Je me coupe les cheveux pour la première fois depuis une éternité. De changer de tête va peut-être me redonner la pêche, celle de mieux me sentir dans ma peau, d'avoir un peu plus confiance en moi, de me recentrer et ne plus avoir l'impression de me voir de l'extérieur et de très loin, comme quand je suis sur les quais de Saint-Nazaire ou à bord d'un cargo à discuter avec le capitaine et les agents maritimes, joyeusement défoncée sans que personne s'en aperçoive. Fumer est ma petite débauche à moi toute seule, je me fais des films s'en m'en rendre compte, et je ne vois que du rose là où tout semble si glauque.

Je rencontre Michel un soir au centre communautaire où m'ont invitée les responsables de l'UCJFP. C'est mon troisième Michel, et c'est un coup de foudre immédiat. (Est-ce parce que c'est le premier qui est juif, qui n'est pas homo comme mon premier, et qui ne se noie pas dans l'alcool comme mon second - qui n'a pas même pas trouvé sa petite place dans ces cailloux peut-être parce que je n'en ai jamais été amoureuse ?).[1]

Notre liaison dure si peu, et je ne sais même plus pourquoi il a souhaité y mettre un terme, alors que nous ne cesserons jamais, jusqu'à ce jour, d'être des amis et de nous fréquenter assidûment. C'est cette année qu'il créé un groupe d'études, qui marquera durablement mon retour aux sources d'un judaïsme religieux pour moi. Sur les cinq haverim du départ, deux ont définitivement fait leur alyah, et tous sommes toujours en contact épisodique, même dispersés sur trois continents différents.

Notes

[1] Et devrais-je dire pour la compréhension du futur que je n'ai pas non plus choisi pour 1984 de narrer la première rencontre de troisième type avec celui qui deviendra mon mari alors que c'est Michel que j'aurais probablement voulu véritablement épouser, comme je vois les choses aujourd'hui ?