mardi 20 novembre 2007

Un, deux, trois... et plouf...

Par goût du jeu et peut-être aussi du défi que cela pouvait représenter, j'avais mis les pieds dans cette marre à ricochets.

Rapidement une question métaphysique s'est posée : quel chemin suivre ?
Au tout début, il était proposé "de 1960 à 2006" ou "de 2006 à 1960". Et comment qu'on fait quand on commence à brailler en 71 ? Les meneuses (de revues et) de jeu ont par la suite assouplie les règles. Mais j'avais déjà commencé avec la décision de suivre le chemin ascendant en comblant "le vide" par l'histoire de mes parents.

Je revois encore leur tête quand ils sont passés à la question. "Alors, en 1960... T'étais où ? Et tu faisais quoi ?... Et Papa ?... Deux secondes, je prends des notes... Okay, on passe à 61 ?". Certes, je connaissais déjà les grandes lignes, mais la chronologie exacte m'échappait.
Chaque semaine, je prenais ainsi plaisir à écrire quelques lignes sur la vie de ceux que j'ai tout simplement nommé mes XX et XY.
"Et en 1971, tu es né et on s'est posé... On a recommencé à vivre quand tu es parti. Ah ah ah". L'humour de mon père me fera toujours mourir de rire. Pas de problème si à partir de là vous n'avez plus rien de palpitant (à part moi, bien sûr!) à raconter, puisque je suis censé prendre la relève. Et toc !

Sauf que...
Dame Ecriture est une muse perverse qui se plait à embrouiller les cartes du joueur.
Les cailloux de mes XX/XY m'ont tellement diverti que lancer les miens (surtout ceux un peu flous des premières années) me faisait l'effet d'un pensum. Tel est pris qui croyait prendre. Leur période, qui au départ devait combler un vide, avait fini par capter tout mon intérêt...
Etant plus du genre épicurien que stakhanoviste, j'ai préféré posé mon sac de galets plutôt que de les jeter laborieusement, sans satisfaction. Défi perdu ! Baisser les bras ne me dérange pas. J'y vois plus de vertu que dans le jusqu'au-boutisme.
Depuis, je me contente d'assister aux spectacles des ricochets des autres.
Et c'est très bien comme ça.


Mais là encore...
Dame Ecriture est une muse perverse...
Ces quelques lignes sollicitées seraient-elles en train de raviver la flamme ?
A mes pieds, le sac est encore là avec dedans une grosse trentaine de pierres à lancer.
Il n'y a qu'à se baisser et l'attraper.
On verra ça 'demain'.

vendredi 27 avril 2007

1972 : Dans les bras d'Irène

Lorsqu'elle apprend qu'on m'a appelé Yann, elle fait la grimace.
Elle pensait qu'enfin un de ses petits enfants allait être nommé comme son mari. Tradition quand tu nous tiens. J'ai pourtant échappé à Tulio.
Et puis elle s'y est fait.

Après son congé maternité, ma Maman retourne dans son laboratoire et Irène se propose pour assurer l'intérim. Elle qui avait élevé cinq enfants, la voilà qui retrouve une seconde jeunesse à déambuler fièrement dans les rues en poussant mon landau ou encore en m'exhibant dans ses bras aux voisins et autres commerçants du quartier.

Mémé Irène. Une Mama italienne. Une vraie.
J'ai les quatre fers en l'air sur la table à langer.
Une fois, elle s'aperçoit que le talc est resté à la salle de bain.
Une autre on sonne à la porte, ou bien c'est le téléphone.
Ou que sais-je encore.
Invariablement, elle pointe son doigt vers moi et m'ordonne d'une voix autoritaire pleine d'affection : "Attends! Attends, hein! Attends!"
Mais, où veux-tu que j'aille, Mémé Chérie.
Si cela s'éternise, elle repasse la tête par la porte "Attends! Attends, hein!"

De tous les petits enfants, je suis le seul qu'elle a élevé.
Alors on dit que je suis le chouchou de la Mama.

Le soir, je joue avec ma Maman dans son lit.
Elle veut que je répète ce qu'elle dit.
"Maman... Ma-man... Maaaa-man".
Ma réponse l'a quelque peu surprise.
"At-tends"

Et que fait mon Papa ?
Heu... il prend des photos.

