Sans trop me poser de questions j'ai suivi l'invitation à faire des ricochets groupés. La démarche m'a plu d'emblée, alors que je ne participe pas aux divers exercices d'écriture proposés ici et là. Cet intérêt ne doit certainement rien au hasard...

Sagement j'ai commencé à raconter mes premières années de vie. Rien de bien impliquant, faute de souvenirs directs. Mais je sens bien que cette évocation du passé lointain me fait gamberger. Quelque chose s'est mis en marche dans ma tête. Je pense déjà à ce qui va se présenter bientôt, avec l'évocation de la petite enfance, puis de l'adolescence...

Comment vais-je aborder ces années-là ? De quoi vais-je parler ? Rester dans les petites anecdotes gentillettes et superficielles ou bien sonder un peu plus profondément ? J'ai déjà largement exploré mon enfance en thérapie et je sais à peu près ce qui s'y trouve. Selon le regard choisi elle a été douce et favorisée... ou bien déchirée par la violence subie. Les deux à la fois, bien sûr, indissociablement liées. Que vais-je faire émerger ? L'ombre, ou la lumière ? Ou les deux simultanément ?

De cette enfance entre douleur et douceur je garde les traces. J'en porte le poids invisible autant que les trésors. Ma vie actuelle est encore largement contaminée par ce passé à double face, inhaïssable, bien plus perturbateur de personnalité que je ne l'avais imaginé. J'en reste handicapé, écartelé, tout fissuré de l'intérieur et trop lucide pour l'oublier.

C'est peut-être pour me distraire de cette violence, ou bien en relativiser les effets à long terme, que j'essaye aussi de faire l'exercice des ricochets à l'envers, en remontant le temps. Mais dans ce sens antichronologique c'est la fraîcheur des souvenirs qui est un obstacle. Surabondance d'impressions. Je ne veux pas revenir sur mon passé récent, trop chamboulé. Trop lié au présent. Trop sensible. Je suis encore trop proche de la charnière infléchissant ma vie pour en parler sereinement.

Ironiquement, ces perturbations actuelles sont très probablement une conséquence tardive de la violence dorée de mon enfance. Un écho, ou un effet de miroir. Quelle que soit l'extrémité par laquelle je lance mes ricochets, ils me reviennent en pleine figure.