Mes nièces, les jumelles sont nées le 25 décembre 1998. Oui le jour de Noël comme ma fille (et en lisant la suite d'aucun penseront qu'il y a peu de hasard). Mais ce jour là, je le raconterai quand j'aborderai 1998.
En 1999, je joue donc les tatas et même plus. Ce qu'il me faut avouer, m'avouer à l'époque c'est l'envie et la peur. L'envie de cette nouvelle maternité que vit ma soeur, ma presque jumelle, tant nous avons toujours été proche l'une de l'autre. Ma peur de ne jamais être maman. Une idée saugrenue est venue s'immiscer vicieusement en moi, elle a eu deux enfants, elle a pris le mien.

Pour comprendre cette hérésie il me faut remonter au temps lointain, ce temps où ma presque jumelle à veillée sur moi comme une maman trop jeune pour l'être, au temps où la soeurerie a souffert des maux dont j'ai été épargnée et cette épée de Damocles que j'ai gardé en héritage; j'ai eu de la chance, je suis l'épargnée, il faudra bien que je paye un jour, la chance tournera forcément. En 1999, je me dis : " ça y est la chance a tourné, elle n'est plus de mon côté, ça y est, il est là, le prix a payer". Mais il me faudra encore remonter le cours de cette rivière et jeter bien des cailloux avant de pouvoir dire ici le prix de quoi.

En 1999 donc, je compense et je fuis en même temps. La honte de ce sentiment d'envie, cette parcelle de lucidité qui fait que je sais l'absurdité de mes pensées cachées, tout cela au milieu d'une vie de couple qui part en vrille, je pouponne et je fuis en même temps. Disponible sans l'être, j'entends sans rien écouter ou le contraire... Et je m'attache à ces petits êtres qui ne sont pas les miens, je prends la place vacante d'un papa très absent, je m'immisce, même probable, je pousse un peu des coudes. Je m'attache à elles et ce lien me blesse car je sais même si je feins de l'ignorer que se ne sont pas mes filles. Dans ce "mes" il ne faut rien entendre de possessif, enfin je crois, juste cette qualité d'amour si particulière, si unique. Ce cordon ombilicale n'est pas relié à moi mais à ma presque jumelle et je pourrais faire tous les semblants du monde, je le sais.

Terriblement, il y a une place pour moi, on a besoin de moi alors je suis là. Il y aura du monde pour dire à moi comme à elle : " Heureusement que tu es là". cette petite phrase qui rassurent ceux qui ne peuvent pas être là mais qui aimeraient, ceux qui ne veulent pas être là mais qui culpabilisent, moi qui trouve ma légitimité, on a besoin de moi, elle, ma presque jumelle que j'aide et que je n'aide pas.

Plus tard quand mes chéries d'amour sauront parler, l'une d'elle me remettra à ma place, me mettra une douce claque comme les enfants savent faire. Elle dira :"Quand tu es là, c'est toi qui commande." Elle le dira devant sa mère. Je n'oublierai jamais notre regard à toutes les deux, cette conscience immédiate que nous avons eu ensemble qu'il fallait que je me retire, que je retourne à ma place de tata. Plus tard j'irai moins les voir, je serai moins là, elle aura moins besoin de moi et moi ... Moi, je ne saurais pas faire autrement, trop présente ou presque plus. Cela prendra du temps pour retrouver l'équilibre du funambule sur le fil de nos vies...