Je suis bien contente de n'avoir jamais été tentée de m'arrêter. J'ai certes ralenti souvent le rythme, plus au gré de ce qui se passait en dehors de la rivière du projet qu'à cause du contenu de la barque, ou du périple entrepris. En fait, quand j'écris un caillou, j'en écris souvent plus qu'un dans la foulée, parfois trois, parfois quatre, à la suite, et je les publie plus ou moins au compte-goutte, souvent en me disant que j'y reviendrai peut-être et toujours sans l'avoir fait.

C'est à dire que finalement, ce qui est publié est toujours un premier jet. Et ce n'est qu'une fois en ligne, que m'apparaissent mille et une imperfections insupportables, comment ai-je pu choisir telle formule, ou pire encore pourquoi ai-je fait passer ceci et laissé cet autre cela complètement dans l'ombre, me reviennent en mémoire des personnages et des événements, comme si d'appeler une année ou un âge, n'était absolument pas suffisant pour qu'ils resurgissent et comme si seulement la publication et la lecture que je suppose des autres redonnait vie à tous ceux-là qui ne se sont pas précipités sous mes doigts sur le clavier...

Alors, je ne cherche pas à comprendre pourquoi ils se sont dérobés, et s'ils auraient fait un meilleur ricochet, suscité plus de plaisir ou d'émotion à lire, entraîné une image plus claire de cette histoire qui n'en est pas une ; je me laisse seulement bercer par les souvenirs qui ne se sont pas matérialisés en mots ni en notes, et je concocte mentalement de nouvelles pages qui auraient été bien mieux, bien plus policées, adaptées à l'exercice et satisfaisantes à mes propres yeux. Qui ne voient jamais le jour. Parce que je me dis que je dois aller de l'avant, passer à l'année suivante. Je ne peux pas plus revenir sur le passé, que je peux revenir sur mon choix et ma publication (même si ce n'est pas vrai, mais seulement la règle que je me suis fixée, et je lui trouve du bon). Et puis, quand même dans un coin de ma caboche, je me garde en réserve la possibilité que ce caillou mis en poche fasse un jour un ricochet sur mon blogue.

Pourtant, j'ai aussi cessé assez vite de publier en doublon chaque billet sur mon blogue. J'ai vite été gênée à l'idée que mes frères ou mes parents allaient avoir une porte d'entrée directe sur ce qu'ils ont, dans mon souvenir, si peu partagé avec moi quand ils en avaient la possibilité. Que tout se trouve un peu en retrait sur Les Ricochets des Blogueurs me convient mieux. Et puis, je me sens en compagnie. J'ai la sensation furtive d'être dans un canot, peut-être même un kayak, avec une pagaie, et qu'il y a tous ces autres kayakeurs, parfois je les aperçois, parfois ils sont cachés par les rochers, mais je sais qu'ils sont là. Parfois, nous nous retrouvons à plusieurs sur des pans d'eau plus calme, on se fait même des petites causettes en souriant. Il y a même des moments, où je me précipite sur la rive, pour sauter vers quelqu'un d'autre, parfois, je vois que c'est un autre pagayeur qui est arrivé avant, et tout va bien.

J'ai bien remarqué qu'il y avait certains kayaks qui avaient été mis à sec. Quelques caillouteurs sont assis à côté, je me dis toujours qu'ils remettront à flot. D'autres sont partis, il restera toujours leurs cailloux, petites pierres blanches ou lisses, grises ou biseautées, c'est bien beau cette descente, en tous cas les paysages sont somptueux. Je voudrais vraiment bien que personne n'ait d'accident et se noie surtout.