomac, soins intensifs.

A l'époque, on ne s'embarrasse pas de bons sentiments, ni de discours convenu, et encore moins de psychologie.

On accomplit les gestes qui sauve, sans ménagement, pour bien marquer l'absurdité du geste. Pour faire passer l'envie de recommencer.

Le tuyau ne rentre pas par la bouche? Pas grave, on va l'enfoncer, avec force et détermination, par le nez.

Et pendant que des litres d'eau inondent mon estomac, on me maintient bras et jambes pour éviter que je me débatte. J'entends dans une semi-conscience: « Ça fait mal? Tant mieux. Comme ça, t'auras pas l'idée de recommencer!

On me réveille à coup de baffes quand je m'endors. Je ne comprends pas leur acharnement à me faire mal, cette brutalité et ces reproches. On m'engueule comme on le ferait avec un enfant qui vient de casser son jouet.

J'ai essayé de mourir et je me fais « engueuler ». Quel paradoxe! Quelle façon de me redonner goût à la vie.

Encore une fois, je suis loin, bien loin de tous ces gens qui croient tout savoir.

On ne veut pas mourir. On appelle au secours. Et là, en l'occurrence, personne ne me répond!

A mon réveil, je suis déterminée à m'en sortir, sans eux.

Je refuse les médicaments. Je refuse l'internement.

Après un semaine d'hôpital, je rentre chez moi. Et la première chose que je fais, c'est arpenter toutes les rues de ma petite ville. Le regard de l'autre qui sait, parce que dans les villages, on sait tout, très vite, ce regard que je fuis la plupart du temps, j'ai décidé de le soutenir. C'est un défi que je dois gagner, je le sens, si je veux passer à autre chose.

1981 se termine sur un constat d'échec malgré tout. Je n'ai pas passé ma licence, je vis de petits boulots, je suis chez mes parents, je cherche les forces nécessaires pour affronter à nouveau l'extérieur. Question de temps.....

mardi 5 février 2008

1981 (1ere partie)

