15 août. Je rentre chez moi après trois semaines de vacances bretonnes, familiales et solitaires. Reposée, heureuse de retrouver mon boulot, Paris, les amis. J’envisage cependant cette rentrée de façon un peu morose : Fox et moi nous sommes séparés début juin. Jusque là je n’ai pas eu le temps de m’en rendre vraiment compte au quotidien, mais je sais qu’à partir de maintenant, les soirées vont se faire plus silencieuses ; il va me manquer. J’en suis à un stade de ma vie où je préfère être accompagnée que seule, même d’un simple agréable compagnon et pas d’un amoureux passionné. Je connais le prix d’un quotidien harmonieux à deux. Moi qui ai tant aimé la solitude, elle me pèse aujourd’hui.

Je ne sais pourquoi ce jour-là trotte dans ma tête la première phrase d’une prière, celle de Saint Augustin : « Ne pleure pas si tu m’aimes », qui dit que la vie ne s’achève pas avec la mort et qu’il convient de ne pas s’affliger de la fin de ceux qu’on aime, et au contraire de s’en réjouir pour eux. C’est aussi la première phrase d’un poème de Charles Péguy, inspiré de ladite prière, qui parle d’un simple passage « de l’autre côté ». Ces deux textes m’ont souvent réconfortée au cours des dernières années et ce jour-là j’ai envie de me les remémorer. Impossible de les retrouver dans ma mémoire, ni dans les tiroirs de mon bureau. Je tape donc cette première phrase dans la barre de recherche de mon navigateur. Sans imaginer une seule seconde où cela va m’entrainer.

Dans les premiers sites qui me sont proposés, l’un d’eux affiche derrière cette phrase la mention rageuse : « Pure connerie ! ». Alors j’y vais, forcément.

Et je découvre là une histoire, une vie, des mots, des émotions, un chagrin, des coups de gueule, une souffrance extrême et une énergie incroyable, des visages d’enfants. Je vais de page en page, de mot en mot, de larme en larme. Et je pleure, et je ris, et j’entre toute entière dans cet univers qui n’est pas le mien, qui m’évoque des sentiments connus pour certains ou parfaitement éloignés de moi pour d’autres, mais qui provoquent une profonde empathie, sympathie, compassion, je ne sais, tout cela mêlé et encore beaucoup plus. Quand j’arrive au bout de ma lecture, que je relève la tête, un peu sonnée, la nuit est tombée, je n’ai pas défait mes valises, je reprends le boulot dans quelques heures. J’ai l’impression d’avoir été aspirée dans quelque vortex mystérieux qui m’a fait perdre toute notion du temps et de la réalité extérieure.

Le jour d’après, et ceux qui suivent, je reviens sur ce site. A partir de celui-là j’en découvre d’autres, et d’autres encore. Un merveilleux jeu de marabout’ficelle m’entraine de blog en blog, puisque c’est de cela qu’il s’agit, alors que j’ignorais jusqu’à ce mot. Je lis avidement, émerveillée de découvrir tous ces univers enchevêtrés, émue par certains, amusée ou agacée par d’autres, me retrouvant dans certains écrits, fascinée par des vies si loin de moi. Je me laisse bercer par le talent d’écriture d’aucuns, moi qui aime tant les mots.

Un jour, je m’enhardis à laisser un commentaire sur ce premier site découvert, à poser une question anodine – je n’ose pas autre chose - sur un terme typiquement « bloguesque » que je ne comprends pas (je crois que c’était « trackback »). On me répond gentiment. Un autre commentateur me suggère bientôt d’ouvrir mon propre blog. Je suis effarée devant mon écran : Quoi ? Moi ?! Un blog ?! Mais qu’est-ce que c’est que cette secte ? Dans quoi veulent-ils m’entraîner ?

Quelques jours plus tard, je dépose le nom de domaine traou.net. Je passe quelques week-ends les mains dans le cambouis dotclearien, et le 13 octobre mon blog à moi est en ligne. C’est le début d’une très belle aventure.

Celle à qui je dois cette « révélation », je l’ai croisée depuis à quelques reprises, lors de rencontres de blogueurs. Il nous est arrivé d’échanger quelques mots amicaux. Ce que je raconte ici, je l'ai dit à quelques-uns, jamais à elle, c’est drôle. J’ai ici aujourd’hui l’occasion de la remercier : Tarquine, je vous dois beaucoup.