Lorsqu'elle apprend qu'on m'a appelé Yann, elle fait la grimace.Elle pensait qu'enfin un de ses petits enfants allait être nommé comme son mari. Tradition quand tu nous tiens. J'ai pourtant échappé à Tulio.Et puis elle s'y est fait.Après son congé maternité, ma Maman retourne dans son laboratoire et Irène se propose pour assurer l'intérim. Elle qui avait élevé cinq enfants, la voilà qui retrouve une seconde jeunesse à déambuler fièrement dans les rues en poussant mon landau ou encore en m'exhibant dans ses bras aux voisins et autres commerçants du quartier.Mémé Irène. Une Mama italienne. Une vraie.J'ai les quatre fers en l'air sur la table à langer.Une fois, elle s'aperçoit que le talc est resté à la salle de bain.Une autre on sonne à la porte, ou bien c'est le téléphone.Ou que sais-je encore.Invariablement, elle pointe son doigt vers moi et m'ordonne d'une voix autoritaire pleine d'affection : \

jeudi 19 avril 2007

1971 : Nouvelle Star

Ils ont été nombreux à passer le casting. Il y a d'abord eu les sélections, puis tour à tour les éliminations. Jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un à décrocher le pompon. Plus rapide, plus doué, plus original ? Ou tout bêtement plus chanceux que les autres.
Il fût l'élu, le seul autorisé à entrer dans la sphère mystérieuse.

L'effet Baltard opère et progressivement mes XX et mes XY se sont effacés pour devenir après quelques mois, un peu plus de huit, ma maman et mon papa.

Drancy.
13 octobre. Un mercredi.
Clinique du bois d'amour.
A 11h15, je pousse mon premier cri en signature vocale.



Arrive alors la finale du choix de mon prénom.
Ma maman tape 1 pour Guillaume.
Mon papa vote 2 pour Eric.
Le jury s'est mis d'accord pour retenir le second.

Le lendemain, mon papa se rend à la mairie pour déclarer ma victoire.
Je ne suis pas le seul à être arrivé la veille. Dans le public, devant lui, un autre jeune homme est aussi venu pour son fils.
Mon papa entend alors un prénom pour lequel il a un coup de cœur immédiat. Un de ceux qui ne se discute pas. C'est le public qui décide. Comment lui en vouloir alors que j'ai hérité de son côté impulsif.

Je m'appelle Yann.
Je suis leur nouvelle star à eux deux.

mercredi 11 avril 2007

1970 : Retour au bercail

En juin, avec la fin de la troisième année scolaire s'achève le service dans la coopération pour mes XY. Il est temps de rentrer.
Le départ est plutôt déchirant. En trois ans des liens se sont créés, un rythme de vie a été pris.
La Dauphine est chargée de bagages et les cœurs de souvenirs.
Ils jurent de revenir. Radha le leur fait promettre et se propose déjà de les accueillir.

Ils sont maintenant installés en Ile de France.
Mes XX trouvent une place dans un laboratoire de Chimie tandis que mes XY reprennent une dernière fois le chemin de l'université.
Le décalage culturel est impressionnant. Il leur faut quelques mois pour s'habituer.
Surtout qu'un événement risque de tout chambouler...

dimanche 1 avril 2007

1969 : Serge

Ce n'est pas ce qui était prévu.
Mes XX et XY n'ont pas programmé cet heureux événement pour arriver pendant leur période marocaine. Mais puisqu'il est là, ou presque, autant laisser place à la joie.
Au fil des mois, mes XX s'arrondissent. Puis vient le moment de rentrer au pays, pour que la famille puisse accueillir le petit plus facilement.

Dans la maternité, mes XY font les cent pas.
Des complications. On lui a demandé de sortir du bloc.

Une attente qui dure cinq heures. Et enfin, Serge est là.
Mais quatre heures plus tard, il n'y est plus.


Un ange repose en paix au cimetière d'Arras.


Mes XX tiennent le choc, du moins dans la mesure du possible.

Le retour au Maroc n'est pas celui qui était prévu.
Radha s'est empressée de défaire la petite chambre avant leur arrivée.

Le lendemain mes XY retournent enseigner les mathématiques.
Mes XX s'accordent encore quelques jours de plus.
Le soleil tape dans le patio de la maison où elle s'est allongée. Radha lui apporte une orangeade. D'un regard, les deux femmes se sont comprises. Dans les bras de Radha, mes XX peuvent enfin se laisser aller aux larmes, au chagrin.