Les mois passent. Janvier, février (mon petit ami part à l'armée), mars, avril. Je tente de garder la tête hors de l'eau, de ne pas me laisser envahir par cette marée noire qui embrume mon esprit et noircit mon futur. J'essaie de me convaincre que demain, ça ira mieux. Mais le lendemain arrive, et je ne vais pas mieux. J'ai toujours l'impression d'un mur infranchissable devant moi. J'ai toujours le sentiment que de l'autre côté de ce mur, il y a la vie, il y a l'espoir. J'ai toujours cette sensation qu'il n'y a aucune porte à franchir, il faut que ce mur s'écroule, d'une façon ou d'une autre, pour me libérer de cette prison. Je parle de mur, parce que je vivais réellement les choses de cette façon. Un mur, immense devant moi, qui m'empêchait d'agir, de penser, d'espérer à un lendemain. Je me forçais à continuer à aller en cours. C'était l'année de la licence. Mais les cours devenaient de plus en plus difficiles. Je me souviens cette étau qui enserrait mon coeur lorsque l'amphi était bondé. Puis même lorsqu'il était à moitié vide. Et puis juste au début du cours, et enfin avant même d'avoir franchi la porte d'entrée. Je me souviens de ces maux de têtes qui me terrassaient, ses migraines qui embuaient mon cerveau dès que j'arrivais dans cet appartement qui me donnait la nausée, dans cette chambre où je me sentais si mal, avec des colocataires dont je me sentais si étrangère. Parler me demandait un effort. Et finalement être avec les autres devenait une souffrance. Irrémédiablement, je glissais dans un puits sans fond,. Le seul endroit où je me sentais en sécurité était ma chambre d'enfant. Je rentrais de plus en plus souvent chez mes parents, j'y restais de plus en plus longtemps. Je communiquais de moins en moins, m'enfermant sous prétexte de travailler mes exams, alors que je ne voulais que réduire mon espace. Je cherchais une solution pour casser ce mur d'angoisse qui me faisait face. Je pensais que la solution était en moi, que je devais décortiquer le moindre de mes actes, la moindre de mes pensées, me reconditionner, changer ma façon de penser et enfin trouver la solution. J'ai espéré quelques mois, et puis quand mon espace a été réduit au minimum, j'ai compris que j'avais perdu la bataille. Je n'ai plus eu la force, je n'ai plus eu envie. J'en étais arrivée à la conclusion que la vie n'était pas pour moi. Que ce mur, je ne pourrais le franchir qu'en me libérant de tout ce qui m'entourait. Jeter l'éponge, mais gagner la dernière bataille: mourir quand je le voudrais, me libérer le moment choisi. La solution était trouvée: le suicide. J'en étais convaincu, il fallait que je trouve le moyen , le moment, et surtout le courage. Pendant des semaines je me suis convaincue que je devais le faire, me traitant de lâche lorsque j'avais peur. Je n'arrivais pas à m'y résoudre parce que le courage me manquait. Ce que je cherchais, ce n'était pas de ne plus vivre, c'était de ne plus souffrir. Toute la différence était là. La mort comme solution à la souffrance, et non pas comme le désir de ne mettre un terme à ma vie. Et puis il y a eu cette lettre, celle qui m'a permis de passer à l'acte, celle qui me donnait un alibi. Celle qui me permettait de trouver LA raison valable pour ceux qui resteraient. Une lettre de rupture de mon ami. Tout était en place: le moment, la raison, le courage. J'avais accumulé quelques boites de somnifères et d'anxiolitiques, que m'avaient prescris les médecins successifs que j'avais été voir. Je n'ai même pas choisi le moment. C'est venu comme lorsqu'on à une envie pressante. Il fallait le faire, à ce moment là. Je suis allée dans ma chambre avec une bouteille d'eau. J'ai posé la lettre bien en évidence sur le lit et j'ai commencé à avaler les cachets, l'un après l'autre. A mesure, je me disais: "Ce n'est pas la solution! et je pleurais. Je me répétais: mais elle est où la solution? Je voulais juste trouver les mots pour dire que je suis mal dans cette vie, que tout ce qui m'entoure m'étouffe, me fait peur, que je ne veux pas vivre avec cette angoisse en permanence. Je voudrais hurler que quelqu'un quelque part m'entende et m'aide, me réconforte, m'aide à surmonter cette peur. Je pleurais, sur moi, sur cette incapacité à communiquer. Je ne voulais plus mourir. Je voulais juste que ça s'arrête! Mais je ne voulais pas revenir en arrière. Ce geste fou, il fallait le laisser aller à son terme. Il n'y avait pas d'autre choix. C'est la première fois que j'en parle. J'ai eu honte tellement longtemps après. Et puis j'ai passé des années à nier la gravité de mon geste. Comme si mon acte à moi ne devait pas être reconnu. Mon entourage a mis ce geste sur le compte d'une déception amoureuse. J'en ai été blessée, pendant longtemps. J'ai voulu un jour expliquer que ma souffrance était ailleurs, bien avant. Mais je n'ai pas su trouver les mots. Alors je me suis tue, et mon geste me paraissait presque ridicule dans ce contexte là.



On ne veut pas mourir. On appelle au secours. La balance penche à sa guise du côté de la vie, ou de la mort.

