Trois mois se sont écoulés depuis mon dernier texte ici. Je ne sais pas si c'est la vie qui m'a porté vers d'autres préoccupations ou si j'ai eu besoin de laisser décanter ce que j'avais exposé. Je crois qu'il y a eu un besoin de reprendre mon souffle...

Cette année fut celle de la naissance de ma dernière petite soeur. Quatre enfants nés en cinq ans, la méthode Ogino faisait des miracles en matière de contraception ! Très rapidement ma mère se mettra à la pilule, qui fera son apparition un an plus tard.

Je me souviens des suggestions pour le prénom de ce futur petit, dont personne ne connaissait le sexe, faute d'avoir inventé l'échographie. Nos parents nous demandaient notre avis, scrutant nos réactions. Si ça avait été un garçon ç'aurait été Bruno. Ce sera une fille, qui portera le nom d'une ville italienne. Je revois ce bébé que ma mère nous montrait depuis la fenêtre de la clinique et que mes yeux d'enfant ont cru voir agité dans le vide. J'ai eu peur qu'elle ne tombe...

Je revois son berceau. Très flous me reviennent les fragments cotonneux d'une mémoire oubliée. Presque rien. Je crois que j'étais bien plus intéressé par les jeux avec mon frère. Jeux de Lego ou de petites voitures sur les damiers en linoléum de notre chambre. Les bandes blanches étaient les routes, les carrés bleus des piscines, ou des lacs. Je retrouve la sensation de la surface froide et lisse sous mon ventre nu qui dépoussiérait le sol.

Le soir nous descendions en pyjama dans l'escalier de l'immeuble pour aller regarder la télé chez notre grand-père. Ce devait être "Bonne nuit les petits" , Pimprenelle et Nicolas endormis par le marchand de sable sur son nuage survolant une ville illuminée. J'entends encore la musique et la voix de Nounours.

Je crois que c'est à cet âge là que je suis tombé amoureux pour la première fois. Elle s'apellait Agnès. Mes émois étaient fort chastes et je me contentais du plaisir de jouer avec elle de temps en temps dans la cour de l'école.

Des films super 8 me permettent de raccorder mes souvenirs à ce support visuel. Vacances au bord de la Méditerranée, sur une plage aux vagues muettes. Repas de famille aux rires inaudibles.

C'est probablement cette année-là que j'ai été envoyé en colonie pendant une semaine, avec mon petit frère. Je garde le souvenir d'un dépaysement total et d'une inquiétude dans un environnement qui ne nous était pas familier. Je ressens encore mon malaise devant des comportements de vie en groupe que je ne connaissais pas. Je n'aimais pas. Des moments d'ennui. Quelques promenades dans un paysage inconnu. J'avais l'impression que nous étions très loin de chez nous, ne comprenant que bien des années plus tard que ce n'était qu'à une dizaine de kilomètres. Nous en sommes revenus tous les deux avec la varicelle.