L'hiver est très rude en 1982... Mon papa est cheminot et travaille en trois-huit. Tout l'immeuble se réjouit de la grossesse de ma maman et chacun est prêt à lui rendre service. Le 4 Avril. Ma maman est enceinte jusqu'aux dents. Un petit repas familial se déroule le soir dans l'appartement de mes parents. Un bébé très désiré, dont on ne connait pas le sexe "pour la suprise", devrait arriver pour la fin avril, pour l'anniversaire de ma maman justement. La soirée se passe avec du vin ... Ma grand-mère prévient "tu n'en as plus pour longtemps, ton ventre est bas". Les invités partent, mes parents vont se coucher, tard. Vers 3h, ma mère prévient mon père :
- Je suis en train de perdre les eaux.
- T'es sûre ?.

Un bébé très désiré... Mes parents se sont mariés en 1971, et ils ne voulaient pas d'enfants tout de suite. Mais quand ils se sont décidés, les machines n'étaient pas très bien huilées : problèmes de stérilité chez les deux ! Ma mère a alors suivi des traitements lourds pour y remédier, sans succès. Au bout de trois ans, elle abandonne. Mes parents parlent alors d'adoption. Et là, miracle (ou pas), elle est enceinte. Son gynéco tente de l'avertir :
- Restez calme, pas trop de sport, ménagez vous.
- S'il veut tenir, il tiendra, sinon tant pis, j'ai déjà fait trop d'efforts.

Et je tiens. En mars, le gynéco est alarmiste. Je suis anormalement petite, et il prescrit des piqûres cencées m'engraisser dans le ventre de ma mère. Et j'ai tenu, mais je viens avec 20 jours d'avance. Le lundi 5 avril, j'hurlais à plein poumons, à 9h50, et pesait déjà 3kg.

J'ai dormi ma première nuit en pouponnière. Et lorsque l'infirmière m'apporte à ma maman, le lendemain matin, j'ai le visage ensanglanté. Maman en pleure... J'ai les ongles fort longs, et je me suis griffé la joue gauche. Le médecin précise qu'on ne coupe pas les ongles des nourrissons avant un mois. La plaie aura énormément de mal à guérir, si bien que j'aurai une cicatrice qui grandira avec moi.

Je suis une fille. Il me faut donc un prénom. Si j'avais été un garçon, cela aurait été Laurent. Mais je suis une fille. Ma maman souhaite m'appeller Anne-Laure, mais papa trouve cela trop snob. Ils prennent donc un petit calendrier de coiffeur : 1er janvier : jour de l'an. 1er février, Ella.... 1er décembre, Florence "tiens c'est pas mal". 2 janvier, Basile... etc. Et ils resteront sur Florence. Pas d'autre prénom, ça ne sert à rien d'en avoir d'autres, hormis le fait de faire plaisirs aux parrains/marraines ou aux grands-parents. C'est le défilé dans la chambre de la maternité Sainte Croix de Metz... Sauf ma grand-mère, qui ne viendra que le dimanche suivant... Pas très pressée de voir sa première petite-fille...

Lorsque mes parents rentrent avec moi de la maternité, ma mère se pose et fond en larmes, le syndrome du baby-blues que l'on appelle ça. Elle ne sait pas par où commencer. Elle commence par ne pas écouter les médecins, et à me couper mes ongles trop longs, plus fin que des lames de rasoirs.

Ma marraine travaillant dans une pharmacie, ma maman me bichonne avec les produits "Poupina", et j'étais un beau bébé tout rond, tout chauve (pas un poil sur le caillou comme on dit), et qui sentait bon. Lors de la première visite chez son gynécologue, ma maman me ramène dans un couffin. J'ai tout de suite profité, je suis tout en rondeur. La secrétaire et le médecin se réjouissent "c'est très gentil de venir nous montrer votre bébé". Et à ma maman de répondre "non, je viens vous montrer le bébé ANORMALEMENT PETIT". Elle lui en voudra énormément de lui avoir fait si peur pour son bébé aussi près du terme.