Un soir d'été chez Jeanne, dans le jardin de sa maison de campagne. Des bougies, un buffet joliment décoré, des gens que j'ai plaisir à retrouver, la soirée s'annonce joyeuse. Des convives passent de vieux 33 tours des années 80, que nous reprenons en choeur, l'ambiance est bon enfant. Maureen est excédée par cette musique qu'elle juge commerciale et déteste. Impatiente, elle commence par faire quelques réflexions, on lui répond, le ton monte. Quelqu'un éteint le son, l'ambiance devient électrique et c'est sous ce prétexte que commence une scène de ménage entre Niels et Maureen. Cette scène de ménage marque le début de la fin de notre amitié.
L'amitié reste un continent inexploré. Abreuvés d'histoires d'amour dès l'enfance, nous semblons croire que l'amitié, elle, va de soi, qu'elle s'écoule tranquillement au fil des années, dans la sérénité. Pourtant certaines de nos histoires d'amitié sont passionnelles et compliquées.
Mon histoire d'amitié avec Maureen était de celles-là. Maureen elle-même était passionnée, entière, passant de la joie la plus entière à un chagrin incompréhensible. Elle formait avec Niels un couple flamboyant, fatigant, sans concession. Je les aimais tous les deux et quand j'avais du mal avec ma propre vie, je me laissais glisser dans leur ombre, éternelle amie, pourvoyeuse de conseils et épongeuse de larmes. Leurs excès me reposaient des miens.
C'est lors de cette soirée chez Jeanne que pour la première fois Maureen m'a lassée. Une brèche s'ouvrait dans notre amitié : j'avais envie de m'amuser, de profiter de la douceur de ce soir d'été chez des hôtes charmants, j'en ai eu brusquement assez de l'atmosphère de drame qu'elle instaurait, une fois encore, la fois de trop.
Plusieurs années se sont écoulées avant que nous cessions de nous voir mais finalement, de l'année 1999, je retiens seulement ce moment là, cette sensation de froid intérieur et d'exaspération. D'un banal jeu de société était sortie à mon insu une lame de tarot, celle de l'ange noir de la rupture.
4 réactions
1 De Traou - 16/04/2007, 14:05
Oh oui, l'amitié - comme l'amour - peut s'achever pour un mot, un geste, une bouderie de trop. Comme je reconnais cette situation que tu décris, et comme on s'en souvient toujours de ce moment "de trop" que d'autres qui l'ont vécu en même temps pourront trouver anodin...
2 De andrem - 16/04/2007, 15:19
Un sujet que je n'ai jamais abordé, l'amitié. Joliment évoqué ici par Samantdi.
Il faudrait se pencher sur cette question fragile. Loin des poncifs, des usages et du prépensé, du prêt à penser.
De l'amour elle n'est ni l'avatar, ni la sous-catégorie, ni l'écran de fumée; l'amitié est un ordre à elle toute seule. Et bien long est le chemin qui en ferait le tour, si tant est qu'il y ait un tour à cet infiniment flou.
Après cette volée de bois content, une volée de bois vert: dis donc olà, Samantdi, depuis quand les vinyles des années 80 sont-ils vieux? Non mais ho, ce sont les derniers que j'ai acheté, puisque ensuite je n'ai eu que décédé, et d'ailleurs tous mes autres vinyles (1300 environ) sont d'avant et même pas vieux.
Crescendo & diminuendo in blue le vrai qui craque incunable et tout ça, même pas vieux, et ce n'est qu'un exemple.
Chauffe, Marcelle.
3 De luciole - 17/04/2007, 10:17
Oui, le moment de trop, le mot ment de trop, le maux ment de trop ...
j'ai lassé des amies moi aussi, pas pour les même raisons, mais parce que ma franchise brutale devient parfois de l'inattention à la fragilité de l'autre. Après avoir essayé de me corriger, blessée que j'étais de ces abandons, sans succès, j'ai fini par admettre que certaine fragilité ne devait pas m'approcher et maintenant je mets en garde ...
Une amie un jour m'a dit : " Tu ne crois pas que tu sur-estimes tes amies?" Je lui ai demandé : " Est ce que tu ne sous estime pas les tiens?" ... Tu sais, ces histoires de vérités qui ne seraient pas bonnes à dire ...
4 De samantdi - 17/04/2007, 14:10
Il faut peut-être admettre aussi que les histoires d'amitié, comme les histoires d'amour (enfin, certaines, hein, pas toutes!) ont des durées de vie limitées. On change, on adopte tel ou tel rôle puis il ne nous convient plus.
Si j'ai joué les confidentes complaisantes et les consolatrices, c'est que ça me convenait, il serait injuste de faire retomber les torts sur "l'autre". Mais à moment donné, une situation figée devient paralysante si on ne peut ou sait la faire évoluer, ce qui a été mon cas. J'ai été incapable de dire : "là, tu me pompes l'air", en supposant que Maureen ne pourrait l'entendre. Peut-être que simplement aussi, j'ai manqué de courage !