Premier et dernier ricochets, 1981 et 2006 : deux naissances. Deux fois mes naissances.

Je n'arrive plus à manger, je n'arrive pas à pleurer. J'écris, sans arrêt, sur mon blog, sur des cahiers, à des amis. Je prends des photos. Quand la panique monte, je me réfugie au bord de la rivière, des heures à regarder l'onde serpenter, en attendant qu'en moi aussi le barrage se brise et que l'eau coule.

La rivière paresseuse me sussure des vers tronqués :

Je sors au bras des ombres, Je suis au bas des ombres, Et des ombres m'attendent.

Le désespoir n'a pas d'ailes, L'amour non plus, Mais je suis bien aussi vivant que mon amour / et que mon désespoir.

Commencer à vivre soi-même/ importe davantage que de naître. D'ailleurs j'ai mis une petite annonce :/ vends maison /où je ne veux plus vivre.

Je suis en train de quitter ma vie. Je me dénude, en silence, malgré les mots jetés sur le papier, aux oreilles des proches. L'impression qu'une voix intérieure s'est tue, parce qu'une autre cherche sa voie dans ma gorge, déchirant tout sur son lent passage. A vif, mais vivante. Douloureux et exaltant, je me laisse enfin toucher par la beauté du monde.

Je ne sais pas encore que je tombe amoureuse, mais je sais déjà que je me prépare à un envol aussi inexorable que la chute qui suivra.

Mais pour le moment, je ne m'envole ni ne tombe - je suis assise au bord de l'eau et j'attends, immobile, que quelque chose bouge en moi.

(Les extraits de poèmes sont de Paul Eluard et de Viola Fischerova)