Les mots dans la tête, le silence dans l'appartement. Recroquevillée sur son fauteuil d'osier, devant l'écran bleu. Je joue à la belote. Pas tout le temps, mais très souvent : un remède à la solitude.

Solitude ? Oui, c'est le mot qui convient lorsqu'on est seul. Cette année 2005 aura été marquée par un grand amour... interdit. Parfois Cupidon lance ses flèches au mauvais endroit. Cette fois-ci, c'est un homme marié qui retient mes pensées. Un homme aimant sa femme, sa famille, le projet de vie qu'ils sont lentement construit. Un homme qui ne s'aime plus assez. Qui a peur de ne plus être aimé. Qui m'aime moi qui l'aime aussi. Tous deux nous nous faisons du bien, nous nous rassurons sur notre aptitude à séduire, à provoquer chez l'autre le désir. Beaux instants de partage.

Solitude ? Oui, car l'amour interdit ne remplit pas une vie. Il emplit l'esprit, les rêves, les pages blanches. Mais le quotidien reste sur sa faim... En attendant la fin.

Pour tromper cette solitude les soirs de rendez-vous annulés, je découvre la toile. Ces êtres au bout du monde, qui comme moi sont seuls avec leurs pensées derrière leurs écrans. Ces êtres qui ont des choses à dire mais nul interlocuteur. Belote, rebelote et dix de der, c'est par le jeu que je m'immisce dans le monde fascinant de la virtualité.

J'ai toujours aimé le jeu, activité favorite le mercredi soir chez mon père. Non, ce n'était pas le tripot. Je n'ai jamais aimé mêler jeu et argent. Le plaisir de gagner, la peur de perdre suffisait à mon plaisir. Nous jouions aux petits chevaux, au backgammon, au whist, au Cluedo... J'ai appris à jouer au tarot lorsque j'avais une dizaine d'années avec des potes dans les Alpes : toutes ces jolies cartes dans nos petites mains. La belote, je l'ai découverte en prépa, dans la cour du Méridien à l'ombre des cerisiers en fleurs... en même temps que le futur père de mes enfants. Le jeu ? Emotions faciles qui ne remettent pas en cause le lendemain... Internet répond peut-être bien aux mêmes règles.

Sur Ludiclub, au-delà du jeu, j'ai découvert une nouvelle manière de s'exprimer : le chat. Ça va vite, il faut trouver les mots qui répondent à l'autre. Pas le temps de chercher : derrière son écran, l'autre attend une réponse. Pas de regard, de geste, de corps pour faire patienter. Les doigts pianotent sur le clavier. Les yeux lisent à toute allure. L'esprit résonne aux lettres affichées sur l'écran. De parties endiablées, au chat interminable, avec Bio, nous sommes rapidement passés aux mails... à la relation privée. Je découvrais que les sentiments ne sont jamais que terrés au fond de nous. Bio, je ne le connaissais pas, je ne savais de lui que des lettres vertes qui me remuaient. Avec Bio, nous nous sommes « rencontrés » fin juin, alors que je me désolais de mon amour interdit qui ne m'offrait aucun projet pour les vacances d'été : la loi de l'amour interdit. Bio m'a proposé quelques jours dans sa province, j'ai accepté, je suis partie en vacances au bord de la mer avec mes petits rassurée : un projet pour enclencher le mois d'août dans la tête... Mais au retour du bord de la mer : rien. Il avait disparu. Ses mots de juin étaient bien éphémères même s'ils avaient été sincères. Un peu désemparée, je réalisais que nos échanges de juin m'avaient remise en selle. Ils avaient oeuvré au maximun de leur puissance, il ne fallait rien en attendre de plus que l'énergie retrouvée pour vivre la vie en vrai, pour ouvrir les yeux sur le monde. En août, se succédèrent pleins de très bons moments, choisis au gré de ma liberté de célibataire. Je terminais l'été dans la capitale catalane. Au fond de la serre, écrivais ce texte empreint de sérénité : Alone in Barcelone.

En novembre de cette même année, j'ouvrais un blog... Un espace où je pourrais écrire ce qui me passait par la tête, sans en chercher plus, que quelques commentaires ou critiques issus d'autres vies disséminées ici et là.