Selon un principe que j'applique déjà à cette époque et qui me poursuit toujours, à la question : si je veux faire quelque chose et que je me retrouve seule, est-ce que je le fais quand même ou non? Je répond que "Oui, je le fais quand même.".
C'est comme ça que je me retrouve à me programmer des vacances sur la Côte d'Azur. Pas Saint Trop ou autres. Non. Je suis partie hors saison, début octobre (ce qui explique aussi pourquoi je me retrouve seule, je travaille tout l' été et reprend la fac mi octobre). Plutôt sur les chemins de Matisse, Picasso. Avec un arrêt à Cannes.
Je recherche des plans en auberge de jeunesse. Et c'est ainsi que j'attéris dans celle de Cannes qui sera mon pied à terre, durant les quelques jours au soleil. Jamais je n'oublierai les rencontres que j'ai pu y faire, une diversité de parcours nous avait tous amené là, en ce début d'octobre.
La région étant très chère niveau loyer, il y a deux étudiantes qui vivent à l'année dans une même chambre et qui sont donc dans un rythme plus routinier, scolaire. L'une d'elle veut devenir costumière, nous discutons beaucoup, j'apprends un peu sur ce métier.
Il y a un jeune homme et un plus vieux. On pourrait dire le père et le fils tant ils sont complices. Et pourtant non. Eux, ils sont hébergés là par des services sociaux. Le "père" est un homme souriant, qui règne sur la maisonnée (l'auberge est une villa), accueillant les "hôtes" un coup avec un pannettone, un verre de vin. Je me souviens de son sourire. Et de son regard, un peu assommé, quand il imaginait la suite.
Des canadiennes croisées lors de leur périple en Europe, qui elles mêmes s'étaient croisées en faisant les vendanges. Des discussions, des ballades, des verres bus, des projets racontés.
Et moi, dans ma petite vie si normale, moi qui vivais chez mes parents, qui allais reprendre la fac bientôt. Moi, qui n'assumais pas forcément d'être seule sur ce séjour. A la base, j'avais voulu rendre visite à une parente éloignée que ma famille venait de retrouver. Mais elle m'avait téléphoniquement fermé la porte au nez. Mon désir de la connaître était unilatéral. Une claque.
Je me suis organisée des visites de musées, de villes, des baignades dans la mer au milieu des retraités. Avec le recul, je me rends compte combien ces moments-là m'ont marqués.
Je n'avais pas parlé du "fils" arrivé là au terme d'un parcours compliqué. Nous avions le même âge et étions français, ce qui, dans ce contexte, nous amenait à une relation particulière. Très vite le courant est passé. Il est devenu mon amoureux sur ces quelques jours. Une parenthèse de tendresse. Je l'écoutais avec fascination me raconter ses aventures. Se projetter dans l'avenir. Je me sentais sage et sérieuse à ses côtés, alors que j'avais toujours une impression d'être décalée et originale par ailleurs.
J'ai quitté la villa avec regret mais emplie d'une certaine force. Invisible au premier regard mais peu importe. J'étais riche de tout ça.