C'est la fin de l'année, presque l'hiver.

Ma mère dort encore sous l'effet de l'anesthésie. La césarienne était prévue à 8h45, le 9 novembre 1983, car l'obstétricien était en vacances les semaines suivantes. Je suis donc née avec 2 semaines d'avance, sans que l'on m'ait prévenue d'aucune sorte.

On remonte ma mère dans sa chambre, moi avec, je suis dans les bras de la sage-femme. Mon père est dans l'ascenceur avec nous. La sage-femme lui dit « Prenez-la si vous voulez ». Mon père me reçoit dans ses bras, très ému. J'ai été d'abord dans les bras de mon père.

Peu après, je pleure, je hurle. On m'a arraché à ma bulle, à mon ami le placenta, à mon liquide chaud et doux 2 semaines avant. Je hurle. J'avais droit à ces 2 semaines de plus. Je hurle. Je n'étais pas préparée à sortir. Je hurle. La sortie ne s'est pas passée comme je l'avais imaginée. Je hurle. On a soudainement ouvert mon plafond rond, on m'a sorti le plus rapidement possible. Je hurle. Je n'ai rien traversé, est-ce normal? Je hurle. Je ne comprends pas. Je hurle. 2 semaines. Je hurle. Je pensais avoir 2 semaines tranquilles, pour descendre, me tourner, me préparer à la vie. Je hurle. Mes parents ne dorment pas. Je hurle. Rien ne me calme. Je hurle. Les nuits se ressemblent. Je hurle.

Pendant 6 mois.