Ma mémoire se moque de moi.
J'ai perdu des pans entiers de mon enfance mais je me souviens très bien de ces six premiers mois de 2003, avant la canicule.

Six mois enterrée, dans l'appartement de ma grand-mère, dans une banlieue assez éloignée.

Seule.
Seule après 8 ans passés à me cacher dans un couple.
Seule avec des fantômes de partout.

Je mets une chaise contre la porte, la nuit, pour m'en protéger.
Je génère mon propre froid, je n'arrive pas à me réchauffer.
Je refuse de mettre des cachets dans la glace.
Je suis comme morte, mais en fait j'hiberne.

Je bouge tout doucement, poussée par des amis incroyables qui me tiennent la tête hors de l'eau.

En juin, vers la St Jean, je passe à Dijon chez ma soeur en allant chez un de ces amis, en Champagne.
On fait la fermeture d'un vieux troquet d'habitués.
Et c'est là, devant ce bar miteux où j'hésite à entrer, que je le sens.
Il est à 20 mètres, dans la rue. Je ne le vois pas vraiment, mais je sais.
Tout est comme ralenti, ridiculement cinématographique.
Il ne regarde que moi, il sourit.
Je me marre.
Il sait.

Mon Merlin.
Marchand de tapis et chauffagiste du coeur.



Je suis enfin envie.