L'heure tourne et le temps passe. J'atteins bientôt la limite que nous avons fixé, 5 ans plus tôt. A l'époque, nous étions immortels sans doute.

Bientôt, je ne pourrais plus m'occuper de mon bébé, je devrais le confier à d'autres coeurs plus vigoureux. Et ça fait mal et un peu peur... Mes amis trouvent la parade et ajoutent une régle pour me rendre immortelle. Pantin sans pouvoir, gloriole immortelle, et jalousie tenace.

J'ai l'engagement dans le sang. Je trouve des nouveaux à admirer. Des têtes de Sciences Po et Normale Sup, brillants pour une petite étudiante en médecine.

Je propose mon aide, je suis douée pour la révolte, et j'offre mes mots

Trois mois plus tard, les rois partent et me propulsent reine.

Je ne sais, à l'époque, combien il est pourri, le royaume dont j'hérite...

Mais on a fait de belles choses ensemble!

Les jeunes Homos à l’école de la Honte : il faut rompre le silence

Un jeune sur dix. Un jeune sur dix grandit avec la honte. Honte de ce qu’il est, de ce qu’il croit être, de ce qu’il entend la société dire de lui. De ce qu’il est, de ce qu’il pourrait être. Une tafiole, une pédale, une tarlouze…Et quand il sera grand ? Une tante plus ou moins pédophile… Une sale gouine, une camionneuse.

Pourquoi ? Quel crime a donc commis ce jeune garçon, cette jeune fille ? Homosexuel. Le vilain mot est lâché. Un jeune sur dix grandit marginal du fait de son orientation sexuelle. Ce jeune là entend dire partout, dans sa famille, à l’école, dans la culture dominante, qu’il n’a pas le droit. Pas le droit de vivre de grandir, d’être lui. Voué à la solitude, aux relations sexuelles éphémères, à la marginalité sanitaire, sociale, relationnelle.

Un jeune sur dix finit par penser qu’il n’est plus qu’un être sexuel, plutôt qu’un être humain. Pas de famille, pas d’enfants, pas de relations stables. Non, homosexuel. Ca veut tout dire. Ca veut trop dire. Beaucoup plus que nous ne pouvons supporter. Car nous avons grandit quand même. Nous avons perdu trop des nôtres dans le suicide, la drogue, la prostitution, le SIDA. Nous, les jeunes homosexuels. Avec nos parcours d’enfants modèles et nos moments plus ou moins longs d’errance. Nous qui relevons la tête, un peu partout en France. Des associations de jeunes homos qui refusent d’être stigmatisés, insultés ou niés. Des jeunes qui demandent justice. Des Enfants de la République qui attendent la liberté, l’égalité et la fraternité qu’on leur a toujours présentées comme un droit. Il est temps que la République fasse son devoir.

Les jeunes homosexuels, filles comme garçons, se suicident plus que les autres adolescents, déjà assez poussés vers ce genre d’extrême. Plusieurs études nord-américaines l’ont démontré, tout comme le Pr Dorais au Canada. Le Dr Pommereau (Centre Abadie de Bordeaux) confirme. Oui, en France aussi. Six fois plus de suicides chez les jeunes gays par rapport aux jeunes garçons hétérosexuels, trois à quatre fois plus chez les jeunes lesbiennes, par rapport aux jeunes filles hétérosexuelles…

Pourquoi ? Des esprits chagrins diront que notre nature étant pervertie, il est normal que soit perverti aussi notre élan vital. Nous ne sommes pas malades. La société l’est. Malade de haine, de peur et d’intolérance. Mais, oui, nous souffrons. Pas pour une raison intrinsèque à notre homosexualité. Nous souffrons du silence, de l’absence de repères. Nous souffrons du mépris. Nous souffrons des insultes, comme tous ceux qui ne rentrent pas dans les cadres.

Nous souffrons de l’image que nous renvoie le monde. Nous souffrons de voir notre école, l’école de la République, non seulement nous nier, nous bafouer mais aussi refuser de prendre partie contre nos agresseurs. S’il s’agissait de racisme, nous serions reconnus, nous serions défendus. S’il s’agissait de sexisme, on pourrait essayer, protégés par ce qui est devenu politiquement correct. Mais face à l’homophobie, point de réactions. Pour cela il faudrait qu’il y ait des homosexuels. Il n’y a que des jeunes. Même pas, il y a des élèves, “ des esprits à former ” à qui on va expliquer, parfois, comment on fait pour se reproduire. Point d’amour, point de plaisir…ce n’est pas le travail de l’école…

