Je n'ai pas eu mon concours pour entrer en arts plastiques, je choisis des matières sujettes à équivalence et m'inscris en histoire de l'art.
Je n'ai pas grands souvenirs de cette période je ne pourrais dire ni heureuse ni malheureuse. mon appart est en fond de cour mes fenêtres donnent sur celle ci et le restau chinois l'utilise de temps en temps pour décapiter ses poulets. c'est un peu glauque quand même.
Tout est confus dans ma vie, un de mes amis de rigolade me fait une déclaration d'amour qui m'embarrasse, le garçon dont je suis amoureuse n'a que quelques miettes de son temps à me donner et je traine la plupart du temps chez un ami qui deviendra mon amant-réconfort pour un temps.
Un jour j'en ai marre je me sens fatiguée, je convoque mon amour pour lui rendre ses lettres, je suis passionnée idéaliste tout de même donc théâtrale puis j'avale tous les médicaments que j'ai patiemment récoltés au cours des mois passés, faisant passer le tout avec du muscat me semble t il.
On est au mois de février, malheureusement je me réveille et ma première pensée est de faire ce que je fais toujours rejoindre cet ami-amant, je sors.
Une petite dame sur mon chemin décide de me porter secours, elle m'aborde veut m'offrir un café mais le patron du bistrot ne veut "pas de ça chez moi" alors elle me raccompagne jusque devant ma porte me faisant jurer de ne pas ressortir avant d'aller mieux.
Comment puis je aller mieux dans cet univers confiné où je vis.
J'ai besoin de réconfort, je me suis ratée tout de même.
Je prends un parapluie pour guider mes pas peu assurés et je ressors. Mon ami-amant m'accueille sans poser de question m'emmène avec lui jouer au ping-pong mais je dois avoir une tête de déterrée, le propriétaire lui demande de me convaincre d'aller à l'hôpital, l'ambulance arrive et m'emmène vers un lavage d'estomac.
Sur ma demande on m'emmène mon appareil photo et des crayons de couleurs.
Le plus dur reste la discussion avec le psy qui décrète que je ne peux sortir de là sans que mes parents ne viennent me chercher. Je refuse je suis majeure, j'ai l'impression d'être prisonnière chez des fous, je parle de l'équipe médicale qui veut me retenir contre mon gré, je ne veux pas céder, ça ne les regarde pas, et soudain dans le couloir apparaissent mon père et ma soeur.
Mon père a fracturé mon appartement appelé les numéros de mon carnet d'adresse et fini par tomber sur le pote qui savait où j'étais.
ils me ramènent à la maison rien ne se dit, mon père voudrait que l'on se parle par cassette interposée, l'idée saugrenue ne fera pas long feu. mais elle montre bien le degré de communication qui règne dans ma famille.
Personne n'a jamais parlé de ce geste avec moi.
Je n'en parle d'ailleurs jamais peut être parce que c'est un échec.
Adolescente j'ai toujours pensé que le jour où je serais le plus heureuse je me suiciderais, pour ne pas avoir à redescendre, à souffrir, à regretter un temps passé. Je ne savais pas alors, que l'on ne peut jamais évaluer le point culminant du bonheur, et que l'on ne s'en rend de toute façon compte que lorsqu'il est passé. Mon projet était donc voué à l'échec, par essence.
Lorsque je suis passée à l'acte, je me rendais compte que ce n'était pas les conditions idéales dont j'avais rêvé mais je me suis dit tant pis, par ici la porte de sortie.
J'avoue que je considère toujours la mort comme une sortie de secours cela me soulage parfois de me dire que j'ai le choix.
8 réactions
1 De andrem - 02/05/2007, 17:01
Bonsoir Sical.
Vous me permettez, n'est-ce-pas, d'empiéter. J'empiète.
J'ai déjà écrit sur le suicide, ici et là, très las surtout. Je n'ai plus de mots désormais. Les survivants du suicide des autres n'ont plus de mots.
Pensez-y.
2 De samantdi - 02/05/2007, 17:17
Ce qui frappe, quand même, c'est l'indifférence des autres, comme si ce n'était rien, pas grand-chose... Je comprends l'équipe médicale qui, en disant qu'elle veut hospitaliser la personne, pose le diagnostic qu'elle va mal, que l'on ne peut pas faire comme si tout allait bien... Mais non, "elle"/"tu" sors, livrée à la même situation, dans le silence.
Je trouve cela glaçant et en contraste total avec ce qui apparaît à travers ces ricochets de ta personnalité bouillonnante, active, brassant tant de gens, de choses, créative, tellement tellement vivante !
3 De sicaliptic - 02/05/2007, 17:25
andrem : c'est peut être pour qu'il n'y ait plus de mots (maux) qu'on passe aux actes.
Je m'interrogeais juste sur ce moment de ma vie où cet acte n'a rien changé, j'ai continué c'est tout, et c'est étrange.
Mais parfois de penser à la mort peut être positif, en tout cas moi ça me calme, quand je suis en voiture morte de trouille, je me dis, "bon si c'est pour aujourd'hui, d'accord ce n'est pas grave" et après j'arrête d'être malade. cela ne vous le fait pas?
4 De sicaliptic - 02/05/2007, 17:41
il a comme moi pu éviter la discussion, il était là, le problème était résolu : je ne sortais pas seule et le médecin a oublié de créer les conditions d'un dialogue, il a du être pris au dépourvu.
Après ça il faut bien dire que la vie est plus supportable quand on a quelques raisons d'être fière de soi et qu'on a des amis pour partager le quotidien. Alors j'aurais été bien bête de ne pas profiter des "à cotés" que m'offrait ce chemin toujours ouvert devant moi. Cela me touche que tu puisses me trouver "tellement vivante" j'oublie parfois...
5 De cassymary - 02/05/2007, 20:22
Je me retouve dans tes mots. J'ai vecu ça aussi.
Je comprends tes maux.
6 De Albertine/P - 02/05/2007, 20:40
Il arrive même qu'on vive un grand bonheur et qu'on se dise: "purée, si j'avais réussi mon suicide, j'aurais raté ça." Je te souhaite simplement d'arriver à une période et un état où les "fantasmes" (et idées) suicidaires passent tout à fait à l'arrière-plan... Et c'est possible :-) Heureusement.
7 De sicaliptic - 03/05/2007, 10:17
cassymary : peut être ferons nous ricochet, peut être pas, ce n'est pas toujours le souvenir le plus fort que l'on a envie de dévoiler....
Albertine : Et bien bizarrement je ne vis pas avec ce souvenir, jamais je n'ai imaginé et si... quand me vient un bonheur je le savoure pour lui même, de même pour les peines. Ce petit caillou a 20 ans maintenant et bien rare ont été les moments où il a fait des vagues.
8 De Otir - 09/05/2007, 03:39
La même année je séjournai longuement en hôpital psychiatrique moi aussi. Je ne suis pas prête de publier ce ricochet pourtant. J'admire la force que tu as pu mettre dans tes mots pour ce récit, tout en étant glacée par la distance qu'ils imposent.
Une distance qui n'est pour moi pas dans les années qui se sont écoulées cependant.
Et depuis un mois, je suis coincée par un tas de sédiments, là où je jette mes cailloux, arrêtée bien plus en aval de cette année 87 qui a fait un torrent ou brisé une digue, et je n'ai pas cette force retrouvée.