J'ai décidé de me remettre aux Petits Cailloux et Ricochets... Entreprise étrange qui remue plus qu'on ne l'aurait cru !
Les derniers jours de vacances s'écoulent paisiblement, j'ai acheté un nouveau cartable et un joli cahier relié à couverture noire dans lequel je copierai les noms de mes élèves, rangés par classes, comme toujours, en associant au fil des jours des séries de chiffres correspondant aux notes que je leur mettrai.

De toutes mes rentrées, la seule dont je me souvienne vraiment est mon entrée en sixième. Toutes les autres se mélangent en mosaïque aux couleurs un peu fanées.

L'année en sixième marque mon entrée dans la vraie vie, une sortie radicale de l'enfance.
J'ai onze ans et demi, en ce mois de septembre 1972, c'est l'automne des premières fois.
Pour la première fois je vais à l'école en vélo, un beau mini-vélo blanc qui me rend autonome. Plus besoin de Papy pour faire le chemin avec moi, je file le nez au vent à travers les rues de mon village, suivant Ludivine qui caracole sur son vélo orange.
Première entorse au code de la route, j'emprunte un sens interdit pour faire plus court, et je l'emprunterai au long de ces quatre ans de collège, ce qui me vaudra plus tard une belle engueulade du garde-champêtre, qui a repéré mon manège. Je n'en ai cure, je le prends pour un vieux chnoque vaguement ridicule dans son uniforme.
Première originalité vestimentaire, je ne porte plus le tablier bleu marine en vigueur à l'école primaire, mais une jolie blouse à carreaux taille empire (qui serait fort prisée en cette vintage rentrée 2007).
Mais ce qui frappe mon imagination, c'est qu'en cette rentrée 1972, j'ai mes règles pour la première fois. Je suis une jeune fille, beaucoup plus grande que mes camarades (en fait, je mesure ma taille actuelle, les autres me rattraperont et me dépasseront bien vite !) et je tiens serrées dans une pochette mes premières serviettes hygiéniques, passeport pour ma nouvelle vie, signe de ralliement de celles qui les ont par opposition à celles qui les attendent, voire à celles qui n'y pensent même pas.
Justement, ma féminité nouvelle va trouver à s'exercer : pour la première fois, je vais être en classe avec des garçons, une classe mixte, j'en rêve après une école primaire où les filles et les garçons étaient séparés dans deux écoles aux deux bouts du village.
Adieu les maîtresses, voici venue l'ère des professeurs, autrement modernes, jeunes et ouverts sur le monde qui change, en ces années barbues où Mademoiselle Cadilhac porte de jolies tuniques indiennes vaporeuses, où Monsieur Merlan roule en Ami 8...

Mon collège lui-même est flambant neuf et respire la modernité : un rectangle de béton percé de fenêtres en aluminium. Les cours sont vastes, les arbustes chétifs ne nous prodigueront aucune ombre mais qu'importe, c'est là que va commencer ma vie à moi, ouverture sur le monde, nouvelles copines, nouveaux apprentissages, légèreté et bêtise de l'adolescence commençante.
Mes années de collège restent les meilleurs souvenirs de ma scolarité, c'est peut-être pour cela que j'aime tant, maintenant, être prof de collège.