En janvier, je me rends pour la première fois dans une salle aux vieilles tomettes irrégulières à laquelle on accède en descendant quelques marches après avoir traversé une cour du Vieux-Lyon . Là, je retrouve d'autres enfants de mon âge (3 ans et demi), nous ouvrons nos petits étuis noirs et en sortons nos minuscules violons. On fait des jeux rigolos, il faut faire tenir le violon juste avec le menton et marcher en rond sans le faire tomber. Ou alors, on se partage un violon et un archet, l'un passe son archet sur le violon de l'autre et puis on inverse. La dame est très gentille, c'est le professeur de violon de Grande Sœur Adorée. Comme elle a fait des stages au Japon pour enseigner le violon aux minus comme nous, et qu'elle a remarqué combien j'observe ma sœur quand maman et moi, on l'accompagne à son cours, elle a proposé qu'on m'inscrive à la méthode Suzuki. Ça me plaît beaucoup, en plus je suis fière de faire comme Grande Sœur Adorée, c'est simple, je l'aime et l'admire tellement, je veux l'imiter en tout. Elle aurait fait de l'accordéon, ça m'aurait plu tout autant, je crois. Comme quoi, les vocations…Je dois quand même me soumettre à un impératif : travailler cinq minutes par jour, tous les jours. Je tolère assez bien cette discipline, l'activité restant toujours plutôt ludique. Je ne comprends pas bien pourquoi les Grands ne s'amusent pas autant que moi. Parfois tout le monde se dispute dans le grand appartement, ça crie ça hurle les portes claquent, personne ne veut m'expliquer alors je pleure. Frère Aîné parviendra même à briser la porte de sa chambre en la claquant très fort.