Cela fait un an que je vois ma soeur s'épanouir en pension. Elle a tellement changé. Elle a des amis, elle qui en avait si peu. Elle part en week-end chez eux. Elle apprécie la vie en communauté. Elle s'ouvre aux autres et au fil des mois, j'ai pris de moins en moins de place dans sa vie. C'est à mon tour. Je peux choisir. Aller au lycée à 10km de chez moi, demi-pensionnaire ou bien aller au même lycée que ma soeur, à 40 km de chez moi, pensionnaire. Je ne veux pas de cette vie en communauté. D'instinct je sais que cela ne me conviendra pas. Mais, je choisis pourtant cette option là. Je crois que c'est la première décision de ma vie (1ère d'une longue liste) qui est dictée par ma phobie sociale naissante. Je vais là-bas parce que ma béquille, ma soeur y est. Pourtant cette année sans elle s'est plutôt bien passée. Mais je suis dans mon milieu "naturel". Hors là je dois quitter ma bulle pour partir ailleurs. Je me rapproche donc d'elle, de ma soeur, puisqu'elle est là, elle sera là, elle a toujours été là, et tout se passera bien. Mais ça ne se passe pas du tout comme je le pensais. Ma soeur m'enlève toute illusion d'entrée: - " Au lycée, je ne veux pas que tu ais les mêmes copains que moi. Je préfère que tu te tiennes éloignés d'eux, surtout des garçons. Et puis c'est chacun pour soi OK ?" - OK. Je ne comprends pas. Ca me fait mal. Elle aussi m'abandonne? Elle a honte de moi? Elle m'oublie? Nous en reparlerons 20 ans plus tard. Elle me dira alors qu'elle a été dure avec moi, injuste sûrement, mais qu'elle avait besoin de couper notre lien, trop fort. Elle m'a expliquée que toutes les années précédentes, elle s'était investie d'une mission: remplacer mes parents, auprès de moi. Me donner la tendresse, l'amour, que notre mère ne savait pas exprimer. M'apporter le soutien, la protection, la reconnaissance que notre père était incapable de donner, encore moins de penser. Jusqu'à m'en étouffer parfois, jusqu'à m'empêcher de m'épanouir par moi même. Mais pour celle qui n'avait qu'un an de plus que moi, c'était trop lourd à porter. Elle ne voulait plus de ce fardeau là. Et puis elle refusait que je m'approche d'elle par jalousie, pensant que ses copains, avec qui elle avait noué une amitié bien réelle et qui ne s'est jamais démenti jusqu'à aujourd'hui, pourrait se rapprocher de moi, pour d'autres raisons. C'est que moi, j'avais beaucoup de difficultés à entretenir des amitiés sincères, et les garçons avait toujours une idée bien particulière de la relation qu'ils voulaient avec moi. Il faut dire que depuis la fin de ma 1ère histoire de flirt, je testais mon pouvoir de séduction . Je plaisais et ça me plaisait. Cela ne me demandait pas d'investissement autre que le flirt. Ca tombait bien, je ne savais pas donner autre chose qu'un simple flirt. Je n'arrivais pas à entretenir de vrais relations d'amitié, et ma seule amie, qui me suivait depuis la 6ème, m'avait laissée tomber au profit d'une autre. Savez -vous comme un chagrin d'amitié peut être douloureux? C'est une blessure aussi difficile à guérir qu'un chagrin d'amour. Je mettrais d'ailleurs des années à m'en remettre, et je n'aurai plus jamais d'amie véritable. Cette rentée en pension se fait donc dans la solitude et l'angoisse.