jeudi 17 janvier 2008

1980: 20 ans

Il va falloir que je parle de mes 20 ans. Je revois cette année là comme une suite d'événements séquentiels, sans aucune émotion particulière. Comme si je vivais là une descente aux enfers nécessaire et surtout sur laquelle je n'avais aucune prise. Autrement dit, j'ai vécu ces moments là en spectateur de ma propre vie, sans pourvoir changer quoi que ce soit dans le déroulement de ces évènements et l'aboutissement qui en a découlé. A aucun moment cette année là je ne me suis sentie maître des événements. J'ai été happée dans un tourbillon qui me faisait de l'oeil depuis sans doute des années et ne cherchait que le moment propice pour m'avaler. Il y a d'un côté des événements: un accident, un décès, un départ et puis de l'autre des sensations, des symptômes qui se sont mis en place. Les évènements n'ont été que le déclencheur de ces symptômes. Je ne pense pas qu'ils en aient été les causes. Bien que je me pose toujours la question. Alors si je veux aller au bout de cette année, il faut que je prenne les évènements comme ils sont venus, en me contentant d'abord de les décrire. Un inventaire, voilà ce que je vais faire. - Début 1980: je vis à Toulouse, avec mon copain, dans l'appartement que j'ai loué en octobre 79. - Ma tante (soeur de ma mère) qui vit près de Toulouse rentre à nouveau à l'hôpital. Nous étions chez elle il y a peu. Nous avons trinqué au nouvel an. En levant son verre elle nous dit: " mon souhait est que je sois encore avec vous dans un an. Elle est atteinte d'un cancer depuis 2 ans. La rechute l'oblige à rentrer en clinique 1 semaine par mois pour la chimio. Je lui promets d'aller la voir 1 fois par mois, à chaque fois qu'elle sera à L'hosto. - Chaque visite est pour moi difficile. J'aime ma tante, alors je le fais quand même. Avant d'aller la voir, je passe par la superette du coin et je lui achète toujours les mêmes gâteaux: des pim's à l'orange, ses préférés. Je reste une heure. Elle a le moral, elle parle de sa maladie, elle ironise sur le prêtre qui passe régulièrement lui parler du bon dieu. Elle le jette systématiquement. Qu'il aille au diable avec ses bondieuseries, je sais bien que je finirai bouffer par les vers. Et elle en rie. Elle me fait promettre à mon départ que je reviendrais le mois d'après. Je promets. - En juillet, je zappe la visite. Je sais qu'elle attend ces visites avec impatience, et pourtant je n'y vais pas. Pourquoi? Est-ce que j'ai l'impression qu'elle attend trop de moi? est-ce que je me sens tout à coup trop adulte, trop importante à ces yeux? Je suis une adulte, je dois prendre ma place en tant qu'adulte, et je ne veux pas, je ne peux pas. Pourquoi? - En août, je pars en vacances avec mon copain, une semaine au bord de la mer. Je rentre enfin. J'apprends de la bouche de ma mère que ma tante est morte et enterrée. "Pourquoi tu ne m'as pas prévenue?" Je ne voulais pas te gâcher tes vacances. "Mais l'enterrement? . C'est mieux ainsi, tu es tellement sensible. Sensible moi? moi qui ne verse jamais une larme, moi qui ne parle jamais, moi dont on dit dans la famille que j'ai un coeur de pierre. Eux qui prennent les décisions à ma place. C'est l'incompréhension totale. Quelque chose en moi se brise. Quelque chose qui était déjà là, je le sens, je le sais, quelque chose de fragile, qui n'attendait que le bon moment pour se fêler. Je rentre dans ma coquille, je ne pense qu'à elle. Je n'ai pas été la voir, comme je le lui avais promis. J'ai promis et je n'ai pas été à la hauteur de cette promesse. j'ai fui, pour la 1ere fois. Et je ne peux pas réparer. Il est trop tard. Personne autour de moi ne prendra conscience de ce qui se passe en moi. C'est le début de la descente aux enfers. Je commence à me noyer, sans savoir ce que j'ai, pourquoi je l'ai et comment en sortir. - Septembre 80: C'est à nouveau la course à l'appart à Toulouse. Nous choisissons cette fois ci une colocation à plusieurs. Mon copain et moi, une amie (avec laquelle j'ai déjà été en coloc 2 ans avant) sa soeur et son copain, et une vague copine. Nos