À la fin de l'adolescence je trouvais que la plus belle fille du monde devait être blonde.

La culture occidentale a ses clichés, que je subissais sans aucun sens critique. (Peut-être qu'aujourd'hui ce n'est pas mieux, d'ailleurs. Mais je n'ai pas le recul. On en reparle dans dix ans.)

Je raffolais de la lumière dans les cheveux blonds, comme s'ils étaient encore plus clairs que la source lumineuse elle-même.

J'adorais cette peau laiteuse, fine, presque transparente. (Amusant : aujourd'hui si je dis "peau laiteuse, fine, presque transparente", j'imagine les robots de I, Robot. Pas sexy.)

Tout naturellement c'est vers ce genre de filles que je penchais.

Depuis j'ai découvert tant de variétés de couleurs et de grains. Je suis à l'âge où j'assume d'admirer les personnes que je croise. (Secret bien gardé : mesdames vous pensiez que les hommes vous convoitaient en prédateurs ; en réalité une bonne part d'entre eux vous savoure en admirateurs.)

Une jeune femme hispanique, le nez et le menton légèrement pointus. La peau ombrée comme par trop de soleil. Les cheveux noirs jamais complètement domptés.

Une fille sans origine discernable, la peau caramel, incroyablement uniforme. On a envie de regarder encore un peu plus longtemps, un peu plus loin dans le creux du col de chemise, trouver jusqu'où va cette teinte si unie et savoir si elle change.

L'infinité des peaux noires, riches, puissantes, au grain ferme.

Et puis une ou deux en particulier, brunes mais blanches de peau, parcourues de taches de rousseur qui sont autant de surprises. On ne s'habitue jamais aux taches de rousseur, elles reviennent toujours vous dire qu'elles existent alors que vous croyiez les tenir pour acquises.

Et puis ce parfum naturel, celui de la peau, inépuisable, que tu reconnais tous les jours et que tu respires et respires encore. Celui de la femme que tu aimes.

Jusqu'à mon dernier jour, toujours continuer à ouvrir les yeux.