Le travail de l’école serait donc de reproduire un modèle machiste et stéréotypé ? Non plus ? C’est pourtant ce qui se passe. L’absence de discours sur l’homosexualité (à peine quelques lignes dans une mallette pédagogique d’éducation à la sexualité) pérennise les idées reçues, et les fantasmes sur l’homosexualité. Elle laisse les jeunes homos dans le silence et la honte. Cette honte que nous ne voulons plus porter. Garçons efféminés et filles “ garçons manqués ”, honte à vous. Peu importe votre sexualité, vous n’avez pas le bon type. Dans ce monde, c’est chacun sa case. Garçons, soyez des hommes. Des durs. Des qui ne pleurent pas. Des qui, à défaut de parler aux filles savent au moins les violer, la tendance actuelle étant de le faire à plusieurs, camaraderie virile oblige. Filles, apprenez à sourire quand on vous abuse, et encaissez de n’être que des trous ou des saintes. Voilà le visage de l’adolescence tel que la société le laisse être. Il n’y a pas que les jeunes homos qui en souffrent et qui se révoltent. Le sceau de la différence les marque juste un peu plus fort.

Cette honte, c’est maintenant celle des pouvoirs publics qui se taisent, qui laissent actes et insultes homophobes animer les cours de récréation quand ce ne sont pas les salles de classe, alors qu’ils savent. Ils savent la prévalence nettement supérieure des tentatives de suicide chez les jeunes gays et lesbiennes. Honte sur eux car il existe des moyens d’agir. L’institution scolaire ne bouge pas. Les initiatives locales sont freinées. Les esprits plus ouverts et conscients de la nécessité de promouvoir un autre discours sur l’homosexualité et sur la sexualité en général sont arrêtés, tantôt par les proviseurs, tantôt par les rectorats. “ Vous n’y pensez pas ! Que vont dire les parents ! ”. Mais l’institution ne bouge pas. De peur de confier des bambins innocents à des prosélytes sans doute un peu pédophiles ?…Où est le prosélytisme dans le fait d’expliquer à des enfants et des adolescents qu’il y a des gens qui aiment des personnes du même sexe, que ça n’est ni sale ni dégradant ? Où est le prosélytisme de leur faire réaliser que les insultes homophobes et sexistes blessent dangereusement ceux et celles qui autour d’eux ressentent ces attirances ? Quant à la suspicion de pédophilie… L’objectif d’intervenir au niveau de l’école est d’éviter que l’homophobie fasse de nouvelles victimes. Notre sexualité est adulte, elle va bien, merci ; nous n’avons pas à faire grandir des adolescents plus vite, nous voulons juste qu’ils puissent grandir sans honte et sans insultes. Parce que cette homophobie, nous en souffrions encore il n’y a pas si longtemps. Parce que nous sommes encore jeunes et tendres. Mais l’école fait la sourde oreille, enfermée derrière ses peurs archaïques. Et son discours hétéronormatif continue à briser des vies, l’oubli de la prévention des comportements homophobes dans l’éducation à la citoyenneté renvoie les jeunes homos à un sentiment d’anormalité, de solitude. Ni mauvais ni sales ni pervers. Qui pense à nous le dire ? Qui pense à nous rassurer sur ce que nous valons vraiment ? Pas la peine de pleurer ensuite sur les taux de contamination par le VIH. Se protéger, c’est déjà penser valoir quelque chose.

L’école du Respect…pour tout le monde…. Sauf nous ? L’absence de sanctions, à l’école, comme partout ailleurs, des propos et des actes homophobes, contribue grandement au sentiment d’insécurité qui pousse certains jeunes au pire. Car les coups et les insultes pleuvent sur tous ceux qui sont différents, qu’ils soient homosexuels ou qu’ils s’interrogent sur leur orientation ou sur leur identité sexuelles. Honte sur l’absence de formation des éducateurs et des adultes référents pour identifier la détresse de ces jeunes qui voudraient juste pouvoir grandir et se construire, absence de formation pour y répondre… malgré la bonne volonté de certains.

Il suffit. Pour dénoncer cette honte accumulée, nous défilerons, silencieusement, pour rappeler à l’Etat ce silence mortifère dans le quel il voudrait nous laisser, alors même que le reste de la société et les mentalités évoluent vers une plus grande acceptation de l’homosexualité.

Nous sommes en colère. Partout en Province, et le 29 juin à Paris, nous défilerons lors des marche des fiertés, les anciennes “ Lesbian and Gay Pride ”.

Et parce que nous pouvons parler, nous irons devant le ministère de l’Education Nationale nous taire, ce vendredi 28 juin à 17h.

Pour tous ceux qui ne peuvent être là. Tous ceux qui ont encore peur, tous ceux qui ont encore honte… tous ceux qui ne sont plus là. Et pour tous les enfants de demain, qu’ils aient une chance de grandir au sein d’un monde, d’une école plus juste et plus intelligente. Nous porterons sur nous les insultes que l’école française tolère. Oui, “ je suis un sale pédé ”, oui, “ je suis une sale gouine ”.

Et pour une fois, qu’elle nous regarde en face.