Un jour de neige, parmi les pins, dans une maternité aujourd’hui détruite. Je me découvrirai plus tard un aimant espagnol nommé comme moi, né lui aussi au même endroit, dix années plus tôt. Tous trois, sœur, frère et moi, nous sommes nés dans ce lieu

Je suis le dernier de la famille, de la génération des petits-enfants des quatre grand-parents. In extremis, j’échappai à la ligature des trompes de ma mère venue consulter son gynécologue à ce propos. Elle m’a gardé. Aurait-elle pu avorter ? Qu’importe ! Si oui, je ne manquerais à personne, de même que les fantômes inconnus qui nous entourent. Je trouvais d’ailleurs cet argument avancé par des adolescents totalement crétin à l’époque : « Ma mère a failli avorter, si elle l’avait fait, je ne serais pas là ! Donc je suis contre l’avortement ». Je n’ai pas changé d’opinion.

Mon père me dira un jour que ses beaux parents auraient préféré que leur fille avortât. Je ne pense pas qu’il l’ait dit par malice, juste par honnêteté. Cette phrase prononcée dans l’antre de ma chambre au papier peint de fleurs stylisées orange et vertes seventies me marque encore aujourd’hui, puisque je vous la livre. Elle m’inspire du détachement, aucune tristesse profonde car les protagonistes sont morts depuis quelques années déjà, aucune malédiction damoclésienne, du détachement, uniquement.

Je m’aperçois que je fais tout un fromage de cette histoire. Mais ne faut-il pas occuper cette première année sans souvenir ?