Je n'avais jamais travaillé le mercredi après-midi.

Depuis la sixième j'avais cours le mercredi matin. Mais cette année-là, il y avait aussi une heure de physique juste après déjeûner, et juste avant les colles. Dans la salle en gradins, à l'heure de la torpeur post-prandiale, mes yeux se fermaient toujours et les notes sur ma feuille se mettaient à danser. De ma scolarité entière, ce sont ces cours-là où la lutte contre le sommeil a été la plus âpre.

Il y a eu le printemps, et dans la cour du cloître entre midi, nous jouions au tarot, caressés de soleil, adossés à une colonne, en fantasmant sur les hypokhâgnes à qui on n'osait pas adresser la parole. Ou sur cette fille débordante d'énergie en collant violet fluo dont je ne savais rien. Il était encore trop tôt.

À l'été j'ai accompagné Thierry à Potsdam. Les parents de sa chérie d'alors nous accueillaient pour une dizaine de jours. C'est là que j'ai découvert la propriété redoutable de certains verres de riesling qui, si l'on n'y prend garde, se remplissent au fur et à mesure qu'on les vide, au point qu'en fin de soirée on se souvient vaguement d'avoir rampé jusqu'à sa couette, et que le lendemain matin on a fort heureusement oublié l'essentiel de ce qu'on a raconté à voix haute la nuit pendant ses rêves.

En septembre nous n'étions plus dans la même classe. Mais il était maintenant en cours avec Celle dont j'ignorais le nom.

Elle s'appelait Muriel. Ce premier jour-là, elle m'a longuement parlé de sa passion pour l'enseignement. On n'a pas vu le temps passer, et puis il a fallu rentrer chacun chez soi. Elle m'a dit « À demain » et j'ai été heureux.