André et Claudette ont décidé d'arrêter les tentatives de procréation assistée et de partir au Vietnam. Ils reviendront avec Romain. Pendant ce temps, Estac s'est lancé à corps perdu dans son grand oeuvre. Il s'enferme pendant des heures et des heures et moi, je tremble. Je l'entends parfois piquer de telles crises que j'ai l'impression qu'il va briser son archet.

Un jour, nous sommes dans la chambre, et il attrape la petite lampe japonaise au pied du lit qu'il balance à travers la fenêtre. Elle atterrit trois étages plus bas dans la cour. Je la récupère, persuadée que tout l'immeuble a entendu le fracas, mais apparemment il n'en est rien.

Philippe et sa femme attendent un bébé. Je décide d'arrêter la pilule. Estac n'est pas d'accord. Il m'impose alors l'abstinence, rompant le contrat qu'il avait accepté six ans plus tôt en me laissant la responsabilité de la contraception, à moi seule la corvée, que j'avais acceptée en disant que cela signifiait qu'il me confiait aussi la décision de la conception. C'était sans compter sur son désintérêt évident pour le devoir conjugal.

Plus Estac m'ignore et m'isole, plus je m'accroche à l'idée que je ne suis capable que de pas grand-chose. Mes missions professionnelles me semblent de plus en plus difficiles à accomplir, j'accepte de plus en plus des boulots qui n'ont rien à voir avec mon projet professionnel, et je délaisse ce pour quoi j'ai tellement mis d'énergie pendant des années, tout en rationnalisant tant et plus. Je ne sais pas où sont mes amis, l'univers de ma belle-famille m'apparaît comme totalement psychotique et Sidonie a un cancer mais personne ne le lui a dit.

Je me sens horriblement séparée de l'homme que j'aime.

La seule qui me reste fidèle quoi qu'il advienne, c'est l'amitié de mon petit oiseau blessé de Montreuil.