Jean-Marie est venu m'aider à poser les tentures de mon nouvel appartement. C'est ironique de penser que c'est le petit ami de l'ancienne co-locataire de mon ex co-locataire, de là à penser que quelque chose de pénible vous arrive dans la vie toujours pour le meilleur, il n'y aurait eu qu'un seul pas, que je n'ai pas franchi à l'époque, car je ne pensais pas encore comme ça, et le positif n'avait décidément pas fait son entrée dans ma vie.

Jean-Marie me demande de l'aider à publier le texte de sa prochaine pièce de théâtre, ce que je fais avec plaisir, comme je le ferai pour les suivantes. Mais c'est seulement de celle-là, La Chasse au Snark, que j'ai conservé les traces. Tout comme Denis, sans aucun doute, puisque c'est pendant l'une des répétitions qu'il va chuter lourdement se fracturant l'une des cervicales, ce qui va le laisser tétraplégique, mais ne l'empêchera ni d'épouser la comédienne de la pièce, et d'en avoir un enfant quelques années plus tard, ni de continuer sa vie, sans plus bouger certes, mais avec brio.

Là aussi, des leçons de courage et de positif à côté desquelles je suis passée, comme une ombre, simple spectatrice, effrayée, timorée, angoissée.

Je peinturlure le long couloir de l'appartement, dans un étrange "dégradé" de couleurs qui n'ont de sens que pour moi, du violet au jaune poussin, les murs sont blancs, mais les tours de fenêtres et les plinthes sont tous marqués d'une certaine couleur, chacune me plaît, rouge dans le salon, rose thyrien dans la salle de bain, j'essaye d'éclairer sans véritable talent artistique ce qui bouillonne à l'intérieur de moi, et je pare de plumes chatoyantes un univers très glauque. Je cours après un impossible snark et je suis désespérément seule.