Cognac, une chaude nuit de juillet. Le festival Blues Passions touche à sa fin. Les concerts sont depuis longtemps terminés, les bœufs dans les bars ont fait les affaires des patrons, mais là il est près de 5 heures du matin il faut fermer m’sieur-dames, Nico aide-moi à sortir le gros qui s’est endormi devant sa bière s’teu-plaît! Oui m’sieur l’agent on ferme, on ferme! Eh là-dedans, arrêtez de jouer où je vais me prendre une amende!

Il est près de 5 heures, et les musiciens ne veulent pas partir. Ils veulent prolonger la fête.

Il est 5 heures, il faut bien quitter le bar… mais on ne va pas se quitter comme ça.

Il est 5 heures, une grappe de bluesmen bien imbibés décide de s’installer place François-1er, le cœur de la ville, et de continuer le bœuf.

Il est 5 heures et quelques grammes, il fait encore très chaud, les saisonniers et les bénévoles du festival qui ont travaillé dur décompressent et vont se chamailler dans la fontaine au milieu de la place.

Il est 5 heures et quelques grammes, tout le monde est bien imbibé, et les bluesmen décident de rejoindre les saisonniers et les bénévoles, et d’aller jouer les pieds dans l’eau.

Il est 5 heures et quelques grammes, et les musiciens, aidés d’un groupe d’aficionados indécrottables, transportent leurs instruments du bar vers le centre de la place. Et voilà comment je me suis retrouvé à porter une contrebasse dans une fontaine à 5 heures du mat’, en cette chaude nuit de fin juillet 2002, à Cognac.

Il est 6 heures à peu près, le soleil se lève, les musiciens finissent par rentrer à l’hôtel en continuant à jouer et à chanter. Les instruments sont désaccordés, les voix sont cassés, mais le soleil est dans les cœurs.

Il est un peu plus de 6 heures du matin, et plutôt que de rentrer directement me coucher et mettre fin à cette nuit inoubliable, je passe au journal pour faire… je ne sais plus quoi. Je mets la clé dans la serrure, zut ça tourne pas. Je dois être fin bourré. Je ressaie, toujours pas. Je m’escrime, je gigote, et soudain j’aperçois une ombre à l’intérieur, qui s’efface rapidement. Putain, des voleurs! Le temps de reconnecter mes trois neurones dégrisés, de réfléchir à ce que j’allais faire et avoir une idée lumineuse: la police, je vois qu’on allume à l’intérieur. Un visage d’homme qui s’approche de la porte vitrée, hostile: «qu’est-ce que vous voulez?» Ben euh… je travaille là… et vous qu’est-ce que vous faites là? Le visage disparaît sans donner de réponse. J’ai pas l’esprit assez clair pour penser qu’un voleur n’aurait certainement pas agi comme ça, et je commence sérieusement à m’inquiéter et m’énerver. «Ouvrez», que je crie. Lumière, une petite silhouette apparaît et ouvre la porte: la femme de ménage, qui vient lustrer l’agence avec toute la petite famille un dimanche matin à 6 heures! Alors là je tombe des nues. Et elle, avec son charmant accent portugais: «Oh, vous venez travailler tôt aujourd’hui!» Euh… c’est cela oui!