L'invitation que je reçois est calligraphiée et vraiment si bien personnalisée que je suis curieuse de savoir comment cette organisation a eu mes coordonnées. La jeune personne qui me répond au téléphone n'en sait rien, mais elle est vraiment accueillante, suggère que j'aie pu moi-même un jour remplir un formulaire comme quoi j'étais intéressée par des occasions de créér un business et m'incite avec un talent évident à ne pas laisser passer celle-ci qui ne me coûtera rien, que le temps d'assister à l'événement.

Effectivement, je serai entièrement défrayée, et aucune arnaque ne se fait jour derrière la proposition qui s'avère une voie très tentante. Je sens que je vais devenir une entrepreneuse et je dépose le nom de ma petite entreprise sous les ailes d'un ange que je voudrais tellement protecteur de mes nouvelles aventures. J'achète trois machines, et je les paye cash, pas question que je m'endette avant de savoir à quelle sauce le divorce va me manger.

Quelques jours plus tard, le jugement de divorce est rendu. Il stipule bien sûr que je devrai vider les lieux du domicile marital dans les trois mois qui suivront la notification. J'ai fini de manger mon pain blanc. Dans cette charmante petite ville de haut standing, ce ne sont pas les locations que l'on trouve sous le pas d'un cheval, et Estac s'impatiente, assez mal à l'aise à l'idée que je serai passive-agressive au point qu'il aura à nous véritablement mettre à la rue. Je n'ai nulle intention de le griller à ce point-là, je déménagerai avec dix jours de retard certes, mais j'ai vidé les lieux, il peut vendre sa propriété et en tirer les bénéfices qu'il escompte et sur lesquels je ne toucherai pas un centime.

Ce qui ne l'empêche pas de pousser des hauts cris quand il apprend de ma bouche que j'ai créé ma petite entreprise, comme si j'utilisais l'argent que je lui aurais extorqué selon lui à des élucubrations hasardeuses. Il va lui en falloir des mois et des années pour cesser de croire qu'il a haute main sur toutes mes décisions, et il va m'en falloir encore quelques semaines d'exercice à ne pas monter au créneau quand il manie l'humiliation verbale et ne surtout pas réagir.

Il finit par se rendre aux Etats-Unis au début de septembre, pas tant pour voir ses enfants que mettre en vente sa maison. Il en profite pour les voir, parce que cela se saurait trop facilement dans le village s'il y avait coupé, mais ne daigne quand même pas aller jusqu'à vraiment s'en occuper plus qu'une demie-journée, et encore, avortée parce qu'il a laissé Monsieur Ziti se précipiter dans le lac avec son vélo et qu'il me le ramène tout dégoulinant d'algues avant l'heure dite.

J'ai quelques mois pour me construire un historique bancaire et faire fructifier au mieux le petit bien qu'il me reste. C'est à ce prix que je peux envisager un avenir pour mes deux petits garçons qui n'ont jamais autant été épanouis que cette année dans la petite maison verte que nous louons. Nous revivons.