sommes donc 6. L'appartement est grand et il y a 3 chambres. Je me souviens encore de la tapisserie de la mienne: des cercles colorés qui donnaient une ambiance psychédélique. Je n'aime pas l'appart. Je n'aime pas la chambre. Des le 1er jour je me sens mal dans cette appartement, avec tous ces gens. Je ne dis rien. Je me dis que ça va passer. Ca ne passera pas. Depuis quelques temps déjà, je m'isole de plus en plus, j'ai du mal à communiquer avec les autres. J'ai la nausée de la vie. Une impression de vivre dans une bulle qui m'empêche d'être avec les gens. Je ne dis rien. Pourquoi je ne dis rien? Si j'avais su! - Octobre 80: nous avons passé le week-end chez nos parents et rentrons sur Toulouse. Nous sommes 2 dans la voiture. C'est mon amie qui conduit. Son père lui a achetée un vieux tas de ferraille. Une longue ligne droite. Un camion devant nous. Elle veut doubler. Une voiture arrive en face. Claxon, elle accélère. Elle ne passera pas. Les secondes sont des heures. Un coup de volant et la voiture s'écrase sur le toit dans le fossé. Puis le silence. Le choc a été terrible. Impression de perdre le contrôle de ma vie, de mon espace. J'étouffe dans cet endroit exigu. je m'extirpe la 1ere de la voiture, en passant par la vitre ouverte. J'aide mon amie à sortir. Des égratignures, nous n'avons que des égratignures. Le père de mon amie viendra nous récupérer. Je les accompagnerai chez le médecin pour mon amie et refuserai qu'il m'ausculte; Je n'ai rien, j'en suis sûre. Je rentrerai chez mes parents sans donner de détails. Je sens que je viens de frôler la mort. Pourtant ce n'est pas de ça dont j'ai peur. j'ai peur tout court. C'est maintenant un mur que j'ai devant moi. Mon avenir c'est un mur. Je me lève avec cette vision, je me couche avec cette vision. Le reste n'est que mal être. Au début, je cogne contre ce mur, pour trouver la solution. Il y a forcément une solution. Il faut franchir ce mur. De l'autre côté il y a la vie, il y a mon avenir. Est-ce que je deviens folle? C'est comme si je voyais les gens à travers un filtre, ils ne peuvent pas m'atteindre. Je suis enfermée et je ne peux pas communiquer. Je suis malade. Je ne sais pas ce que j'ai. Personne ne comprend ce que j'ai. Des examens à n'en plus finir, des échographies, radios, palpations. Un médecin, et puis au autre. Je triche. Je me tais. J'empêche quiconque de voir ce qu'il y a à l'intérieur de moi. Je vomis beaucoup, j'ai des migraines atroces. Je ne mange presque pas. Je ne dors pas. Je suis tellement faible que c'est ma mère qui me porte la valise pour m'amener à la gare le lundi matin. Quelquefois, nous ne dépassons pas la place du village. je me mets à vomir contre le premier arbre. Nous rentrons alors à la maison et je me couche. J'attends que ça passe et je repars le lendemain. L'appartement de Toulouse prend des allures de cauchemar. Je ne vis pas, je survis. J'ai l'impression de me ratatiner de l'intérieur. Et je continue à me battre pour trouver une solution, seule. Mon petit copain va partir au début de l'année d'après à l'armée. En décembre il me propose des fiançailles. Je dis OUi. Je dis oui à tout, j'ai ce mur devant moi qui m'empêche de réfléchir, je me dis que c'est un projet, que ça va m'aider à aller mieux. - Décembre: fiançailles (mon dieu, aujourd'hui encore je me dis, pourquoi? Ce n'était pas moi) Famille au grand complet. Mon parrain fier de moi, ma soeur bout en train. Mon fiancé est beau, il a l'air heureux. Moi aussi, je souris sur les photos. Et à l'intérieur je hurle: "ils ne voient rien! comment peuvent ils ne rien voir". L'année se termine sur des fiançailles qui ne changent rien à mon état. Je suis en état de panique de façon presque permanente. Pour me protéger, je me coupe des autres. Je m'enferme dans cette bulle sensée me protéger jusqu'à ce que je trouve la solution pour franchir ce mur qui m'empêche de vivre. Je n'ai pas encore renoncer, mais je commence à penser au suicide comme une solution parmi d'autres, pour sortir de cet enfer. J'explore les pistes. Et il y en a pas 50.

