En choisissant de remonter le temps à rebours, on s'impose une contrainte narrative : celle de devoir évoquer les effets avant les causes, les conséquences avant les actes. J'en avais bien conscience dès le départ, c'est même pour ça que j'ai choisi ce sens ; si j'avais emprunté le sens naturel, le risque aurait été grand de tomber dans la simple succession d'anecdotes, façon rapport de gendarmerie.

L'inconvénient d'un tel exposé chronologique linéaire aurait été de souvent suggérer un lien de causalité entre tel événement fort de mon enfance et tel trait de mon caractère actuel. Post hoc, ergo propter hoc. Or je suis persuadé que la vie est bien plus embrouillée et que nous influençons notre environnement autant que celui-ci nous influence. Par exemple, mon grand-père justifiait souvent son anticléricalisme par une punition injuste que le curé de son village lui aurait infligée dans son enfance ; mais c'est beaucoup trop simple. En réalité, rien ne permet d'affirmer que ce n'est pas l'inverse, que ce n'est pas son anticléricalisme notoire et préexistant à cet événement qui a poussé le curé exaspéré à le punir plus sévèrement qu'un autre enfant.

En remontant le temps, je m'oblige à reconsidérer des liens de causalité que je croyais jusque-là acquis ; je m'empêche de trop verser dans l'anecdotique ; je me contrains au recul et à la transversalité ; je me force à privilégier l'effet d'ensemble par rapport aux détails. Comme dans un tableau impressionniste. A mon avis, c'est tout l'intérêt de l'exercice - même si ça le complique singulièrement.

(En attendant, je ne suis vraiment pas à l'aise pour aborder l'année 2003... D'où ce petit billet dans la marge, pour faire diversion et passer le temps, l'air de rien...)