Marion, surtout Camion, ou bien Ion-ion (prononcer yon-yon)... Sans contrefaçon, Marion serait-elle un garçon ?... Dans la rue, les gens s'extasient sur la bouille de ce "charmant petit garçon". Maman répond gentiment, dans un mélange de fierté et de reproche "c'est une fille".

Ça m'est resté dans la tête et dans le corps, un peu.

Florence, ma soeur aînée, est sage. Les parents lui mènent la vie dure, il faut qu'elle soit très bien élevée. A mon arrivée, les règles s'assouplissent un peu, et, bien sur, j'en profite un maximum.

Et vas-y que la soupe est pas assez froide, et vas-y que tu m'as mal portée jusqu'au bain, et vas-y que je crie parce que je veux pas dormir, et machin, et truc... à tel point que les parents installent de plus en plus fréquemment mon lit à barreaux à la cave pour ne plus avoir à m'entendre.

Mais, si les parents en ont marre de me voir jouer à la Castafiore, ma soeur arrive à m'apaiser, et j'avoue que ce rôle de petite maman qui lui va très bien n'est pas pour me déplaire.

Je continue à bien grandir, bien manger et bien respirer, mes examens cardiaques ne sont pas très précis mais ma croissance étant parfaitement normale et stable, le danger semble écarté. Je me souviens des ventouses gluantes posées sur mon petit torse et de l'écriture frénétique de la tige noire sur le papier quadrillé.

Il me semble que j'esquisse mes premiers pas vers la fin de l'été, je ne sais plus très bien. En tous cas, cela se passe chez mes grands-parents paternels, sur la petite terrasse qui longe la maison et dont les carreaux rouges-orangés chauffent au soleil. Ma grand-mère porte déjà ce bob ridicule qu'elle continuera de porter à chaque fois qu'elle ira au soleil.