Je suis né Johann Julien Grimm le 24 avril de l'an de grâce 1986, à 11h50, à la Clinique Michel Bizot, à Paris, douzième arrondissement. Ma maman, la fée Viviane, a gardé un fort bon souvenir de l'évènement, expédié en deux heures. Une lettre à la poste. J'étais gros, parfaitement formé, plein de cheveux sur le crâne, et légèrement en retard. J'étais bien, dedans.

Mon père, géomètre, n'eut qu'un mot simple quand il me prit dans ses bras ; il regarda ma génitrice et lui dit : "merci".

Deux jours plus tard, le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl explose et répand un énorme nuage de particules radioactives sur l'Europe. Je m'en fous, je téte.

Mes grands-parents maternels montent de Bourgogne me voir - ma grand-mère paternelle prend la ligne 6 et vient me voir (elle habite le quinzième). Je suis le premier mâle de la génération. Enfin, pas tout à fait, j'ai déjà deux cousins maternels, mais ils ont quinze ans de plus, ça ne compte pas. Je suis le dernier Grimm mâle. Tous les espoirs reposent sur moi.

Ma mère me promène le long du Lac Daumesnil en poussette. Nous habitons Square Louis Gentil, entre la porte de Charenton et la porte Dorée. J'absorbe odeurs, sons et couleurs. Je téte encore. Il fait chaud, puis froid. L'été passe, puis l'automne et l'hiver.