Et la vie reprend le dessus.
Après quelques jours, mes XX retrouvent le chemin du lycée.

jeudi 29 mars 2007

1968 : Autre révolution

Entre coopération et voyage de noces au Maroc, mes XX et XY vivent de loin les événements qui agitent la France. Ils ne comprennent pas trop l'indifférence des autres Français installés là-bas avec eux. Alors ils réagissent à leur échelle provoquant les bourgeois colons dès que possible.

A leur arrivée, en tant que professeurs, il leur est attribué d'office une aide ménagère. Dès le premier mois, ils jugent que le salaire fixé par l'usage et pratiqué par tous les français sur place est inacceptable et l'augmente considérablement. Ils doivent convaincre Radha d'accepter. Elle ne veut pas gagner plus que son mari. Elle finit par céder et folle de joie en parle à ses amies qui demandent à leur tour une augmentation équivalente qui ne peut leur être refusée.

Un peu plus tard, autre séisme toujours concernant Radha.
Pour les vacances scolaires, mes XX et XY rentrent au pays pour deux mois. Avant de partir, ils la préviennent :
"Nous allons être absents 8 semaines, donc voilà déjà ta paye de juillet, nous te donneront celle d'août à notre retour début septembre."
Mes XY sont sur le point de s'excuser de ne pas avoir les moyens de payer les deux mois d'avance, quand Radha refuse catégoriquement :
"- Si je ne travaille pas, tu ne me payes pas. C'est comme ça.
- Ecoute Radha, nous, quand nous partons en vacances, nous sommes payés. Puisque tu travailles pour nous, il est hors de question que tu ne profites pas des avantages dont nous bénéficions."
Bien évidement les autres français viennent trouver mes XY pour protester énergiquement dès que la nouvelle se propage en ville. Vaine tentative. Mais cette fois-ci, les autres employeurs ne cèdent pas à l'appel du progrès social.
A leur retour de France, ils sont surpris d'apprendre que Radha est venue tous les jours aérer la maison, laver les mosaïques et s'occuper du petit jardin... Radha a travaillé pendant que ses consoeurs "profitaient" de leur congé obligatoire sans solde. Elle n'a pas voulu être mise à l'index par celles qui ne bénéficiaient pas des mêmes attentions.

Ils ne le savent pas encore, mais plus tard, à chaque fois qu'ils raconteront leur expérience marocaine, ils seront incapables de ne pas avoir une anecdote et une pensée pour Radha.

samedi 10 mars 2007

1967 : Histoire de coeur

Autant 66 avait été une année creuse, autant 1967 démarre sur les chapeaux de roues. Auréolées d'un diplôme de Chimie, mes XX entrent dans la vie active pendant que mes XY continuent de s'accrocher en MathSup tant bien que mal. Avec l'argent gagné en surveillances et cours de mathématiques, ils se payent leur première voiture, une Renault Dauphine.

Cette année-là, en Afrique du Sud, le Dr Barnard effectue la première greffe cardiaque sur un être humain. Un tabou explose. Mes XX et XY, quant à eux, n'ont pas besoin de booster leur cœur. En fin d'année, ils décident de faire le grand saut. Pour le meilleur et pour le pire.

Comme j'aurais aimé être dans sa tête quand il l'a vu remonter l'allée centrale de cette petite église. Comme j'aurais aimé être dans la sienne aussi. Le voir et l'entendre lui dire oui.
Mes XX et XY ont toujours (ou presque) été associés aux moments forts de ma vie. Je regretterais n'avoir connu celui-ci autrement qu'en photographies et récits.

Quelques semaines plus tard, mes XY doivent partir au Maroc pour servir la mère Patrie au titre de la coopération militaire et civile. Trois années à donner des cours de mathématiques commencent pour lui. Mais se refusant à abandonner sa jeune épouse, il l'embarque dans la Dauphine pour un long voyage de noces. Elle ne le sait pas encore, mais elle donnera aussi des cours dans ce même Lycée, des cours de physiques.

dimanche 4 mars 2007

1966 : En attendant 1967

Cette année là, mes XX et XY jouent la continuation. Rien de bien extraordinaire dans leurs vies cependant. Alors que là-bas, le Che commence à faire parler de lui.

