Un jeu de rôles sur le leadership a tourné au psychodrame. J'en prends plein la tronche et brusquement je ne peux plus en parler en groupe. Chloé est persuadée qu'il faut que je dise ce qui s'est passé, elle insiste et finalement c'est elle qui pète les plombs. Elle disparaît de longs mois et ne reprendra pas à la rentrée, ça nous refroidit énormément mais qu'y pouvons-nous.

La formation initiale est achevée et nous sommes désormais des assistants ce qui est une école formidable de la personnalité. J'apprends énormément et pendant ce temps Estac prépare son second album, et une tournée ; c'est une période plutôt paisible entre nous, sans demandes excessives, sans attentes ni frustrations, il a un peu poussé les murs chez moi pour s'installer, on a fait venir le piano de chez mes parents, je vois de toutes manières beaucoup moins mes amis, j'arrive à l'entraîner aux grandes fêtes chez Michel et il y prend goût, il aime aussi l'idée que le quartier de mon enfance le rapproche de ses rêves de luxe, je tempère les récriminations de sa famille à son encontre, et j'ai un peu de mal à comprendre ses relations avec ses parents sur lesquelles il laisse planer un mystère inquiétant. Sa mère me semble définitivement inadéquate avec moi, et les quelques réflexions qu'elle m'a faites me laisse un arrière-goût pénible d'immaturité envahissante.

Je commence à construire un projet de vie, je me vois avec des enfants et une bastide, j'aimerais un jour m'installer en Périgord, il voudrait surtout que je gagne beaucoup d'argent et que je m'occupe de sa carrière. Il refuse de rencontrer mes collègues et les amis qu'il ne connaît pas déjà. Je me sens mise de côté avec ses musiciens comme n'appartenant pas à leur monde. Il prend de très haut la chorale et ne vient jamais à aucun de mes concerts. En revanche, je lui sers de chauffeur quoi qu'il advienne. Ses déplacements sont nombreux et pas toujours très clairs pour moi. Il y a des choses que je n'ai décidément pas envie de savoir et que je ne saurai pas.

Cependant, je commence vraiment à sentir que je préfèrerais qu'on soit mariés. Toutes mes amies ou presque ont des enfants, et même si elles ne sont pas toutes passées par la mairie, j'ai l'impression qu'il y a pour elles une sécurité, une stabilité, à laquelle j'aspirerais. Je vis une précarité dont je ne veux pas. De son côté Estac quitte à nouveau Paris pour une retraite solitaire, je sens bien qu'il a une vie dans laquelle je ne m'inscris pas.