Elles sont grandes les tentations. Déjà, lorsqu'elle avait descendu l'escalier de sa démarche d'écriture somptueuse, ces quarante-six marches monumentales, nombreuses avaient été celles-là (et parfois assouvies de commentaires en commentaires parsemés, sans jamais se transformer en véritables récits personnels). La tentation de se mêler à la cour des grandes pourtant était sans doute trop intimidante.

Et voilà qu'elle reprend, la fée Kozlika, une ascension ? Elle nous parle de petits cailloux, pourrions-nous être les frères et soeurs du petit poucet dans cette grande forêt de la nostalgie introspective, des souvenirs qui remués font des ronds dans l'eau ? Ricochets déjà repris par la belle Samantdi, dès sa conception, c'est décidément encore plus tentant, encore plus impressionnant à la fois.

Et pourtant.

Déjà, lors de ma lecture des billets sur les années soixante, moi qui suis d'à peine deux ans leur aînée, je m'étais demandé comment on pouvait refabriquer ces souvenirs d'enfant, comment s'impressionne notre mémoire, si ce n'est sans mots, uniquement en sensations et en images.

L'année 1960 est faite de ces souvenirs-là, de la rue que j'habitais - mais que j'ai eu l'occasion d'arpenter encore par la suite, alors ils se sont aussi refabriqués, de l'immeuble et sa cour, traversée aussi plus grande, parce que mon amie Nette y habitait toujours et que j'y serai donc retournée de nombreuses fois, de l'ascenseur et de sa grille, mais surtout des miroirs qui se faisaient face dans ce hall d'entrée, permettant de renvoyer à l'infini ces reflets comme une plongée dans un insondable démultiplié.

C'est cela les souvenirs d'enfance, on se regarde et on se voit aussi de dos, sans jamais pouvoir arrêter le regard sur ces multiples visages qui s'enfuient avec la ligne d'horizon.

Petite fille de deux ans que je retrouverai sur les photos, mais dans mon regard intérieur, il y a ces sensations, un possible infini, un peu inquiétant aussi, mais tellement excitant !