Le pire et le meilleur va arriver cette année là.

3 mois avant la naissance de mon bébé, une nouvelle hémorragie m'oblige à m'allonger à nouveau. C'est à ce moment là que mon mari est une nouvelle fois muté, à Lyon à nouveau.

Nous ne sommes là que depuis 6 mois, et je suis intransportable. Une tension en hausse, d'autres problèmes font que je ne peux supporter un autre déménagement.

Nous décidons donc que lui partira, rentrant 1 a 2 fois par semaine. Moi, je resterai là, attendant patiemment l'accouchement. Commence alors pour moi une longue, très très longue période de repos forcé. Avec pour seule compagnie mon chien, et la radio.

Mes journées se résument ainsi: Matin: lever pour toilette et petit déjeuner. Coucher de suite après. Midi: lever pour repas puis de nouveau coucher Soir: lever pour repas du soir

Le reste de mes journées et de mes nuits se passent à écouter la radio, et puis lire, lire, lire. J'avale des tonnes de magasines et bouquins en tout genre. Mon moral est au plus bas. Je n'ai qu'une chose en tête: tenir jusqu'au 8ème mois + 1 semaine.

Le seul humain que je vois est mon mari lorsqu'il rentre pour le week-end. Qu'il passe à me faire les courses pour la semaine, et le ménage, lavage, et autre tâche ménagère. Je me sens comme une baleine échouée sur la plage. Un poids qui se meurt d'ennui dans ce lit en attendant la délivrance.

Je ne sais comment j'ai pu tenir ainsi tout ce temps. Avec le recul, je me trouve bien courageuse. La famille loin, je n'ai reçu aucune visite. Ne connaissant pas même mes voisins, j'étais vraiment seule (remarquez, les voisins, je n'aurais même pas chercher à les connaître! Enceinte oui, mais toujours phobique) Enfin, 8 mois et 1 semaine. Je me lève et là! J'apprends que l'accouchement se fera par césarienne parce que mon bassin est trop étroit. Seule consolation. Je peux profiter des dernières semaines. Je fais de longues marches avec mon chien dans la campagne et commence à rêver à après, quand nous serons réunis à nouveau tous les 3, à Lyon ou ailleurs, peu m'importe. L'accouchement est prévue pour le 1er juin.

Le 23 mai, un vendredi, une visite de routine met en avant une forte poussée de tension et divers problèmes qui font avancer la date de la césarienne au lundi suivant. Décidément, je ne fais rien comme les autres. La suite sera pire que ce que je craignais.

Le 24 mai au matin, 1eres contractions. Je me dis que, j'ai le temps de me glisser dans un bain avant que les contractions se rapprochent. Et l'eau devient de plus en plus rouge. Je crois à la perte des eaux, mais c'est du sang que je perds, en grande quantité Je ne veux pas inquiéter mon mari, je lui dis que c'est normal, nous prenons la direction de la maternité. Ma robe se tâche de sang, mon mari roule comme un fou. Il comprend que les minutes sont précieuses.

Je suis dans un état semi-comateux. J'entends l'obstétricien dire: pas de césarienne, il est trop tard. Il faut que ça passe. Je m'affaiblis. La sage femme s'allonge sur moi, poussant sur mon ventre. Je hurle, j'ai mal, je me sens me vider, je n'ai plus de force. J'ai la sensation que ma vie est en jeu, et peut être celle de ma fille. Et puis on me la pose sur le ventre à peine quelques secondes et on m'embarque ailleurs. Ma fille a crié. Elle est en bonne santé. Moi, je suis si fatiguée, je me sens partir, j'ai du mal à respirer.

Il se penche sur moi pour m'expliquer que le placenta ne s'est pas décroché, qu'on va m'endormir et qu'à mon réveil tout ira bien. Mais je ne me réveille pas. Choc à l'anesthésie. Marie est restée seule dans la salle d'accouchement, dans la couveuse. Mon mari est resté seul dans le couloir. On ne lui dit rien. Les heures passent. Marie s'accroche à la vie, mon mari s'accroche à l'espoir, moi je lutte pour survivre.

A mon réveil, je ne peux pas bouger, j'ai du mal à respirer, mon corps est douloureux. Je n'arrive pas à ouvrir les yeux, ni bouger mes doigt. J'essaie de parler. Aucun son ne sort de ma bouche. Dans mon regard affolé, l'infirmière comprend. « Vous êtes en soins intensifs, votre fille va très bien » J'ai peur, de mourir sans l'avoir vue, sans l'avoir serrée dans mes bras, sans l'avoir reniflée. Et en même temps,je me sens si fatiguée que par moment, j'ai envie de laisser tomber, me laisser aller, ne plus rien ressentir.

Finalement je m'accroche. Pendant que mon mari joue les pères modèles. Je vais de soin en soin, d'examen en examen. Les 1ers jours, on me pose le bébé sur le lit, à côté de moi. Je l'entoure de mon bras. Je n'ai pas la force de la serrer. Je la dévore des yeux. J'en veux au monde entier de ne pas me permettre de savourer nos premiers pas ensemble dans la vie. Finalement j'ai de la chance. Une embolie pulmonaire à l'accouchement, à cette époque là, ça ne pardonne pas. Je m'en sors. Avec l'impression qu'on m'a volé le 1er mois de la vie de ma fille.

Je mettrais 9 mois à me remettre de cette accouchement. On me dit que je n'en n'aurai pas d'autre enfant, qu'il y a trop de risque, qu'un c'est déjà bien. Je couve mon bébé et refuse le verdict. Ma fille ne sera pas enfant unique, je ne le veux pas. J'aurai d'autres enfants, je le veux.

Ma fille a 2 mois lorsque nous rejoignons son père à Lyon. C'est un amour de bébé. On dirait qu'elle a compris, elle me ménage, faisant très rapidement ses nuits.

Je me remet lentement, sentant mon amour maternel grandir de jour en jour. Un amour viscéral, fusionnel, avec la pleine conscience que la vie est éphémère, que je dois profiter de chaque seconde de la vie de ce bébé et l'objectif de redonner encore la vie. On essaie de m'en dissuader, je m'accroche à l'idée que je ne renoncerai pas.

L'année 2006 se termine sur une nouvelle mutation de mon mari. A Nice cette fois.

Nous y arrivons début décembre, par une magnifique journée ensoleillée. La côte d'azur nous tend les bras.