lundi 19 février 2007

1964, premier souvenir, deux ans

Premier souvenir Je suis dans la poussette, pas de ces poussettes d'aujourd'hui où l'enfant est tourné vers l'exterieur mais les poussettes de 1962 à grosses roues et où l'enfant est face au pousseur et en l'occurrence ce jour là, je fais face à ma mère. C'est l'automne ou peut-être l'hiver, mais j'ai la certitude que c'est l'automne, un sol sableux, des arbres dénudés, du vent, tellement de vent que le lange qui repose sur mes genoux s'envole comme une page blanche. Ma mère, qui se tenait devant moi, disparait d'un seul coup de ma vision puis revient. Je vis en direct le fort da freudien, expérience certainement extraordinaire puique quarante ans plus tard je m'en souviens encore.

samedi 10 février 2007

1963 : Ce que je d'elle par eux.

Version maternelle : Je marche à 9 mois et trois semaines et je dis « Qui c’est ça » quand je vois quelqu’un. Une fierté qui ne s’est jamais démentie quoi je fasse, ma mère trouve toujours le moyen d’être fière de sa fille même quand je me fais des amis par l’intermédiaire d’Internet.

Version paternelle : Il m’endort dans ses bras et dés qu’il me repose dans le lit j’hurle, il est toujours hilare quand il raconte ce souvenir. Il y a quelques années, j’ai rencontré une cousine perdue de vue depuis des lustres. Pendant la conversation, elle lance cette phrase qui me bouleverse. Mon père lui disait « t’as vus comme je lui ai bien dessiné ses oreilles, regarde comme elles sont belles ». Je n’imaginais même pas que mon père avait des talents artistiques.

vendredi 2 février 2007

1962 : Marilyn meurt et moi, je nais.

Tout à leur bonheur, les futurs parents peuvent enfin se repaître des conversations quotidiennes liées aux enfants. Si les premiers temps, ils restent prudents, les mois qui passent leur apportent la sérénité nécessaire afin de vivre joyeusement cette grossesse et de se préoccuper, enfin, du prénom du bébé à naître.

C'est alors que la difficulté paraît. Le futur papa et la future maman ne peuvent se mettre d'accord sur un prénom. Chaque proposition voit poindre des haussements d'épaules, des yeux ronds de surprise et d'incompréhension, à tel point que l'un d'entre eux finit par prendre une décision irréversible acceptée par chacun.

La future mère choisira le prénom d'une éventuelle fille, le futur père celui d'un éventuel garçon sans que cela soit discuté.

Le futur père ne met guère longtemps à faire sa proposition, si son enfant est un garçon, il s'appellera Gilles.

Pour la future mère, la décision de nommer sa future fille sans prendre en considération un autre avis que le sien change la donne et elle n'a plus d'idée. Il lui faudra plusieurs semaines pour remédier à la situation et c'est en lisant le journal, un matin, dans son lit que lui viendra la lumière. Dans la chronique des faits divers, le prénom d'une petite fille enlevée lui saute aux yeux. Quel beau prénom, si le bébé est une fille, il lui ira à ravir.

C'est ainsi que même pas encore née, j'avais déjà disparu.

Le dernier jour du mois de mai, les contractions se font ressentir. Mes parents, baggages en mains, prennent le chemin d'une clinique du XIVe arrondissement de Paris. Je me fais désirer et n'apparais que 3 jours plus tard, laissant ma mère épuisée mais ravie. Je crois que cette attente interminable et douloureuse impressionna mon père au point qu'il ne se souvint jamais de la date exacte de ma naissance.

dimanche 28 janvier 2007

Ce que je sais d'eux en 1961

Six ans de mariage et pas l’ombre d’un soupçon de grossesse à l’horizon. L’amour qu’ils ont l’un pour l’autre les aide à ne pas baisser les bras et à s’affairer sans cesse dans cet espoir, celui d’un petit qui viendra. Mais le petit se fait attendre et ne vient pas. Médecins et spécialistes se succèdent sans succès.

Combien d’interrogations, de réflexions, et peut-être même de moqueries ont-ils subi ? Combien d’interrogations, de réflexions et peut-être même de moqueries se sont-ils infligés ?

Ils voient tous les ventres de la famille s’arrondir, les enfants naitre, les enfants grandir. Et eux, ils restent deux. Ils souffrent en silence dans les cris des enfants des autres qui les entourent.

L’été est là, une nouvelle fois, avec un espoir qui s’amenuise, un peu chaque jour. Elle ne pense plus qu’à une chose, cet enfant qui ne vient pas, qui lui prend tout son temps toute sa vie, toutes ses pensées. Ce matin, son cœur trop lourd la fait chavirer. Parler à quelqu’un, dire son effroi, sa peine, son espoir qui s’éteint. Elle court chez son médecin, une nouvelle fois. Mais ce matin-là, le médecin perçoit l’équilibre instable de sa jeune patiente et hésite à lui avouer son impuissance. La larme qu’il voit naître au coin de l’œil de la jeune femme lui fait prononcer cette phrase : - Ecoutez, mon petit, on va tenter le tout pour le tout. Partez en vacances, faites du vélo, autant que vous pourrez. Mais si vous n’êtes pas enceinte en rentrant, il faudra penser à l’adoption. Elle rentre, le vide a envahit sa vie.

Quelques semaines plus tard, la mort de sa grand-mère la sort d’une torpeur envahissante bien que le chagrin qu’elle éprouve à la disparition de cette aïeule chérie n’est pas à la mesure de l’affection qu’elle lui porte, l’absence d’enfant envahissant le quotidien. Le temps des vacances arrive et ils partent à l’île d’Oléron. Elle passera quinze jours sur un vélo, n’en descendant que pour les repas et les nuits.

La mort de la grand-mère a-t-elle sonné le glas d’une nouvelle ère ? Le vélo a-t-il des vertus thérapeutiques ? Je ne sais pas, mais de toute évidence, ma mère de retour à Paris était enceinte.

Et pour clore l’histoire du vélo mainte fois contée, mon père disait "Ah, ça, on a attendu, mais ça valait la peine, quand on voit le résultat" avec un clin d’œil dans ma direction.

Bamalega