Quelle joie le jour de mes trente-six ans ! 36, un beau nombre, tout rond, qui se partage en plein de parties entières. Un bon nombre pour moi qui m'accepte enfin partitionnée. Pleine de contradictions, mais entière au sein de chacune d'elles. Ce que je suis ? La réunion de toutes ces parties, ma cohérence est là. Rassurée, je peux aller de l'avant.

Quelle joie le jour de mes trente-six ans ! 36, c'est le double de 18. De 0 à 18 ans, j'ai eu une vie drôlement riche. De 18 à 36 itou. Si je m'octroie encore la même durée de vie (raisonnable, non ?), il me reste mille choses à découvrir. Endiamo alors, droit devant !

Mai 2006. Gare Saint-Lazare. J'attends le bus 80 qui me conduira chez moi. Je viens de partager le déjeûner de mon amoureux. Un gars bien, stable dans sa tête, qui aime ce que j'aime, auprès de qui je peux me sentir moi sans faire d'effort... Un gars auprès de qui je peux à nouveau envisager de me poser, moi qui étais lasse de papillonner à la recherche du moi parmi les autres. Le soleil brille sur les immeubles et l'asphalte parisien, témoin de celui qui rayonne en moi. J'attends le bus en m'extasiant sur la vie. Elle est belle. Je regarde les gens qui passent sur le trottoir d'en face, puis le magasin de vêtements cheap décor de la scène qu'ils traversent. Sur le portant en devanture, des T-Shirt. Sur les T-Shirt en lettres blanches : 36 – My lucky number. Au diable mon bus, je ne peux m'empêcher, je traverse la rue, rejoins le décor. 6 €. Ce T-Shirt est pour moi. Ma vie est belle aujourd'hui.

Mars 2006. Bretagne. Un week-end de folie a conduit 44 roadies sur les routes de Bretagne pour supporter trois joyeux groupes de musiciens. J'en suis. Rires et délires non-stop au rythme du muscadet englouti. La belle vie, une colonie de grands jouant à être petits. Sur le quai d'un petit port au bord de la mer, dernier arrêt avant le retour sur Paris.. Hé, les gars et les filles, on s'est bien marré, mais on a oublié de se baigner ce week-end ! Qu'à cela ne tienne, me voici à l'eau. 13 °C. Embarquée par cette trop forte marrée descendante. Inconsciente du courant qui m'emporte, je nage en souriant. Arrête de sourire lorsqu'ils arrêtent de rire, les spectateurs au bord du quai... Bordel, la mer, c'est dangereux quand on est inconscient. Quand serais-je suffisamment grande pour arrêter de mettre ma vie en jeu ? Quand arrêterais-je de faire rire les autres au péril de moi-même ? Telles sont mes réflexions dans mon demi sommeil, à l'avant de ce bus qui nous ramène vers la capitale...

Eté 2006. Les Cévennes. J'y suis allée en juillet avec mes enfants. Nous n'avons plus de maison là-bas. Qu'à cela ne tienne, nous avons investi un emplacement au camping du Moulin du Pistou au milieu des joueurs de boules. Quel bonheur de nager dans la Cèze, de sauter des rochers inlassablement sans observer le ciel qui menace, de remonter le chemin des cabris sous des trombes d'eau, de traverser une ville en sautant dans les flaques sous des serviettes de bain et l'orage grondant du 14 juillet, pour manger une pizza aussi dégoulinante de mauvais fromage que nos vêtements le sont. Trois enfants en vadrouille ? Non quatre, j'en suis aussi. En août, je retourne dans la région sans mes enfants, avec mon amoureux et les siens. L'histoire n'est plus la même. Je n'ai pas envie de rire. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être les prémisses de la fin de cette histoire ? J'élude la question, je profite de l'air et des bruyères du Mont Lozère, c'est si bon, suffisant à mon bonheur égoïste.

Octobre 2006. Londres. Week-end en duo amoureux. Plus de désir. Il s'est envolé, s'est perdu dans les Cévennes ? Mon amoureux mériterait-il toujours ce qualificatif ? Il faut s'y résoudre, la réponse est non. Incapable de mentir, je prends la fuite. Tristesse. Je ne suis pas encore capable de mener une histoire à deux, à moins que lui n'ait pas été le bon... Je ne sais pas. Mais... La vie continue.

Décembre 2006. Banlieue parisienne. Le 17, c'est mon anniversaire. 37, ce n'est pas un beau nombre... ça se partage en rien. J'aimais mieux 36. Ce fameux jour, je suis chez ma mère. Chaque année, elle oublie de m'appeler pour mon anniversaire. De nombreuses fois, je lui ai dit que cela me blessait. Je ne peux imaginer oublier le jour de naissance de l'un de mes fils, ce moment merveilleux, où cette petite chose que je portais en moi est devenu un être à part entière. Cette année, je suis chez elle ce fameux jour, elle n'aura pas à m'appeler, je suis avec elle... Cette année, je ne serai pas triste le jour de mon anniversaire ! Chouette ! Et bien si, car cette année comme les précédentes, elle a oublié. Chaque minute de cette journée, j'ai attendu qu'elle s'en souvienne. A chaque fois que je la croisais dans cette grande maison ancestrale, j'espérais qu'elle réagisse. Il a fallu que je me résolve à oublier que nous étions le 17 décembre. L'oubli semble parfois la seule solution quand le dire fait trop mal. Le soir même, je me suis fait mal au dos en aidant mes voisins à déménager une cuisinière. Trois jours plus tard, une fièvre incompréhensible me clouait au lit. Trois semaines plus tard, mes jambes refusaient de me porter. Les analyses ? Rien, rien de rien. Tout est psy, ma bonne dame ! Et ben, nous y revoilà ! Et cette fois-ci, faut tout reprendre à zéro... Le ciment qui rassemblait toutes mes partitions ne semble plus tenir le coup. A moins que ce ne soient les briques du démarrage qui ne tiennent pas le choc parce que d'entrée de jeu pourries ? Jusque-là j'ai fait ce que j'ai pu de cet édifice. D'abord ignoré, puis réalisé, alors consolidé... Mille fois, j'ai raisonné pour l'empêcher de m'empêcher... Mais il semble que mon corps en est eu assez de ma raison. Cette fois-ci, c'est lui qui a pris le dessus : il a dit STOOOOP ! Moi, je refuse d'avancer dans ces conditions. Bon... Ben... Je vais t'écouter. Tu ne me donnes pas le choix. Je vais déconstruire. Pour reconstruire du solide. Pfff, ça m'épuise d'avance... Ça fait beaucoup d'années à déconstruire.

Je savais bien qu'il fallait que je profite de 36 - My lucky number. Du bien engrangé pour supporter le pire. Allez, 37, c'est peut-être un beau nombre ? Un nombre premier, un qui ne se partage pas en petits bouts, un nombre absolument ,définitivement, entier... C'est peut-être un bon moment pour redémarrer ? Qui vivra verra, j'en serai ! En 2007...