Merdeeeeeeeeeeeeeeee! Qu'il a été difficile ce ricochet. Bon sang! Que je me sens mal! Si je pouvais tout recommencer, retrouver mes 18 ans, réparer avant qu'il soit trop tard!

samedi 12 janvier 2008

1979

J'ai peu de souvenirs de mes 19 ans. En tout cas, aucun souvenir marquant.

C'était ma seconde année à la fac. Comme beaucoup d'étudiants pauvres (snif) je ne pouvais pas me permettre de garder un appartement durant les 3 mois d'été (trop cher). Alors chaque année, je rendais les clefs fin juin, et c'était à nouveau la course à l'appart mi-septembre.

Cette année là, je prends un coloc. mon petit copain. Nous dénichons un petit 2 pièces au rez de chaussée d'une maison bourgeoise, avec, comble du luxe, une douche dans la cuisine et de vrais WC sur le pallier.

Notre propriétaire nous stipule à l'entrée qu'inviter des amis nous est interdit, et faire du bruit tout autant. Alors nous invitons en cachette, en faisant entrer les copains par la fenêtre (nous sommes au rez de chaussée) Et nous donnons une fête, mémorable, à la fin de l'année, où nous nous entassons à une vingtaine dans le petit appartement, musique à fond et alcool à gogo. Les conséquences ne se font pas attendre, notre propriétaire ne nous porte plus dans son coeur.

A cette époque, je ne suis pas encore phobique à proprement parlé. J'ai été une enfant angoissée, très introvertie. Je me sens fragile, mais je n'imagine pas encore que cette fragilité peut influencer jusqu'à mon avenir. Un événement, l'année suivante, va provoquer mes premières attaques de panique, et ça ne s'arrêtera plus jamais.

Pour l'heure, je goûte à ma vie de jeune adulte.

vendredi 21 décembre 2007

1978: la grande ville, la fac, le cointreau

J'ai 18 ans, le bac en poche, je débarque à Toulouse, petite provinciale perdue dans cette grande ville. Je décide de prendre une coloc avec une copine. Nous dénichons enfin un 3 pièces, relativement grand en plein centre ville. Petit inconvénient: pas de salle de bain. Gros inconvénient: pas de chauffage. Finalement nous hébergeons mon petit ami et un vague copain. C'est l'année des découvertes. Les soirées un peu arrosées, le copains qui finissent étendues sur le tapis de la chambre, à cuver leur trop plein. Et puis d'autres soirées à refaire le monde. Le froid glacial nous empêche de travailler sereinement. Nous finissons nos journées l'hiver dans le bar du coin. Un petit café tenu par José, un espagnol avec qui nous sympathisons. Nous installons nos livres et nos cahier au fond de la salle. Le cointreau aidant, nous réchauffons nos corps et détendons nos neurones. José aussi refait le monde, à l'échelle de son comptoir. et les soirs de match, pendant que les mecs crient devant le poste de télé, dans la cuisine qui jouxte le petit café, nous passons derrière le bar et servons les rares clients. Nous n'avons pas de fric, c'est le temps des vaches maigres, alors pour nous remplir l'estomac nous mangeons des litres de soupe que nous laissons mijoter des heures sur le feu. L'odeur envahit l'appartement et adoucit notre hiver. Un jour, nous découvrons un mot glissé sous la porte d'entrée. Un jeune homme dit nous avoir observées des mois sans jamais avoir osé nous aborder. Effectuant un stage dans une boite dont les fenêtres donnent sur notre appart, il a passé son temps à nous regarder vivre. Il n'a jamais osé traverser la rue pour nous le dire. C'est son dernier jour, avant de partir, il nous laisse ce mot pour nous remercier d'avoir été là et nous donne une téléphone où rappeler. Nous ne le ferons pas, pour les mêmes raison qui l'ont poussées a ne pas se manifester. Dommage! Et si nous l'avions fait? IL y a des rencontres qui se perdent. De cette année je me souviens du froid qu'il faisait dans l'appart, des cuites qu'on se prenait certains soirs, du petit café tenu par José et des études que je survolais. Et puis des concerts: Lavilliers, Renaud, Font et Val (qui se souvient que Philippe val, aujourd'hui directeur de "Charlie hebdo", a formé un duo de chansonniers décapants avec Patrick Font?) Ah oui, et de l'odeur de soupe! Cette bonne odeur de soupe qui remplissait nos estomacs et attiraient les copains qui avaient eux aussi du mal à boucler leur fin de mois.

