Le 9 juin, début de soirée : Françoise et Benoît sont chez des amis. Florence, à la maison avec la baby-sitter, avale sa soupe gentiment. Elle a un an et demi, elle est très mignonne et se porte bien.

Françoise, assise sur le canapé, a quelques contractions de plus en plus rapprochées. Elle souffle, se détend. Mais voilà qu'elle perd les eaux sans crier gare. Je suis pressée d'arriver, et dois un canapé à la famille P. avant même d'avoir sorti la tête du ventre de ma môman. Blagueuse, la Marionette.

Direction : la clinique Bel Air, à toute berzingue. Papa roule sur une zone pour bus. Il se fait arrêter et dit au flic le plus vite possible "ma femme va accoucher, je vous en supplie, pas maintenant". Ni une ni deux, le flic monte dans sa bagnole, met le gyrophare et lance à mon père avant de mettre la sirène "Bel Air? Ok. Suivez-nous !" : Marionette est servie ! Que dis-je, servie, escortée ! Pendant ce temps, Florence passe au dessert, elle a finit tout son petit pot. C'est bien.

En arrivant, on s'occupe de môman. On lui dit que je vais pas tarder, mais que l'accoucheur est en train de faire sortir son enfant du ventre de sa femme dans une autre salle, alors "va falloir patienter un peu". L'heure avance. Elle est très inquiète, parce qu'elle sait déjà que mon coeur bat anormalement, on le voyait sur les échographies. Personne ne sait comment se passera ma première inspiration. Marionette, le mystère.

Nous sommes le 10 juin. L. J., l'accoucheur entre dans la salle ruisselant de sueur et heureux comme un pape : sa fille C. va bien et dort déjà, en couveuse. Après celle de C., il prend ma tête entre ses mains, puis mes épaules, et je crie. Le cordon est coupé, je respire, ma môman pleure de joie et me serre - pas trop fort - dans ses bras. Mon papa est là aussi, il n'en mène pas large. Marionette a réussi son entrée.

Florence dort à poings fermés. La baby-sitter regarde un film, ou lit son bouquin.

Deux semaines plus tard, je suis à la maison. On sonne à la porte, c'est pour une visite médicale. Papa va ouvrir, maman me prend dans ses bras. Le médecin écoute mon coeur, régulier mais étrange poum poum pff... poum poum pff... poum poum pff... Marionette a le sens du rythme... Il pose son stéto sur sa valisette, sort dans le jardin pour passer un coup de fil, revient une minute plus tard et dit à mes parents : "Vous êtes à combien de temps de la clinique ? Bon ben c'est parfait, le cardio vous attend. Oh, vous pouvez y aller tout de suite hein. Oui oui, aujourd'hui maintenant oui. Le cardio. Monsieur C." Mes parents, effrayés, me ramènent à la case départ. Déjà...

Marionette, petite fille bancale...