Fin 1998 ou début 1999, je ne sais plus, je rencontre de plein fouet l’homosexualité (sans mauvais jeu de mots). Il faut que je raconte ici la croquante anecdote qui m’a valu une réputation équivoque quatre ans plus tard.

Je suis arrivé depuis quelques semaines à Bordeaux, à tout juste 17 ans. Je viens de quitter le giron familial, j’ai mon petit appart’ rien qu’à moi, au cœur de la grande ville. J’ai décidé en arrivant ici que j’allais en profiter un maximum pour m’ouvrir, moi le timide renfermé, pour me faire de nouveaux amis, pour faire de nouvelles expériences… Je suis peut-être allé un peu vite en besogne…

Dimanche soir, je rentre de chez mes parents et de la gare Saint-Jean avec mon gros sac. J’attends le bus place de la Victoire, le centre névralgique de Bordeaux. Soudain une petite échauffourée éclate parmi une bande de jeunes qui trainait par là. Rien de bien méchant, A côté de moi un type ne peut s’empêcher de faire je ne sais plus quelle remarque tout haut, bien fort. J’ai dû acquiescer d’un hochement de tête. Il n'en fallait pas plus pour que le type en question commence à engager la conversation. Sympa, mais voilà mon bus, allez au revoir. Mais attends, je prends le même bus! Ah bon, ben alors on peut continuer à discuter dans le bus.

Eric, il s’appelle. Il a une trentaine d’années, jeune d’esprit et dynamique. Et avant que je descende du bus, coupant court à une discussion pourtant bien engagée, le voilà qui me dit: « Zut j’aime pas arrêter une conversation en plein milieu comme ça… tiens si tu veux je te file mon téléphone, tu n’as qu’à m’appeler un peu plus tard, on va se prendre un café. » En fait c’est lui qui m’appellera le premier, à peine une demi-heure plus tard (oui je sais, je lui ai donné mon numéro alors que je le connaissais depuis 10 minutes, mais n’oubliez pas que je suis dans mon trip « je-suis-ouvert-je-rencontre-des-gens »). « Je pensais: pourquoi tu viendrais pas manger chez moi plutôt? » Trop heureux d’éviter de me préparer une délicieuse platée de nouilles-jambon, ni une ni deux j’accepte.

Une demi-heure plus tard je débarque dans l’appartement très cosy d’Eric. Un chat angora se frotte contre mes jambes. Rapide coup d’œil: Eric vit tout seul. Célibataire soigneux. L’endroit est plutôt coquet et propret, des chemises sèchent bien étendues sur le rebord de la mezzanine. Apéritif, blablabla, et on passe à table. C’était sans doute bon, aucun souvenir. Par contre je me rappelle être allé aux toilettes, et avoir remarqué les nombreuses revues sur comment élever un enfant, des revues de jeunes parents. Pourtant il a bien l’air célibataire… Bizarre…

Après le dîner, on continue à papoter sur le canapé. Et puis soudain, Eric me dit: « Tu as l’air tendu… » Et moi, un peu surpris, je bredouille quelque chose comme: « Ben euh oui, c’est possible, je suis plutôt timide de nature, c’est pour ça. » Et lui de me dire qu’il a été kiné et de me proposer un petit massage pour me détendre. Bon, pourquoi pas?

Et c’est ainsi que je me retrouve, vers 23 heures un dimanche soir, à plat ventre sur le canapé d’un type que je connais depuis à peine 4 heures, dos nu, en train de me faire faire un massage. Mais j’ai 17 ans, je suis naïf. Et quand il me propose de me retourner pour continuer le massage sur le torse, le vin du repas aidant, je ne bronche pas et me dis que c’est la suite normale du massage. En plus, il masse vraiment bien, alors je me laisse aller les yeux mi-clos. Et puis, malgré la fatigue et l’alcool, je me rends compte qu’il se concentre peu à peu sur mon abdomen, puis que ses mains descendent peu à peu. « Tu devrais enlever ta ceinture, ton jean a l’air bien serré, ça te détendrait un peu plus ». Et moi d’accuiescer sans réfléchir… Vous devinez la suite, il a pas tardé à descendre encore un peu. Quand il arrive aux poils, je commence à me demander si c’est normal pour un massage. Mais bon, je suis dans mon trip je-suis-ouvert-je-fais-de-nouvelles-expériences, alors je laisse faire.

Je suis un peu bourré et endormi, mais je me rends quand même compte assez vite qu’il s’est mis à me masturber. Et là… ben rien. Je crois bien que je laisse faire une ou deux minutes, et je finis par me relever sur les coudes: « Je suis désolé, mais là ça me fait rien. » C’est pourtant un très bon masseur. Mais à cet endroit-là, il faut plus qu’un massage pour faire de l’effet.

Je mets fin au massage, me rhabille tranquillement, continue à discuter comme si de rien n’était, et m’en vais une heure plus tard. Sans vraiment avoir bien compris ce qui vient de se passer.

Eric me rappelle le lendemain. Je ne suis pas disponible pour sortir. Il remet ça un peu plus tard dans la semaine. « Non là je peux pas, je suis avec une copine ». En réalité, j’étais avec ma copine. Il ne m’a plus jamais rappelé.

Je suis repassé plusieurs fois devant chez lui. Parfois j’ai pensé sonner. Il était sympa après tout. Et moi, avec ma naïveté, je refusais de penser qu’il avait tenté de coucher avec moi, et même qu’il puisse être homo. Toutes ces revues sur l’éducation des enfants dans les toilettes, je me disais, il peut pas être… Je me demande encore aujourd’hui ce qu’il a pensé…

Suite à cette (més)aventure, il m’arrivera souvent d’attirer les hommes (dont un immigré-homo-catholique pratiquant et astrologue, détonant mélange!). Mais pourtant j’ai rien demandé moi! J'ai beau être ouvert, c'est pas mon truc. Heureusement, je n'attire pas que les hommes...