A si, il y a quelque chose tout de même.
Ils préparent dans la joie l'événement de l'année suivante...

mercredi 28 février 2007

1965 : j'y crois pas

Comme mes XY passent plus de temps à suivre la guerre au Viêt Nam que de fréquenter les amphithéâtres, la première année Math Sup est pour le moins calamiteuse. Tandis que mes XX excellent en Chimie TS.
Parallèlement, des projets de vie commune commencent à prendre forme. Mais pour cela, il faut remplir la tirelire. Il fait le surveillant en collège, elle donne des cours de gymnastique dans un centre aéré.
Mes XY en pion, mes XX en coach sportif.
Aujourd'hui encore, je n'arrive pas à y croire. Ça leur ressemble si peu.

De l'autre côté du monde, Martin Luther King entre en campagne pour le droit de vote dans les états du Sud.

jeudi 22 février 2007

1964 / Et si... ?

Si la première mini-jupe a fait son apparition en 62, c'est deux ans plus tard qu'elle rejoint la penderie de mes XX. Cette petite pièce de tissus finit d'harponner l'attention de mes XY sur celle qui lui fait tourner la tête.
Ils ont maintenant leur baccalauréat. Haut la main pour elle, plus modestement pour lui (la faute à la mini-jupe). Autre désillusion, il apprend que sa vue ne lui permet pas d'intégrer l'école de pilote de chasse. Alors, il s'inscrit dans la même faculté qu'elle. Ça le console.
L'année 1964 continue sur une triste nouvelle. Le père de mes XX est envoyé en mission en Algérie. Si la guerre est terminée, les troubles perdurent. La famille se ronge les sangs.

Heureusement, elle s'achève en beauté avec un mariage. Non pas celui de mes XX et XY. La petite amie du frère de mes XY a eu un pépin en croquant la pomme. Autre temps, autre mœurs, il faut donc précipiter la noce "avant que ça ne se voit".
Le bon côté de la chose étant (de mon point de vue) que pendant la cérémonie à la mairie, une idée a germé dans deux cœurs. Et si... ?
Mais c'est bien trop tôt pour en parler. Comme toutes les bonnes idées, il faut du temps pour les réaliser. Celle-ci leur prendra trois ans !

dimanche 18 février 2007

1963 / La rencontre

L'Homme n'a pas encore réchauffé la planète et il fait froid cet hiver 63.
N'écoutant que leur courage et leur curiosité, mes XY tracent la route en mobylette Peugeot juste pour voir la Mer du Nord qui gèle à Dunkerque. Ils arrivent frigorifiés sur la plage. Malgré les gants, les doigts sont bleus et les lèvres se craquèlent.
Mes XX restent au chaud à préparer studieusement la première partie du baccalauréat.
Quelques semaines plus tard, les épreuves approchent et mes XY essayent de rattraper le retard en révisant fréquemment à la bibliothèque et quand celle-ci est fermée, en salle de permanence.
C'est là que son attention a été troublée pour la première fois par cette jolie brune qui plonge son nez dans ses bouquins.
Mais comme elle n'a pas l'intention de se laisser distraire par de belles paroles, il lui propose de réviser ensemble. Elle accepte.

Mes XX et mes XY ont des étoiles pleins les yeux.
Ça tombe bien puisque Schmidt vient de découvrir le premier quasar...

samedi 10 février 2007

1962 / Paradisio

Pendant que mes XY traînent à gauche à droite, mes XX découvrent l'amour du cinéma. C'est donc de son côté que je tiens ce goût pour les belles histoires sur grand écran blanc. Son premier frisson est pour Jules et Jim sorti en janvier. Elle se souvient également de West Side Story sorti la même année. Et puis La Guerre des boutons et surtout Lolita de Kubrick.
Lui se rappelle surtout qu'en été, le 5 août, Marilyn Monroe a tiré sa révérence. Il se souvient du doute qui plane autour de sa disparition. Il connaît son regard, ses jambes, sa poitrine, même s'il avoue n'avoir vu aucun de ses films.

Marie Trintignant, Isabelle Nanty poussent ensemble leur premier cri. Viennent également les excellentes Jennifer Jason Leigh, Demi Moore et Jodie Foster, le talentueux David Fincher, et le... heu... et...Tom Cruise.

Moi, j'aurais adoré assister à l'avant-première de Qu'est-il arrivé à Baby Jane.
Mais c'est encore trop tôt.

- page 1 de 2