Vous avez des enfants ? Moi oui. Et cette histoire me démange d'autant plus, maintenant.

En 1972 mes parents attendent un nouvel enfant, et toute la famille se prépare comme il se doit.

Le jour de sa naissance les médecins n'alarment pas mes parents, et pourtant... moins de deux jours plus tard le petit dernier meurt.

(Un temps de silence, c'est le plus difficile à faire à l'écrit, mais essayez quand même de laisser une pause ici, sans musique d'aucune sorte.)

Mon père devient fou de douleur, conduit sa voiture sans savoir où ni comment, se perd dans un chemin pour y pleurer sa colère.

Ma mère finit sous tranquillisants, et le médecin, qui a le franc-parler du médecin de campagne de l'époque (alors qu'ils sont en ville, dis-moi pourquoi je m'attache à ce détail ?), prévient mon père : "Ta femme, 'va falloir lui faire un autre gamin, sinon je vais finir par la faire enfermer."

Comment nous, les enfants déjà là, avons-nous vécu ce moment, comment l'avons-nous traversé ? Qu'est-ce que notre famille a pu nous en dire ? Je n'en sais rien, je n'ai aucun souvenir et pas le cœur de réveiller la douleur de mes parents.

Je ne sais que deux choses : qu'une petite tombe blanche, minuscule, attend ses visites à la Toussaint, et qu'on vit avec mais qu'on ne s'habitue jamais, jamais, jamais à la mort de son enfant.

Tant d'années plus tard je regarde les miens, et je comprends.