Ils ne sont plus si jeunes déjà, mais ce sont de jeunes parents, du haut de leurs trente-cinq et vingt-huit ans respectifs.

Ils sont tous les deux médecins, et ils ont su refuser la césarienne qu'on disait obligatoire, et pourtant, ils sont balbutiants et désemparés devant cette venue au monde - plus que tout autre fois. Pas un enfant - leur enfant.

Comment ce corps si dodu, si entier, a-t-il pu sortir de la fragilité du corps de ma mère ? Jusqu'au bout, elle a porté des vêtements taille seize ans. Ils sont fous amoureux, fous de bonheur. Ma mère avait dit : En tous cas, elle aura de beaux yeux. Pour ne pas trahir leur conte d'amour, je nais avec des yeux immenses et bleus.

Quand j'ai annoncé ma venue - tintamarre dans le ventre maternel ! - mon père a tenu à ce que ma mère mange quelque chose avant de partir à l'hôpital. Elle en est encore dégoûtée des gésiers de volaille. Mon père coupe le cordon et me donne le bain, le geste sûr, les lèvres écartelées par un sourire grand comme la vie.

Nous sommes trois, pour la première fois.