mardi 4 décembre 2007

1977 (2eme partie)

J'avais 17 ans. Et tu m'as trahie. Je n'aurais pas dû en être aussi outragée. Tu l'avais déjà fait tant de fois avant, que j'aurais dû être blindée. Mais je n'ai pas vu le coup venir, je ne me suis pas protégée. J'avais 17 ans, j'avais 2 ou 3 copains, un ami, j'avais une vie à moi. Je me sentais aimée, j'avais moins peur, j'ai dû baisser ma garde. Quand je parlais de ma mère, je disais "maman", quand je parlais de toi, je disais "mon père" je pensais "ce con", par habitude. Pourtant je ne te haïssais pas, je ne t'en voulais même pas. J'étais devenue indifférente à tes coups de colères, à tes propos outranciers, à ta façon de ne pas nous voir, de ne pas nous entendre. Il y a eu ce vendredi soir. Je suis rentrée pour le week-end et quand j'ai ouvert la porte je t'ai trouvé au milieu de la cuisine. Tu n'a même pas été capable de me regarder dans les yeux. Tu a fait comme si, comme si j'étais coupable, alors que tu savais que c'était toi le vrai responsable. Pour sauver ta peau, tu m'as accusée moi. Tu t'es caché derrière moi. Innocente pourtant j'étais, et tu le savais bien puisque le vrai coupable c'était toi.

J'ai été humiliée, par ta faute.

J'ai pris les coups que tu refusais de recevoir par lâcheté. Pourquoi je me suis laissée faire? Parce que je me sentais sale. Je croyais avoir fauté aussi, alors que je n'étais que ta victime. Maman m'a demandée de me taire, de ne pas te dénoncer. je suis restée silencieuse. Ma soeur m'avait accompagnée, elle n'avait pas pu se résoudre à me laisser dans cette merde immonde dans laquelle tu m'avais mise. Je lui avais fait promettre de se taire. Elle avait promis. J'ai encaissé. Je ne savais que rétorquer: Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai! Alors qui? Qui? C'est toi, c'est toi!!!!!!!!!!!!. On m'a insultée, on a crié sur moi, on m'a traînée dans la boue. Et puis je me suis effondrée et c'est ma soeur qui a craqué. Je me souviens de son cri. Elle hurlait presque. STOP! Le coupable c'est PAPA. Sur le chemin du retour, il faisait nuit noire. Ma soeur serrait ma main à l'en écraser. Nous pleurions en silence,. Juste avant de pousser la porte, nous avons essuyé nos yeux rougis par les larmes et elle m'a dit: Il ne doit jamais savoir ce qui s'est passé ce soir. Tu n'a jamais su.

Pourquoi tu n'as pas été le père protecteur, le père aimant que je voulais. Pourquoi eu drroit qu'au pire. Et par delà, même ton indifférence me faisait du mal. Pourquoi a -t'il fallu que j'ai honte de toi tout au long de mon enfance? Je me sentais fautive. J'ai longtemps cru que je te méritais, alors que c'était toi qui ne me méritais pas. Papa, tu es le drame de ma vie. Je te traîne comme un boulet que je n'ai pas choisi. Et je ne comprends toujours pas comment j'ai pu bousiller ma vie par le simple fait d'être ta fille. Je valais mieux que ça!

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