Elle survit à peine, emportée par les flots. Remonte, hésite, aspire. Recrache en un soupir. Elle voudrait plutôt ou mourir, ou partir, mais reste entre deux eaux. Lui parlant allemand, je crois la soutenir et découvre en son coeur, l'esquisse d'un sourire... accablé de douleur. Elle, me maudissant, s'emporte, disparaît en sanglots effrayants que la nuit reconnaît.

Les accalmies ne sont qu'illusions, l'avenir qu'un plus sombre horizon. Nous ne nous voyons plus au-delà de demain ; aux cordes de marin, on usa bien des mains. Les espoirs échoués terminent en lambeaux. Mais, perdu pour perdu, je maintiens le flambeau.

Autant qu'elle égaré, je n'en fait rien paraître : faute de rien pouvoir, me contenterai d'être. Je la guide au travers des hoquets et des pleurs, esquivant les récifs vers une autre couleur. Animé d'une foi que la raison déplore, j'écope sans répit en espérant un port.

Ma propre vie n'est plus que l'ombre d'un combat, mené dans des contrées qui ignorent mes pas. Puisant toute ma verve au mât de la grand vergue, je l'entraîne - folie - dans un ultime cri, au creux de l'océan, qui nous jette mourants sur la plage au jusant.

Ai-je eu tort ou raison ? Que seront ces passions, la tempête passée ? les vit-on fracassées dès le premier rocher ? sont-elles ressorties de l'épreuve grandies ?

Les plaies des combattants, dans l'eau de mer plongées, mettent bien plus longtemps à ne plus les ronger - il arrive qu'on meurt des suites d'un naufrage qui, ayant moins d'ampleur, n'en est que plus sauvage - mais si, cicatrisées, ne laissent qu'une trace, l'amour traumatisé retrouvera sa place.