Je pars demain matin pour une dizaine de jours dans la région toulousaine, dans la « maison de famille » comme on dit. Voyage très famille d’ailleurs. On emmène mon père. Le fiston va venir nous rejoindre pendant quelques jours avec un copain. Ma belle-mère aussi peut-être.

Ce sera l’occasion en tout cas d’une coupure d’internet, d’un éloignement du blogo-monde (mais pas de toutes ses personnes d’ailleurs, je me détacherai une journée du cercle familial pour aller rencontrer quelques blogami(e)s de la région). Disons que je mettrai à distance ma blogovie dans sa quotidienneté avec les pressions qu’elle comporte : aller lire, aller écrire, éventuellement aller commenter. C’est très salutaire d’avoir de temps à autre ces moments de coupure.

Or je pars sans avoir de ricochets d’avance. Je ne pourrais donc pas les déposer avant mon départ pour qu’ils soient mis en ligne, au jour que je m’étais fixé, chaque jeudi. Il faudra attendre. Mais les écrirai-je même ? Les relancerai-je si je perds le fil de cette régularité que je m’étais imposée ?

C’est qu’ils ne sont pas faciles ces ricochets ! Je ne suis pas sûr qu’ils me fassent du bien. Je n’arrive pas à être dans une approche légère, ludique, dans la simple chasse aux souvenirs, dans le pur plaisir des surgissements et des évocations. Je ne peux m’empêcher de faire travailler le souvenir dans mon présent, d’analyser ce qu’il me renvoie de mes choix ou plutôt de mes pentes de vie et donc passent des ombres qui viennent réactiver des regrets, des échecs, des impuissances, qui les ramènent à moi non comme des difficultés surmontées mais comme des récurrences et des permanences.

Je pourrais essayer de ricocher différemment. Dans l’autre sens c’est sûrement plus facile. Il me semble que j’arriverai mieux à me faire plaisir dans l’évocation des souvenirs d’enfance. Non qu’ils soient tous toujours roses. Mais en tout cas ils sont plus à distance, ils ne s’articulent pas de la même façon avec mon présent. Je pourrais imaginer de tenir les deux bouts, continuer de descendre mais aussi commencer à monter, prendre des respirations du chemin descendant grâce au chemin montant (ce serait amusant d’ailleurs de voir sur quelle année la tenaille se refermerait, les chemins se rejoindraient).

Ou bien je pourrais renoncer complètement à la contrainte des chemins, lancer des cailloux erratiques, évoquer les années quand l’envie m’en vient en dehors de toute chronologie suivie. J’ai une année prête déjà d’ailleurs, 1961, c’est la première que j’ai écrite parce que c’était le moment où en étaient nos dames initiatrices lorsque j’ai commencé, une année proche de leur naissance, et j’avais eu envie de ricocher par rapport à elles.

Je pourrais arrêter aussi tout simplement. Il n’y a aucune obligation, je n’ai pas signé de contrat, n’est-ce pas, et je n’ai non plus aucune obligation morale vis à vis de quiconque. Je n’en ai pas d’autre que celle que je me mets à moi-même. C’est une tendance que j’ai souvent ça, me créer des obligations. Comme si il n’y en avait pas assez qui nous sont imposées de l’extérieur ! Lorsque je commence quelquechose j’aime bien aller au bout. Ce qui part d’un bon principe – ne pas renoncer à la première difficulté – mais qui ne doit pas être poussé trop loin, il ne faut pas que ça se transforme en acharnement par refus obtus de remise en cause ou par orgueil.

Le but de mon écriture c’est aussi, c’est d’abord, du moins ce devrait être d’abord, de me faire du bien : par le plaisir d’écrire, par le plaisir de transmettre, par le plaisir d’échanger et de me créer des ouvertures nouvelles au monde. Je sais aussi que j’ai beaucoup de plaisir dans l’écriture fictionnelle. Or j’ai un projet de récit, un peu plus qu’une nouvelle, un peu moins qu’un roman auquel je pense depuis pas mal de temps maintenant. Peut-être que cette écriture qui parlerait de moi tout en m’en éloignant serait bienvenue désormais plutôt que de m’acharner à ces ricochets…

Je vais pouvoir laisser mûrir tout ça en étant un peu à distance pendant ces vacances. Peut-être que je vais produire quelques ricochets ou peut-être pas. Nous verrons…