Titre initial : 1984 (10) : de l'école au collège

Je suis en haut d'un lit superposé. Le soleil entre par la fenêtre. Il fait bon dans la pièce. Je suis seule, par choix. Ajourd'hui je n'avais pas envie de suivre mes camarades de classe sur les pistes de ski, j'ai préféré me morfondre toute la journée au lit. Pas d'envie aujourd'hui, pas d'élan. Juste envie de changer de journée sans remplir celle-là. J'ai souhaité rester sur mon lit superposé.
Mon instituteur s'inquiète.
Ça m'amuse un peu, que croit-il qu'il peut m'arriver, là perchée ?
Et de toute façon, je ne sais pas dire où je suis triste.
Il y a bien ce garçon, amoureux d'une autre, dont je suis vaguement éprise. Mes sentiments sont avoués, ils ont été entendus et accueillis avec beaucoup de douceur. Nous sommes tous trois, entre autres, dans la même classe. S'y trouvent aussi ma meilleure amie, avec qui je partage aussi mon prénom, et cette autre née quelques heures après moi, à l'autre bout de la France. L'amitié est douce, la cour de récré un hâvre où nous pouvons, en tant que plus grands, voler au secours des petits malmenés. Je me souviens du partage des goûters, des jeux de bille, d'une discussion sur la vie après la vie en déambulant sur la pelouse.

Je changerai d'école à la fin de l'année. Le beau-père est bourgeois, notre standing change, le collège polyvalent n'est pas assez bien pour nous, semble-t-il. On m'a savamment dressé un tableau apocalyptique du "Poly". J'imagine un lieu informe, gris et sale, où les professeurs n'en sont pas, et où l'on n'apprend rien.
Je dis au revoir à mes amis. Sans douter une seconde de retrouver des êtres aussi lumineux que ceux-ci dans mon nouvel environnement. Sans un mot de contestation à l'égard de Maman et du beau-père.

*

En septembre, à 10km de là, dans le collège-lycée privée toulousain où je resterai 7 ans.
Je suis comme une provinciale qui débarque à la capitale. Tous les autres collégiens se connaissent. Ils portent tous des vêtements griffés. Parlent haut, bousculent fort. Je comprends rapidement que les codes sociaux ne sont pas les mêmes, ici.
Elle est bien loin, ma cour de récré et ses discussions vibrantes. Devant le spectacle de leurs retrouvailles, la solitude m'écrase le coeur.
J'aurai tout de même une amie dans cette classe, je rencontrerai le Petit Prince, et j'apprendrai d'une excellente professeur, les rudiments de la langue anglaise.